La législation en vigueur rappelle à tout employeur qu’aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée sur le lieu de travail. Faute que ce soit l’alcool qui ait pris de l’âge ici, c’est la formulation qui semble ne plus correspondre aux mœurs de notre époque : qui trinque encore au poiré … ?
Soit, ce qu’il faut retenir de la volonté du législateur c’est l’interdiction de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse conformément à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur.
De son côté, conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur et dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d’en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Nul ne conteste que dans le monde du travail, l'alcoolisation de certains salariés reste une préoccupation pour les employeurs et la collectivité de travail.
Le plus souvent, il s’agit de faits marginaux dans les entreprises. On observe que chaque cas d'alcoolisation aiguë, ou d'alcoolisme chronique, est vécu difficilement par les chefs d'entreprise, la hiérarchie, les collègues de travail.
En outre, il constitue un facteur aggravant du risque professionnel. Le problème humain entre aussi en conflit avec les impératifs de sécurité, voire de productivité ou d'image de l'entreprise.
Tout le monde s'accorde de nos jours pour considérer que ne rien faire est non seulement préjudiciable à l'entreprise, mais préjudiciable aussi aux salariés concernés.
Dans une affaire récente, une salariée avait été engagée par une société en qualité d'hôtesse de caisse-vendeuse et fût par la suite licenciée pour faute grave.
Après avoir interjeté appel devant la Cour d’appel de Dijon (19/04/12), la salariée faisait grief à l'arrêt de dire le licenciement fondé sur une faute grave.
Les juges du fond avaient retenu que le fait de s'être présentée à son travail en état d'ébriété prononcé et d'avoir commis des erreurs d'enregistrement constituait une faute grave.
« Notre hôtesse » arguait que son comportement, compte-tenu de ses 27 années d'ancienneté, son état de santé avec un arrêt de travail pour cause de maladie (psychasthénie et dépression) et puis son hospitalisation, ne pouvait être de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise.
Pour sa défense, celle-ci ajoutait qu'en ayant retenu que l'état d'ébriété pouvait constituer une faute grave sans avoir constaté qu'il avait exposé à un danger les personnes ou les biens et que le règlement intérieur prévoyait des modalités de contrôle de cet état en en permettant la contestation, la faute grave ne pouvait être retenue à son encontre.
Les hauts magistrats ont confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon aux motifs que la salariée se trouvait en état d'ébriété dans l'enceinte du magasin et qu'elle avait commis sous l'emprise de l'alcool plusieurs erreurs de caisse. De plus, eu égard à ses antécédents et aux répercussions de son comportement sur la qualité de son travail et sur le fonctionnement de l'entreprise, son attitude rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait donc bien une faute grave.
Cette jurisprudence doit servir de « clignotants de rappel» qu’une politique anti-alcool ne se décrète pas mais, elle s’élabore avec le personnel de l’entreprise. Elle doit s’inscrire dans une démarche collective sans laquelle des solutions ponctuelles ne peuvent être mises en œuvre.
Par ailleurs, on ne doit pas oublier que d'autres substances dites psychoactives (drogues diverses et, notamment, le cannabis, certains médicaments,…) peuvent elles aussi entraîner des troubles du comportement avec des conséquences sur la vigilance, la sécurité et la qualité du travail.
Pour refermer « le couvercle » de cette discussion amer, souvenons-nous que l’augmentation et la banalisation de la consommation de ces produits en font une question qui doit être évoquée dans chaque entreprise…En parler c’est une première étape toutefois, des actions (préventives, correctives et/ou correctrices) devront être instaurées et faire l’objet d’un suivi régulier pour que la santé et la sécurité reste « le contenant » du bien-être collectif au travail…
Nadia RAKIB
Sources
Cour de cassation, chambre sociale, audience publique du 7 mai 2014, n° de pourvoi: 13-10985
Articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9, L. 4122-1, R.4228-20, R.4228-21 du code du travail
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991