Le Tribunal Fédéral Suisse vient de rendre un arrêt (15.12.2017, 2C_1054/2016, 2C_1059/2016) qui concerne les actionnaires des sociétés d’avocats.
Le débat avait débuté en 2008, à ZURICH.
La Commission de Surveillance des avocats avait confirmée aux associés d’une étude d’avocats organisée sur la forme d’une société anonyme qu’ils remplissaient tous les critères pour exploiter leur étude.
Cette société avait ouvert des succursales dans plusieurs cantons (BERNE, TESSIN …).
Les autorités cantonales compétentes en matière de surveillance des avocats avaient rendu dans ces cantons, des décisions similaires à celle de ZURICH.
Puis, en 2015, ils entendent ouvrir une succursale à GENEVE.
La Commission du Barreau de GENEVE rejette la demande d’agrément en considérant que l’exercice de la profession d’avocat sous la forme d’une société de capitaux ne pouvait être admis que si le capital social de la société était intégralement détenu, en tout temps, par des avocats inscrits à un registre cantonal.
En l’espèce, un des actionnaires et plusieurs membres du Conseil d’Administration de la société n’étaient pas des avocats (experts fiscaux …).
La motivation de la Commission du Barreau de GENEVE était simple : cette situation ne permet d’assurer le respect des règles professionnelles et en particulier la garantie de l’indépendance et du secret professionnel de l’avocat.
La Cour de Justice de GENEVE a été saisie et a confirmé la décision de la Commission du Barreau de GENEVE.
L’étude d’avocats a donc interjeté un pourvoi devant le Tribunal Fédéral.
Ce recours est rejeté.
La motivation est également simple.
D’après la loi fédérale sur la libre circulation des avocats, l’avocat doit être en mesure de pratiquer en toute indépendance.
Dans le cas d’une société organisée sous la forme d’une personne morale, l’indépendance de l’avocat ne peut être assurée que s’il l’actionnariat est composé uniquement d’avocats inscrits, eux-mêmes soumis aux règles professionnelles et à la surveillance disciplinaire.
Dans la mesure où l’un des associés est un expert fiscal diplômé qui n’est pas inscrit à un registre cantonal d’avocats, il y a lieu de confirme l’arrêt de la Cour de Justice.
La présence de cette personne au sein du Conseil d’Administration de la société met en péril le secret professionnel de l’avocat.
Régulièrement, en France, le débat sur les capitaux extérieurs intervient.
L’aile marchande de la profession a obtenu que les capitaux extérieurs soient présents dans les sociétés d’avocats.
Leur volonté est, à tout le moins, que 49% du capital d’une société soit détenu par des tiers.
Certains imaginent même la création d’Alternatives Business Structures (comme il en existe en Angleterre et au Pays de Galle) implantées en France.
La réponse du Tribunal Fédéral Suisse est exemplaire.
Les capitaux extérieurs mettent en péril l’indépendance et le secret professionnel des avocats.
Cela ne suffira nullement aux marchands de droit que sont devenus certains avocats.
Ils estiment que cela ne concerne que les règles d’organisation de la profession et que celles-ci peuvent, à tout moment, être changées.
Or, la décision suisse rappelle qu’il ne s’agit pas de règles temporaires d’organisation mais de principes essentiels : l’indépendance et le secret professionnel, principes sans lesquels l’avocat n’existe pas.
Michel BENICHOU