Les dangers qui résultent de ces pratiques se reportent sur l’état de santé du harcelé. Le plus souvent, on observe des troubles psychiques ou physiques qui se déclenchent chez la victime.
C’est en cela que le harcèlement moral est « une technique de destruction » et non pas un syndrome clinique.
Quid : comment appréhender ce thème qui est situé au croisement de plusieurs domaines : médical, socioéconomique, sociopsychologique, judiciaire, éthique et du monde du travail ?
Il convient de se reporter à la définition du harcèlement moral posée par l'article L.1152-1 du Code du travail :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Dans une récente affaire, une employée administrative cumulait ses fonctions avec celles de délégué du personnel suppléant au sein d’une société. Après avoir été déclarée inapte par le médecin du travail avec danger immédiat de maintien au poste en application de l'article R. 4624-31 du code du travail ; l'inspecteur du travail avait autorisé son licenciement. Suite à la notification de son licenciement par son employeur, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale afin notamment d'obtenir la réparation du préjudice moral résultant de son harcèlement moral.
Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts, la Cour d’appel de Reims avait retenu que la salariée produisait des témoignages qui ne faisaient que rapporter les faits dénoncés par elle-même ou de collègues de travail qui s'exprimaient en termes généraux, dénonçaient un climat général et pour certains dénonçaient des faits dont ils auraient été eux-mêmes victimes. La salariée fût aussi déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires, aux motifs que si elle avait été employée à des tâches relevant directement de la sécurité et non pas de son travail administratif, elle avait été rémunérée en conséquence. En outre, elle ne justifiait pas que son état dépressif et l'unique prescription médicale de deux médicaments étaient en lien avec des faits de harcèlement dont elle aurait été victime.
La chambre sociale de la Cour de Cassation infirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Reims.
Elle rappelle que le harcèlement moral ne peut se déduire d’une appréciation séparée de chaque élément invoqué par la salariée.
En l’occurrence, ce sont tous les faits présentés par l'intéressée qui doivent être appréciés dans leur ensemble.
En l’espèce, il s’agissait d’apprécier si :
- les faits de machisme,
- les réflexions obscènes ou injurieuses,
- le fait que la salariée ait été employée à des tâches ne relevant pas de ses attributions,
- l'arrêt de travail de son médecin mentionnant un surmenage et un harcèlement moral et le certificat du médecin du travail faisant état d'un état dépressif réactionnel aux difficultés relationnelles avec son employeur et aux conditions de vie au travail et aboutissant à un avis d'inaptitude avec danger immédiat de maintien au poste,
n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Ensuite, il appartenait aux juges du fond de vérifier si les éléments de preuve apportés par l'employeur démontraient que les agissements litigieux étaient étrangers à tout harcèlement moral.
Dans ces circonstances, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Reims en ce qu'elle avait débouté la salariée de sa demande relative au harcèlement moral.
Par ailleurs, comme nous pouvons l’observer, le harcèlement au travail, le stress des cadres, le burn out (syndrome d'épuisement professionnel), font régulièrement la une de journaux. Pour preuve, ce 23 janvier, les médias nous tiraient « la sonnette d’alarme » sur ces « maladies psychosomatiques » du XXIème siècle silencieuses mais, pourtant si douloureuses… Au Japon, le burn out est connu sous le nom de « Karoshi » (mort subite) et fait plus de 10.000 victimes par an. Et voilà qu’en France, il est révélé que plus de 3 millions d'actifs présentent un risque élevé de faire un burn-out (conclusion du cabinet de prévention des risques professionnels Technologia qui se fonde sur un sondage mené auprès de 1.000 actifs).
Quid : faut-il alors dans certains cas reconnaître ces souffrances au travail comme étant des maladies professionnelles ?
Est-ce là le seul moyen pour que les entreprises se saisissent de la question via une politique préventive efficace… ?
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
www.clindoeil-social.com
Sources
Cour de cassation, chambre sociale, n°12-19273, 18/12/13
Articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail