VIVEO : arrêt majeur de l'année 2012

Publié le 13/06/2012 Vu 3 567 fois 0
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Est-ce qu'un Comité d'entreprise au stade de sa consultation sur le PSE peut légitimement saisir le juge de la nullité de la procédure en raison de l'absence de cause économique ? La Cour de Cassation, par un arrêt du 3 mai 2012, vient de mettre ainsi un terme à la position de certaines Cours d'appel qui avaient tendance à annuler le Plan de sauvegarde au regard de l'analyse de la cause économique. En effet, cette position s'est développée en réaction aux licenciements dits « boursiers » reposant bien plus sur des considérations financières plus qu'économiques et salariales. Après un rappel de la procédure utilisée au cas présent par le Comité d'entreprise VIVEO et ces fondements (I°), nous analyserons la position de la Cour de Cassation (II°).

Est-ce qu'un Comité d'entreprise au stade de sa consultation sur le PSE peut légitimement saisir le juge de

VIVEO : arrêt majeur de l'année 2012

 

I° La procédure de contestation du Comité d'entreprise de la société Viveo France :

 

Au delà de l'analyse de la procédure à proprement parlé (A), il est surtout intéressant de commenter les fondements de cette action (B).

 

A) La procédure de contestation :

 

Il convient tout d'abord de rappeler que le Comité d'entreprise dispose de la personnalité juridique en vertu de l'article L.2325-1 du Code du travail. Il peut donc agir directement devant les juridictions judiciaires si les faits dénoncés lui cause un préjudice direct.

 

En l'espèce, suite au rachat du Groupe Viveo par Temenos à la fin de l'année 2009, les représentants se sont voulus rassurant sur les suites de ce rachat. Toutefois, dès le mois de février 2010, la direction de la société a engagé le processus d'information consultation sur un projet de restructuration impliquant une suppression de 64 postes sur les 180 emplois ainsi que la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde des emplois.

 

A l'issue de la première réunion du CE, celui a exercer son droit de recourir à un expert comptable en vertu de l'article L.2325-35 -5° du Code du travail. Cet expert sera alors rémunéré par l'employeur. Cette désignation aura également pour conséquence d'allonger les délais de la procédure, puisqu'il n'y aura plus 2 réunions mais 3 réunions. Le CE peut également décider de désigner également un expert technique qui assistera l'expert-comptable. Dans ce cas, cet expert technique sera rémunéré par le Comité.

 

La seconde réunion du Comité d'entreprise a ainsi eut lieu le 9 juin 2010, mais parallèlement le CE a décidé d'introduire un référé devant le président du Tribunal de Grande Instance de Paris fondé sur l'article L.1235-7 alinéa 1 du Code du travail dans le but de contester la régularité de sa consultation. Ce recours a été rejeté.

 

Le Comité d'entreprise a alors saisi en novembre 201, et ce à jour fixe, le Tribunal de Grande Instance de Paris dans le but de déclarer nul le PSE fondé sur un défaut de cause économique. Ce recours a également été rejeté.

 

Le CE a alors fait appel de la décision du tribunal en démontrant que le Groupe n'apportait pas la preuve que la compétitivité de l'entreprise été mise en cause et ce eu égard au seul élément apporté par le contexte économique du secteur bancaire. En effet, le Groupe Temenos et Viveo développe des logiciels pour le secteur bancaire. La Cour d'appel de Paris dans un élan de moralisation de ces licenciements a donc décidé d’accueillir le demande et donc de dire que les licenciements prononcés par la société Viveo ne sont pas fondés sur un motif économique.

 

Mais qu'est-ce qui a poussé la Cour d'appel a adopté cette position ?

