Au nom de la transparence, tout serait concevable. Cela constitue, désormais, le créneau des démocraties. La transparence est invoquée comme une panacée.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme vient d’être saisie et a tranché d’une difficulté liée, justement, à trop de transparence.
En Finlande, la législation prévoyait une transparence totale des données fiscales. Dès lors, deux sociétés finlandaises se sont spécialisées dans la récupération des informations fiscales auprès de l’administration et leur publication. Les nom, prénom, patrimoine, revenus imposables étaient adressés à un journal finlandais qui les publiait in extenso. En 2012, la publication concernait 1,2 million de personnes physiques dont les revenus imposables annuels dépassaient les 13.000 euros. Chaque numéro était donc suivi comme un feuilleton avec la publication des noms des contribuables.
L’affaire a été portée devant les juridictions finlandaises et, à cette occasion, s’est posé la question de la protection des données personnelles. Une décision de la Cour Administrative suprême finlandaise a valorisé la protection des données au détriment de la liberté d’expression et de la publication des journalistes. L’affaire est donc portée devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Paradoxalement, celle-ci doit appliquer la règlementation de l’Union en matière de protection des données (Directive 95/46 du 24 octobre 1995, règlement n° 2016/79 du 27 avril 2016 qui entrera en vigueur en 2018 et les articles 8 et 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne).
Les deux sociétés requérantes mettaient en avant la liberté de l’activité de journalisme et estimaient que la publication des données fiscales avait pour finalité de transmettre des informations, des opinions, des idées, participant ainsi un débat d’intérêt général.
Finalement, la Cour Européenne considère que la transparence fiscale absolue a une limite : la protection des données personnelles (C.E.DH. grande chambre 27 juin 2017 n° 931/13).
Michel BENICHOU