La déontologie d’un avocat repose, pour moi, sur trois piliers : l’indépendance, le secret professionnel et la prévention des conflits d’intérêt. Tout le reste n’est qu’habillage. Or, quelle va être la protection de ces trois piliers et notamment de la prévention des conflits d’intérêt dans le cadre de sociétés pluri-professionnelles d’exercice telles qu’autorisées par la Loi n° 2015-990 du 6 aout 2015 (loi Macron), l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 et les Décrets du 5 mai 2017 ? Dans les SPE, on va trouver des professions qui ont des clientèles différentes (clientèles institutionnelles - c’est souvent le cas des huissiers ou des notaires - ou des clientèles de particuliers). Les administrateurs judiciaires sont dans une situation particulière puisqu’ils n’ont pas « de clientèle » mais des mandats de justice.
Lorsqu’une entreprise déposera le bilan, comment acceptera-t-on la cohabitation entre l’expert-comptable et l’avocat de cette entreprise et le mandataire judiciaire? Le conflit d’intérêt sera d’autant plus patent que l’avocat et l’expert-comptable auront agi de concert pour éviter à l’entreprise le dépôt de bilan et, lorsque celle-ci aura été placée en redressement judiciaire, ils devront œuvrer pour avoir un plan de redressement, quel qu’il soit
Le mandataire judiciaire n’est pas dans cette optique. La liquidation judiciaire sera considérée comme une sanction pour le dirigeant (sans évoquer les autres éventuelles sanctions à l’encontre du dirigeant conseillé par l’avocat et assisté par l’expert-comptable).
A quel moment, l’avocat et l’expert-comptable devront cesser toutes relations avec l’entreprise ? Lorsque celle-ci aura des difficultés et que la cessation des paiements sera proche ? Lorsqu’elle aura été placée en redressement judiciaire et que l’administrateur judiciaire appartenant à la SPE ou le mandataire judiciaire appartenant à la même société auront été désignés ? Quelle sera l’application de la règle d’antériorité des relations avec le client ? Si c’est le cas, les administrateurs judiciaires ou mandataires judiciaires appartenant à une SPE n’auront plus espoir d’avoir des mandats de justice que concernant les entreprises qui n’auront pas été clientes de la SPE.
En bref, pour ceux qui se lancent dans cette aventure en espérant accroitre leur clientèle. Il est possible que, par la règle du conflit d’intérêt (s’ils la respectent !) la clientèle n’en soit réduite.
Ce ne serait que justice.
Michel BENICHOU