 

B) La contestation en tant que telle :

 

La doctrine a fortement débattu sur cet arrêt et il peut semble-t-il être dégagé 3 fondements à cette position :

 

  • Un fondement logique :

Une approche voudrait que si un employeur déclenche une procédure de licenciement économique qui ne reposerait sur aucune cause économique au sens du Code du travail, il conviendrait d'accorder le droit pour un Comité d'entreprise qui s'en rendrait compte lors de son information-consultation et surtout par le recours à un expert, devrait légitimement avoir le droit, mais le devoir de saisir le juge. Ce dernier analysant ainsi la régularité de l'information consultation du CE au regard de l'ensemble des éléments en sa connaissance et donc de la cause économique présentée au Comité. Cela aurait notamment pour effet de protégé en amont les salariés des ruptures éventuelles qui interviendrait par la suite.

  • Un fondement civiliste :

Une autre approche fondée sur le droit civil voudrait que l'employeur qui enclenche une procédure de licenciement pour motif économique alors qu'il n'a pas un motif valable ou existant commet une fraude à la loi. Or, selon l'adage latin « fraus omnia corrumpit », « la fraude corrompt tout ». Donc, le juge, au regard d'un pouvoir souverain d'appréciation du motif économique, devrait pouvoir au stade de la consultation du CE pouvoir analyser le motif économique.

 

  • Un fondement factuel :

Enfin, sur le fondement factuel, la Cour d'appel de Paris a voulu réagir face aux licenciements économiques orchestrés par les grands groupes sous couvert de réorganisation pour sauvegarder la compétitivité et ce au regard du secteur d'activité concerné. En effet, le Groupe Viveo arguait du fait le secteur bancaire, depuis la crise de 2009, souffrait à tel point qu'il été dans la nécessité absolu de réorganiser le groupe, alors même qu'il venait de le racheter quelques mois avant.

 

Mais la Cour de Cassation, en dépit de ces éléments, n'a pas adopté ce point de vue et est venue réaffirmé le principe de l'article L.1235-10.

 

II° La position de la Cour de Cassation :

 

Après avoir rappelé la position de la Cour de Cassation au regard de l'article L.1235-10 et de la loi (A), il conviendra de voir les possibles conséquences de cet arrêt (B).

 

A) La position de la Cour de Cassation :

 

La Cour de Cassation, au visa de l'article L.1235-10, rappelle dans son attendu de principe qu' « en vertu de ce texte seule l’absence ou l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel entraîne la nullité de la procédure de licenciement pour motif économique ». Elle en déduit donc une conséquence très claire « la validité du plan est indépendante de la cause du licenciement ».

 

Les auteurs avaient ainsi soulevé le principe selon lequel, il ne peut y avoir de nullité sans texte. Ce principe a d'ailleurs été validé par le Conseil Constitutionnel dans une décision du 12 janvier 2002 (n°2001-45).

 

La Cour de Cassation réaffirme donc, par cet arrêt, la solution jurisprudentielle qui voulait que « le juge saisi d'une demande d'annulation en raison d'une insuffisance ou d'irrégularité affectant la procédure de consultation, n'a pas compétence pour vérifier les motifs économiques invoqués par l'employeur ».

Cass. Soc, 25/10/2006 n°04-19.845

Cass. Soc, 20/03/2007 n°04-47.562

 

De la même manière, dans son communiqué publié, la Cour de Cassation rappelle son attachement au fondement de l'instauration du plan social par la loi du 27 janvier 1993  (n°93-121) comme un moyen d'éviter les licenciements.

 

Toutefois, derrière ces fondements, cette position reste critiquée.

 

 

B) Les conséquences induites par cet arrêt :

 

En effet, il est intéressant de voir que cet arrêt a soulevé des interrogations à tel point que le Président de la République, nouvellement élu, a été obligé de prendre position. Aussi, de nombreux commentateurs sont aujourd'hui en faveur d'une modification législative.

 

D'autres, plus réservés, rappellent que la cause économique est susceptible de contestation une fois la rupture notifiée, par un recours individuel de chaque salarié. Toutefois, au cas présent, il est à rappeler que les licenciements et pour la plupart des départs négociés ont eut lieu courant 2010. Aussi, s'il n'ont pas introduit d'action, la contestation de la validité du licenciement économique sera prescrite puisqu'elle est enfermée dans le délai de 12 mois à compter de la notification (Art. L.1235-7 al.2).

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