Pour mémoire, il appartient au salarié qui se prévaut d'un harcèlement moral ou sexuel d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, à charge pour l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement.
Quid : les témoignages de plusieurs salariés faisant état de tentatives déplacées sur le personnel féminin, ainsi que des critiques humiliantes et dévalorisantes constituaient-ils des éléments de nature à faire présumer un harcèlement moral et sexuel ?
En matière de harcèlement, la charge de la preuve est partagée et l'article L. 1154-1 du code du travail dispose qu’en présence d’une présomption simple de harcèlement sur son personnel, l’employeur doit se justifier en démontrant que les agissements litigieux sont étrangers à toutes formes de harcèlements.
Le « salarié présumé victime » ne doit pas s’appuyer sur faits hypothétiques pour pouvoir obtenir la réparation de ses préjudices. En l’espèce, les attestations produites relataient soit des propos ou comportements du mis en cause qui ne concernaient pas directement la salariée, soit émanaient de personnes qui reprenaient des propos que la salariée leur avait tenus. Dès lors, la salariée n'établissait pas la matérialité de fait précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel à son égard.
Quid : la salariée en arrêt maladie pouvait-elle légitimement arguer de l’exercice de son droit de retrait ? Dans sa situation, la notion de danger grave et imminent pour sa santé était-elle justifiée ?
L'article L. 4131-3 du code du travail prévoit l’exercice du droit de retrait pendant l'exécution du contrat de travail. Or, le contrat de travail de la salariée était suspendu pour cause de maladie, ce qui écartait de facto l’utilité et le fondement même de ce droit.
A travers cet arrêt d’espèce, la Cour de cassation nous démontre son attachement au sens même des règles de droit. Le harcèlement qu’il soit moral ou sexuel est une accusation grave, il ne s’agit pas là de dire à tout va qu’on est harcelé par un tel ou un tel sur la base de rumeurs, de bruits de couloirs, en somme sur fond de « téléphone arabe ». Quant au droit de retrait, sa source réside dans la protection de la santé physique et mentale des travailleurs, son exercice doit donc se justifier par la réalité concrète des conditions de travail et non une réalité abstraite.
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
Source
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 octobre 2013, 12-22.288, N° de pourvoi 12-22288