La Commission Européenne – par l’intermédiaire de M. MOSCOVICI, commissaire au Marché Intérieur – veut lutter contre la fraude fiscale et l’optimisation fiscale. C’est l’OCDE puis le G20 qui ont décidé de lutter contre ces transferts de bénéfices entre les différents pays pour éviter le paiement de tout impôt.
Il est donc envisagé une directive visant à lutter contre la planification fiscale transfrontalière à caractère « agressif » qui contiendrait un risque potentiel d’évasion fiscale. On vise clairement les intermédiaires fiscaux de toute nature, y compris les avocats, qui conçoivent, commercialisent ou mettent en œuvre des dispositifs d’optimisation fiscale.
La Commission va très loin puisqu’elle va même définir des marqueurs qui permettent de déterminer les dispositifs « illicites ». Il s’agit, par exemple, de clause de confidentialité fiscale, d’honoraires de résultat pour l’intermédiaire assis sur l’avantage acquis par la société, d’achat de société déficitaire suivie de sa liquidation, d’amortissement d’un même bien dans plusieurs juridictions, …
Une liste précise est donnée. Elle n’est pas exhaustive.
Lutter contre la fraude fiscale ou même l’évasion fiscale ne me choque pas. En revanche, s’agit-il de lutter contre ces pratiques en remettant en cause le secret professionnel ? Telle est la difficulté.
Dans le premier texte concernant la directive, rien n’était fait pour protéger le secret professionnel des avocats. Le Conseil des Barreaux Européens est intervenu vigoureusement auprès de la Commission Européenne pour faire valoir le danger que cela représentait. Finalement, l’article 8bis-2 prévoit que « chaque Etat membre peut prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensé de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel en vertu de la législation nationale dudit Etat membre. En pareil cas, chaque Etat membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier immédiatement à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’intermédiaire, aux contribuables concernés, les obligations de déclaration qui leur incombent ». Il faut donc faire une déclaration concernant ces montages fiscaux « agressifs ». A l’origine, il était prévu que c’était l’avocat qui devait le faire. Dorénavant, il est possible que l’avocat échappe à cette obligation de déclaration lorsque le secret professionnel est prévu dans la législation nationale (encore faudra-t-il surveiller la transposition de cette directive). En revanche, l’avocat sera tenu d’indiquer à son client qu’il doit lui-même se dénoncer.
La question est désormais déplacée. Dans l’hypothèse où la France transposerait exactement cette directive en exonérant les avocats d’une déclaration directe, comment l’avocat justifiera-t-il de l’information donnée à son client concernant son obligation de se dénoncer ?
Y-aura-t-il des sanctions ? Cette information concernant l’obligation de se dénoncer est-il compatible avec le secret professionnel ? Et peut-elle être fournie à l’administration fiscale ?
Que se passera-t-il si le contribuable est sanctionné pour défaut de déclaration ? L’avocat sera-t-il complice ?
Les Etats membres auront jusqu’au 31 décembre 2019 pour transposer la directive. Celle-ci doit, en principe, être adoptée le 25 mai 2018.
Le projet et surtout sa transposition posent donc nombre de questions. Il conviendra d’être particulièrement vigilants.
Ces questions ont déjà été abordées par le Conseil National des Barreaux suite à un excellent rapport présenté lors de l’assemblée générale du 4 mai 2018 par le Bâtonnier TAQUET, membre du C.N.B. et président de la commission fiscale du C.C.B.E.
Michel BENICHOU