La Cour de Cassation avait comme doctrine de considérer que les honoraires réglés spontanément par le client ne pouvaient, par la suite, être contestés et restitués. Elle vient de changer sa jurisprudence. L’affaire est banale. Un couple de justiciables confiait un grand nombre de dossiers à un avocat. Celui-ci émet des factures avec des courriers précisant les diligences accomplies. Les factures sont réglées volontairement et spontanément. Mais le couple forme une contestation des honoraires de l’avocat auprès du Bâtonnier et demande la restitution de sommes importantes. Apparemment, on mettait en cause la compétence de l’avocat et sa responsabilité. Le Bâtonnier, conformément à la jurisprudence, considère qu’il ne s’agit pas d’un débat sur l’honoraire mais d’un débat sur la responsabilité de l’avocat et donc les renvoie à mieux se pourvoir.
Les clients font appel. Le Premier Président de la Cour d'Appel d’AIX EN PROVENCE confirme. Ils forment un pourvoi en cassation. La 2ème chambre civile, dans un arrêt du 6 juillet 2017, décide que les honoraires payés volontairement après service rendu sont susceptibles de réduction.
Elle applique l’article L441-3 du Code de Commerce . Les justiciables soutenaient que les mentions exigées par ce texte du Code de Commerce devait figurer sur les factures elles-mêmes sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à un document séparé (les lettres adressées par l’avocat pour justifier de ses diligences).
Or, pour des raisons de secret professionnel et considérant les possibilités pour l’administration fiscale de contrôler le contenu des factures, les avocats ont pris l’habitude de faire figurer le détail des prestations facturées sur un courrier d’accompagnement. C’est ce qu’avait fait cet avocat.
Cela est conforme aux prescriptions des déontologues de la profession qui consistent à « s’abstenir de toute référence, dans la facture, à l’objet de la mission confiée. Celui-ci ne devrait être exposé que dans une lettre de mission totalement distincte et couverte par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (Th WICKERS D.2016 p 101).
Il y avait donc des courriers d’avocat expliquant les diligences et transmettant aux clients la copie de l’acte effectué. Pour la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation, ces documents sont insuffisants. L’arrêt de la Cour d'Appel est donc cassé. On estime que ce sont les factures elles-mêmes qui doivent préciser les diligences effectuées et facturées. A défaut, la réduction des honoraires peut être sollicitée auprès du juge même si le client a réglé volontairement l’honoraire après service rendu.
Décidemment, dans tous les cas, l’avocat semble avoir tort. Ce même jour, 6 juillet 2017, la même chambre de la Cour de Cassation (2ème chambre) rend un 2ème arrêt. La cliente bénéficiait de l’aide juridictionnelle partielle à hauteur de 25%. Elle conclut avec son avocat une convention d’honoraires prévoyant un honoraire de diligences et un honoraire de résultat. L’affaire se termine par une transaction. L’avocat fait application de la convention d’honoraire et la cliente conteste la somme demandée.
On saisit le Bâtonnier qui ne répond pas dans le délai et c’est le Premier Président de la Cour d'Appel qui doit statuer. Le Premier Président déclare que l’honoraire de résultat est inapplicable, le Bâtonnier ne l’ayant pas dans son avis préalable, validé !
L’avocate fait un pourvoi en cassation. Elle considère que lorsque le Bâtonnier valide la convention d’honoraires il le fait pour l’ensemble du texte et qu’il ne faut pas une validation spécifique concernant l’honoraire de résultat.
La 2ème chambre civile de la Cour de Cassation rejette le pourvoi et indique qu’en application de l’article 35 de la loi du 10 juillet 1991, en cas d’aide juridictionnelle partielle, aucun honoraire de résultat ne peut être demandé par l’avocat sauf en cas de retrait de l’aide juridictionnelle conformément à l’article 36 de la même loi. Seul un honoraire complémentaire de diligence peut être prévu.
Michel BENICHOU