Les sanctions forfaitaires en droit social sont-elles menacées ?

Publié le 02/02/2011 Vu 2 790 fois 0
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Est-ce que la sanction forfaitaire de l’article L.8223-1 du Code du Travail, prévoyant une indemnité égale à 6 mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail avec un travailleur dissimulé, est constitutive d’une peine ou d’une indemnité ?

Est-ce que la sanction forfaitaire de l’article L.8223-1 du Code du Travail, prévoyant une indemnité égal

Les sanctions forfaitaires en droit social sont-elles menacées ?

Confrontée à cette interrogation, la Cour d’appel d’Amiens du 13 octobre 2010 a préféré la soumettre via le filtre de la Cour de Cassation au contrôle du Conseil Constitutionnel, via la nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Aussi, la Cour de Cassation dans un arrêt du 5 janvier 2011 a reconnu le caractère sérieux de la question soulevée et admet donc la possibilité pour le juge constitutionnel son examen.

Aussi, nous analyserons successivement d’une part, l’argument soulevé en faveur de la qualification de peine et d’autre part, la solution qui pourra être retenue par le Conseil.

I.                  L.8223-1 : une peine ?

Avant toute analyse de l’argumentation soulevée devant la Cour d’appel, il conviendra d’étudier brièvement la notion de peine.

A.                La notion de peine

Une peine peut être défini au regard de deux éléments :

  • Le critère formel : Ainsi, nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi ou le règlement, selon l’article 111-3 du Code Pénal. Cet argument préliminaire ne peut à lui seul convaincre le juge pour reconnaitre la qualité de peine. En effet, le législateur, en matière de droit du travail, a inclus à l’intérieure du Code des dispositions répressives, placées sous l’angle du droit pénal, ayant la qualité de peine et d’autre part, des dispositions indemnitaires, qui sont-elles qualifiées comme telle. Mais qu’en est-il lorsqu’elles ne sont pas identifiées explicitement ?
  • Le critère matériel : Ce second critère est plus adéquat pour appréhender la notion. La peine est destinée à punir l’auteur d’un fait répréhensible et ce, même si elle prononcée par une juridiction non pénale. Aussi, cette indemnité vise-t-elle à punir l’employeur ayant rompu un contrat alors qu’il employait un salarié « dissimulé » ou à indemniser ce salarié ?

B.                Les enjeux :

L’enjeu primordial est d’établir l’inconstitutionnalité de cette disposition au motif qu’elle est contraire aux principes d’individualisation et de personnalité des peines. En effet, le caractère forfaitaire, par nature non-modulable, de la sanction est contraire aux principes à valeur constitutionnelle, reconnu par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 selon laquelle, « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ». En conséquence, en infligeant des sanctions forfaitaires, le législateur, et ce quel que soit la matière concernée, risquerait de se voir retoquer. D’autant, que le Conseil applique ce principe à toute sanction ayant le caractère d’une punition (C.const. 13/08/1993).

Aussi, plus illusoire, on pourrait défendre le fait que la qualification d’indemnité au sens du droit du travail a un caractère strict. Par exemple, sont admis au titre d’indemnité : indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de congés payés, indemnité de licenciement, indemnité pour licenciement abusif…

II.               L.8223-1 : une indemnité.

Comme précédemment, un rappel de la notion d’indemnité nous permettra de comprendre les solutions jurisprudentielles actuelles pour ensuite poser une solution.

A.                La notion d’indemnité

Au sens strict, une indemnité peut être définie comme une somme d’argent destinée à réparer un préjudice. Aussi, est-ce que les six de salaires qui doivent être versés par l’employeur visent à réparer le préjudice du salarié ?

B.                Les arguments en présence

D’abord, on peut estimer légitiment que l’article L.8223-1 du Code du travail a une fonction réparatrice de par la possibilité de recourir à une sanction pénale prévue par l’article L.8224-1 qui puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45000€ d’amende le travail dissimulé. De plus, la jurisprudence a pu admettre que les deux articles pouvaient être mis en œuvre de façon dissociée. En effet, les six mois de salaires sont dus sans nécessité d’une condamnation pénale préalable de l’employeur (soc. 15/10/2002).

Ensuite, la Cour de Cassation n’admet pas le cumul de cette « sanction » avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement (soc. 24/02/2009). Pourquoi ? Une solution pourrait être que ces deux indemnités visent à répondre au même objet, qu’est la réparation du préjudice née de la perte de l’emploi par le salarié ici « dissimulé ». Aussi, visant à répondre au même objet, l’indemnité de L.8223-1 prendra la même forme juridique que l’indemnité de licenciement qui a la forme de dommages et intérêts.

Enfin, la Cour de Cassation a pu affirmer, dans un arrêt du 20 février 2008, le caractère indemnitaire des six mois de salaires, de par l’absence de soumission à cotisation sociale.

En conclusion, le Conseil Constitutionnel devra admettre la nature indemnitaire de l’article L.8223-1 du Code du travail au sens de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation.

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.