Harcèlement sexuel : vie privée / vie professionnelle

Publié le Modifié le 02/12/2011 Vu 3 296 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Dans cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 octobre 2011, la Cour de Cassation rattache des faits de harcèlement sexuel commis hors temps et lieu de travail à la vie professionnelle du salarié. Comment cela est-il possible ? Sur quel raisonnement se fonde la Cour ? Pour apprécier cette solution, nous verrons successivement la condamnation du harcèlement sexuel par les juridictions françaises (I°) puis la notion de vie privée (II°).

Dans cet arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19 octobre 2011, la Cour de Cassation rattach

Harcèlement sexuel : vie privée / vie professionnelle

I° La condamnation du Harcèlement Sexuel :

A) La définition :

Le Harcèlement sexuel est définit à l'article L.1153-1 du Code du Travail. Il interdit en outre tout agissement de harcèlement d'une personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers. La loi du 27 mai 2008 élargit cette notion en condamnant tout agissement à connotation sexuelle subi par une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant ou offensant.

La jurisprudence sanctionne en effet, d'une faute grave un salarié abusant de sa position hiérarchique pour imposer à un autre salarié des faveurs sexuelles (Soc. 5/03/2002 n°00-40.717).

 

Mais au delà de cette définition, la question posée à la Haute Cour est la suivante : est-ce qu'un salarié qui aurait tenu des propos à caractère sexuel envers ses collègues féminines et ce hors temps et lieu de travail pourrait se voir sanctionner, voire licencier ?

 

B) Le rattachement à la vie professionnelle :

En l'espèce, un salarié a tenu des propos à caractère sexuel à 2 collègues féminines lors de l'envoi de messages électroniques, en dehors du temps et lieu de travail, via MSN. Le salarié avait également fait, sur son lieu de travail des réflexions déplacées à l'une de ses collègues et avait enfin suivi une troisième dans les toilettes. Les plaintes de ces femmes ont été portés auprès de la Direction, qui a bien réagit en mettant en place une commission et a entendu les parties.

A la suite, l'employeur a engagé une procédure de licenciement pour motif disciplinaire contre le salarié auteur des faits.

La Cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 22/10/2009, a affirmé que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse. Lesdits faits relevaient de sa vie personnelle et ne constituaient pas une faute dans l'exécution de son contrat.

 

A contrario, la Cour de Cassation considère que les propos à caractère sexuel et l'attitude déplacée du salarié à l'égard de personnes avec lesquelles il était en contact en raison de son travail ne relevaient pas de sa vie privée. La Haute juridiction utilise donc comme critère de rattachement à la vie professionnelle le lien qui unit l'auteur aux victimes des agissements.

 

Toutefois, encore faudrait-il examiner quels sont les critères de rattachement à la vie privée.

 

II° La notion de vie privée :

A) Le principe :

Par principe, un fait tiré de la vie personnelle d'un salarié ne peut fonder légitimement un licenciement pour motif disciplinaire. Toutefois, les mêmes faits peuvent légitimer fonder un licenciement pour motif personnel (non-disciplinaire) s'ils causent un trouble objectif au sein de l'entreprise.

 

La vie personnelle peut être définit comme celle ayant lieu en dehors du temps de travail et en dehors du lieu de travail. Toutefois, on l'a vu précédemment des éléments extérieurs peuvent être pris en compte pour rattacher des faits à la vie professionnelle.

 

Dans l'arrêt du 19/10/2011, la Cour prend en compte en matière de harcèlement sexuel, le lien qui unit l'auteur aux victimes. En l'espèce, l'auteur était employé dans une société de taxi et était donc en contact direct avec les téléopératrices.

 

A titre d'exemple, il est important d'illustrer ce propos par le cas du retrait de permis, hors temps de travail, d'un chauffeur routier.

 

B) Le cas du retrait de permis de conduire :

La Cour de Cassation a, depuis longtemps, rattaché de manière artificielle le retrait de permis d'un chauffeur, hors temps de travail, à une faute disciplinaire. En effet, le fait pour un conducteur routier de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'emprise d'un état alcoolique même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle (Soc. 2/12/2003).

Cette jurisprudence était quelque part en contradiction avec le principe selon lequel, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.


En outre, la Cour de Cassation, par un arrêt du 3 mai 2011 (n°09.67-464), opère un revirement de jurisprudence. Elle pose la solution suivante : « le fait, pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions, de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entrainant une suspension/ retrait de son permis de conduire ne sauraient être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligation découlant de son contrat de travail ».

 

En conclusion, le salarié ayant en tout état de cause une obligation de dignité vis-à-vis de ses collègues peut être sanctionné par un licenciement disciplinaire pour faute grave, si ses agissement constituent un harcèlement sexuel, et ce qu'ils aient lieu en dehors du lieu de travail et en dehors du temps de travail, sous réserve d'un lien entre l'auteur et la victime.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.