Port du voile au sein de l'entreprise

Publié le Modifié le 07/12/2011 Vu 4 652 fois 2
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La question est de savoir si une entreprise est en droit d'interdire au sein de ces locaux le port du voile intégral, et si oui, dans quelles conditions. Pour appréhender le problème et sa solution, il convient dans un premier temps de revenir au principe (I°) pour en apprécier dans un second les implications (II°).

La question est de savoir si une entreprise est en droit d'interdire au sein de ces locaux le port du voile in

Port du voile au sein de l'entreprise

I° Le principe : le respect des droits et libertés du salarié

A) Les droits et libertés au sein de l'entreprise

Selon l'article L.1121-1 du Code du Travail, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

Ainsi, dans l'affaire soumise à la Cour d'appel de Versailles du 27 octobre 2011 (n°10-05642), l'association Baby-Loup a licencié pour faute grave une salarié qui avait refusé de manière répétée d'enlever son foulard intégral. Ces restriction avait en outre été imposé par le règlement intérieur de l'association. La salarié invoque une discrimination au regard de ses convictions religieuse et demande par conséquent la nullité de son licenciement. Le Conseil des prud'hommes déboute la salariée de sa demande et interjette appel auprès de la Cour d'appel de Versailles. La Cour rejette la demande. Reste à savoir sur quel fondement.

 

B) Les libertés en question :

A la lecture de l'arrêt, la salariée semble invoquer deux fondements à sa discrimination.

1. La liberté de se vêtir

D'abord, la salarié peut invoquer la liberté de se vêtir. En effet, à condition d'être décent, la salarié est libre de s'habiller et de se coiffer à sa guise.

 

Toutefois, l'argument de la salarié ne saurait prospérer longtemps. La liberté de se vêtir à sa guise au temps et au lieu de travail n'entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales (soc. 28/05/2003 n°02-40.273).

 

Sur ce fondement, l'employeur était donc en droit de restreindre cette liberté dans le règlement intérieur. A titre d'exemple, l'employeur peut imposer le port d'un uniforme si cela répond soit à un impératif de sécurité soit est lié à l'intérêt de l'entreprise, et notamment à l'exercice de certaines fonctions.

2. La liberté d'opinion religieuse

Concernant la liberté religieuse des salariés, l'employeur est tenu de respecter les opinions et les convictions de ces salariés.

 

Toutefois, ce dernier ne saurait pour autant réclamer un traitement particulier au raison de ces croyances. Ainsi, la salarié souhaitait porter le voile intégral contrairement aux dispositions du règlement intérieur. Elle invoquait en outre, que la crèche, gérée par l'association Baby Loup, était principalement fréquentée par des personnes de confession islamique. Cet argument ne pu non prospérer au regard cette fois des statuts de l'association, qui a vocation à accueillir tous les enfants dans une structure neutre.

 

En définitive, la salariée ne s'est pas garder de tout prosélytisme susceptible de porter atteinte à la bonne marche de l'entreprise. La sanction de son comportement, le licenciement est donc justifié.

 

II° L'exception : la restriction soumise à conditions

Pour éviter toute les dérives, l'employeur confronté à une telle situation doit néanmoins respecter certaines conditions.

A cet effet, la HALDE indique que l'employeur doit apporter des précisions à cette interdiction du port du voile. Il ne peut pas en faire une interdiction générale et absolue. Il doit ensuite assurer la pertinence et la proportionnalité de la contrainte et ce au cas par cas au regard des tâches concrètes du salarié et du contexte de l'exécution de son travail.

A titre d'exemple, a été jugée justifiée l'interdiction d'un foulard islamique faite à une vendeuse d'un centre commercial (CA Paris 16/03/2001 n°99-31302) ou une technicienne de laboratoire (CA Paris 23/11/2006 n°05-5149) dès lors que l'intéressée est en contact avec la clientèle dans un lieu ouvert à un large public de convictions variées.

Au cas d'espèce, la salariée était en contact avec des enfants de toutes confessions. Il existait donc un risque de prosélytisme de la part de la salariée. La restriction à la liberté de croyance, certes garantie par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, est d'une part justifiée au regard de la nature du poste de la salarié, en contact permanent avec de jeunes enfants et d'autre part, proportionnée au principe de neutralité, mentionné dans les statuts de l'association.

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1 Publié par Visiteur
02/01/2012 23:13

Salut, de mémoire il n’existe pas de restriction à la liberté de croyance… ouf.
La liberté de penser est la seule chose qu’il nous reste ! Concernant la liberté d'expression religieuse, elle, demeure le principe et le Conseil d’Etat ne lui trouve que 4 exceptions jamais démenties par la CJCE.... elle ne doit pas affecter la sécurité, l'assiduité, la neutralité des sexes et générer du prosélytisme.
Rien ne dit que l’espèce entre dans l’une de ces exceptions.
De plus, l’article L.1121-1ct dans l’esprit de l’article 9 CEDH garantit cette liberté et impose donc, des conditions d’application « justifiées par la nature des tâches à accomplir ni proportionnées au but recherché ». Rien ne dit que le port d’une tenue religieuse ne soit pas conforme aux limites posées par l’article 1121-1ct.
Aussi, le règlement intérieur ne peut comporter une interdiction générale et absolue… souvenez-vous CE. Kherouaa 02/11/1992.
Par conséquent, il serait intéressant que Mme X… fasse dire à la Cour de cassation que le règlement intérieur prévoyant une interdiction générale et absolue d’exprimer sa religion est contraire à la l’article 1121-1ct et à l’article 9CEDH ; que le port du voile dans le cas de Mme X… n’est pas contraire aux dispositions de l’article 1121-1ct.
D’ailleurs, rien ne dit qu’il est contraire à l’intérêt de l’enfant de côtoyer, même dans le cadre d’une crèche, une personne voilée…ce serait aussi une façon de lutter contre le racisme…

2 Publié par Mourot
04/01/2012 16:25

Bonjour, tout d'abord, je vous remercie de votre commentaire très pertinent. Certes, le port de signes religieux par les salariés n'est pas fautifs en soi, en l'absence de prosélytisme ou de pressions. De plus, tout comme la HALDE (délibération du 18 février 2008) vous dénoncez avec justesse la contrariété à l'article 9 de la CEDH.
Toutefois, eu égard à la solution de l'arrêt, on peut être soulevé le point suivant : le contexte. Il s'agit en outre d'une crèche, certes privée mais accueillant de jeunes enfants. Aussi, eu égard au principe de neutralité qui pourait s'appliquer à l'ecole primaire, le juge doit mettre en balance le comportement de la salariée avec cette liberté fondamentale, qu'est la liberté religieuse et de surcroît la liberté de manifester ses convictions religieuses.
Alors, en conclusion, est-ce qu'insérer une notion de neutralité au sein de statut ou un réglement intérieur est contraire à cette liberté ? je pense que la réponse est négat.Aussi, ne faut-il pas intépréter cette clause comme une interdiction générale et absolue. D'autant que le juge, en l'espèce a bien procèder à un contrôle de la nécessité et du caractère proportionné de la mesure.
Mais je vous l'accorde, l'argument que vous développez à savoir la nullité de la clause du réglement intérieur peut être une voie pour Mme X, mais hélas, il n'a pas été soulevé en appel...

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