Pour mémoire, tout salarié doit bénéficier d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
- après un congé de maternité,
- après une absence pour cause de maladie professionnelle,
- après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
En l’occurrence, dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il doit saisir le service de santé au travail qui organisera l'examen de reprise dans un délai de 8 jours à compter de la reprise du travail par le salarié.
De son côté, le médecin du travail doit être tenu informé de tout arrêt de travail d'une durée inférieure à 30 jours pour cause d'accident du travail. La finalité de cette information étant notamment d’apprécier l'opportunité d'un nouvel examen médical ou la préconisation de mesures de prévention des risques professionnels.
Dans cette affaire, un salarié avait été engagé par une société en qualité de téléacteur. Il avait saisi la juridiction prud'homale de demandes en annulation d'une mise à pied disciplinaire qui lui avait été notifiée et en résiliation de son contrat de travail.
Le salarié faisait grief à l'arrêt de la Cour d’appel de Bourges de le débouter de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes subséquentes.
Selon lui, son employeur était tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et devait en assurer l'effectivité. Dès lors, il ne pouvait laisser un salarié reprendre son travail après une période d'absence d'au moins 8 jours pour cause d'accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les 8 jours de celle-ci, d'un examen par le médecin du travail.
Cet examen ayant pour objet d’apprécier :
- son aptitude à reprendre son ancien emploi,
- la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures.
A défaut, le salarié prétendait que l'employeur commettait un manquement grave à ses obligations qui, à lui seul, justifiait le prononcé d’une résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
De plus, le salarié arguait que son employeur n’avait pas pris l'initiative de cette visite médicale et n’avait pas donné suite à son obligation de convoquer le salarié par tous moyens.
Il convient de rappeler que le salarié pouvait lui-même solliciter un tel examen médical soit auprès de l'employeur, soit auprès du médecin du travail en avertissant son employeur de cette demande et qu’en l’espèce le demandeur n'avait pas usé de cette faculté.
Cet examen de reprise pratiqué par le médecin du travail est essentiel car, il met fin à la suspension du contrat de travail.
Dans ce litige, un tel examen médical avait bien eu lieu lors des précédents arrêts de travail du salarié pour cause de maladie.
Pour cette fois-ci, les hauts magistrats avaient relevé que ce manquement n'avait pas fait obstacle à la poursuite de la relation de travail qui avait perduré pendant plusieurs mois. Aussi, le fait qu’il y ait eu visite de reprise ou non n’avait pas eu d’incidence sur la suspension du contrat de travail puisque ce dernier n'avait pas pris fin.
La haute cour souligne qu'il incombait à l'employeur de prendre l'initiative de cette visite médicale et de convoquer le salarié par tous moyens. Par conséquent, le non-respect par celui-ci de ses obligations relatives à la visite médicale causait nécessairement au salarié un préjudice.
Quid juris : le préjudice existe-t-il toujours si l'absence de visite médicale de reprise procède d'une erreur des services administratifs de l'employeur ?
C’était le cas de ce litige. Le manquement à l’organisation d’une visite de reprise n'avait pas été commis lors des précédents arrêts de travail.
Quid : est-ce à dire qu’il s’agissait là d’une circonstance atténuante à l’engagement de la responsabilité de l’employeur dans le cadre de son obligation de sécurité dite de résultat ?
De plus, l’absence de visite de reprise n'avait pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs mois.
Quid : est-ce à dire que seules les conséquences concrètes du manquement à l’organisation d’une visite de reprise par l’employeur peuvent engager sa responsabilité ?
Par prudence, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives de cette jurisprudence. Par contre, si celle-ci devenait constante alors, cela marquerait un infléchissement de l’obligation de sécurité de résultat. En effet, cela voudrait dire que les juges ne s’attacheraient plus seulement au résultat (la tenue d’une visite de reprise) mais, aux moyens utilisés pour y parvenir et aux impacts réels sur la relation de travail quand bien même ce résultat ne serait pas atteint.
Ces réflexions pourraient éventuellement expliquer pourquoi les hauts magistrats ont rejeté le pourvoi formé par le salarié et exclu la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur.
Jurisprudence sociale à suivre…
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
www.clindoeil-social.com
Sources
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 mars 2014, 12-35.040, Publié au bulletin
N° de pourvoi 12-35040
Cour d’appel de Bourges arrêt du 26 octobre 2012
Articles R. 4624-21, R. 4624-22, R. 4624-24 du code du travail