L’Ordre des avocats du Barreau de Paris vient d’être sanctionné par une nullité de la délibération du conseil de l’Ordre approuvant les comptes de l’année 2012. Cette décision pourrait concerner, éventuellement, d’autres Ordres d’avocats ou d’autres ordres professionnels.
Le débat était simple. Il avait été tranché par la Cour d'Appel de PARIS (arrêt du 11 février 2016) qui avait déjà annulé la délibération du 18 juin 2013 par laquelle le Conseil de l’Ordre des avocats au Barreau de PARIS avait adopté un certain nombre de résolutions et notamment avait approuvé les comptes de l’exercice 2012.
Trois membres du Conseil de l’Ordre avaient contesté cette décision. La Cour de Cassation vient de confirmer l’arrêt de la Cour d'Appel de PARIS par un arrêt du 4 octobre 2017. Les enseignements sont nombreux.
Tout membre d’un barreau est susceptible de contester les décisions du Conseil de l’Ordre, qu’il soit ou non membre dudit conseil, à condition d’avoir été lésé dans ses intérêts professionnels. Ses intérêts peuvent être appréciés in concreto et peuvent être soit financiers, soit moraux.
Naturellement le contrôle budgétaire fait partie de cet intérêt financier et moral. Les membres de l’institution ordinale doivent procéder à ce contrôle budgétaire, cette mission de gestion et d’administration et toute atteinte au fonctionnement normal du Conseil de l’Ordre en raison de la méconnaissance des règles de fonctionnement et d’ordre moral. Le recours est donc recevable.
Par ailleurs, en l’espèce, l’Ordre des avocats faisait valoir que, préalablement au Conseil de l’Ordre, la Commission des finances avait contrôlé en détail tous les postes budgétaires et avait bénéficié de l’ensemble de l’information. Les requérants se plaignaient d’une absence d’information et surtout ne disposaient pas de la liste des bénéficiaires des honoraires versés par l’Ordre de PARIS des avocats (à hauteur de 5.106.282 euros à laquelle s’ajoutait un autre poste pour un montant de 455.099 euros intitulé « honoraires autres »).
Le débat portait donc sur une somme de 5.561.381 euros qui représentait un quart des cotisations ordinales versées par tous les avocats parisiens à l’Ordre.
La Cour d'Appel de Paris, comme le Conseil de l’Ordre, a considéré que l’information donnée à la commission des finances et le contrôle exercé par celle-ci, ne dispensait en aucune façon l’autorité ordinale de donner toutes informations aux membres du Conseil de l’Ordre qui doivent être suffisamment informés pour voter en faveur ou en défaveur de l’arrêté des comptes.
C’est le Conseil de l’Ordre qui détient le pouvoir de gérer les biens de l’Ordre, de préparer le budget, de fixer le montant des cotisations des avocats, d’administrer et d’utiliser ses ressources pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, à leur conjoint survivant ou à leurs enfants, de répartir les charges entre ses membres et d’en poursuivre le recouvrement. Les membres du Conseil de l’Ordre doivent être suffisamment informés et la carence d’information doit être sanctionnée par l’annulation des résolutions.
Cette décision n’est pas surprenante. Lorsque l’on examine le fonctionnement des conseils municipaux, on s’aperçoit que cette notion d’information suffisante a déjà été, à plusieurs reprises, utiliser par les juridictions administratives pour annuler des décisions.
Par ailleurs, de nombreux Ordres, depuis plusieurs années, procèdent à un examen des comptes et de leur budget de façon publique. Les Conseils de l’Ordre se déroulent en toute transparence devant un public qui peut interroger le Bâtonnier ou le trésorier chargé de présenter les comptes.
Seule cette transparence totale peut garantir la pérennité des Ordres et de leurs missions.
Michel BENICHOU