I) L'existence d'un lien de subordination entre les conjoints
Le conjoint-chef d'entreprise peut avoir la tentation de mettre en évidence l'incompatibilité d'un lien de subordination, qui est le caractère d'une relation salariée, avec les traditionnels liens conjugaux afin de s'exonerer de toute éventuelle condamnation pour une rupture abusive du contrat de travail.
Dans une affaire où la femme gérante de l'entreprise avait licencié son mari pour faute lourde, les juges ont estimé , le mari participant effectivement à l'activité de la société de son épouse à titre professionnel et habituel et percevant une rémunération égale au Smic, que la relation salariée était établie.( Cass.soc.6 novembre 2001 n° 09-68962)
Dans un autre dossier, les juges avaient indiqué que le contrat liant la femme gérante et son mari n'était pas fictif dans la mesure où ce dernier percevant un salaire accompagné de bulletins de payes "n'avait pu s'octroyer la plus grande liberté dans ses heures de travail sans réaction de sa femme" (Cass.soc 6 octobre 2010 n° 09-68962)
Des juges avaient estimé,avec un certain humour, dans une affaire d'emploi non déclaré (l'homme étant le travailleur clandestin de sa femme), que le mari "était sous les ordres de son épouse, autant que les relations conjugales permettaient cet état de choses..." (Cour d'appel de Riom 3 juillet 2003)
II) La modification du contrat de travail du conjoint dans le cadre d'une procédure de divorce
Un expert comptable, en instance de divorce,avait retiré la signature et la gestion du cabinet à son épouse salariée. Celle-ci a pris acte de la rupture du contrat de travail invoquant une modification unilatérale de ses fonctions.
La cour de cassation a donné raison à la salariée, estimant qu'en lui enlevant l'activité de gestion du cabinet comptable dont elle était essentiellement chargée, son mari-employeur avait à tort modifié unilatéralement son contrat de travail et qu'en conséquence sa rupture devait s'analyser comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.(Cass.soc 12 décembre 2012 n° 11-23025)
Dans un autre dossier, la femme gérante de l'entreprise où son mari était salarié avait réduit la rémunération de ce dernier de 40% avant d'entamer une procédure de divorce.
Son mari, ayant développé un conentieux très longtemps après cet évenement, les juges ont néanmoins estimé qu'en matière de modification importante du contrat de travail, "l'absence de contestation même pendant plusieurs années ne saurait faire la preuve de l'acceptation (de cette modification)" (Cass.soc 6 octobre 2010 n° 09-68962)
III) Les fautes graves reprochées au conjoint
Dans le contexte d'un procédure de divorce, Mme X n'avait pas repris ses fonctions au sein du laboratoire d'analyses médicales dans lequel elle était employée par son mari. Celui-ci l'a licencié...au bout de deux ans et demi d'absence au motif d'un abandon de poste.Les magistrats saisi du contentieux avait estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que " l'abandon de poste ,qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois et se trouvait donc prescrit" (Cass.soc 29 janvier 2003 n° 01-40036)
Dans une autre affaire, les juges ont approuvé le licenciement pour faute grave d'un ambulancier d'une entreprise gérée par son épouse pour l'utilisation frauduleuse du chèquier de la société (Cour Appel Pau 17 mars 2008 RG 06/02641)
En revanche, doit être qualifié d'abusif le licenciement de l'épouse salariée d'un gérant d'entreprise qui avait violemment manifesté contre son conjoint, sur les lieux de travail, pour réclamer le paiement de ses derniers salaires mensuels et pour protester contre le contrôle oppressant assuré par la secrétaire (trop ?) particulière de son mari, sur son activité professionnelle (Cass.soc.4 février 1976 n° 74-40387)
A la lecture de ce contentieux entre époux au sein d'une relation de travail et sur fonds de divorce, on voit que si l'on peut aboutir parfois au licenciement d'un des conjoints par l'autre, on peut aussi se demander , dans d'autres hypothèses, si le licenciement pour faute de son conjoint ne pourrait être invoqué par l'autre partie comme constituant un motif légitime de divorce ...
Michel RIBAS
Formateur indépendant en droit social
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