Quand on parle de licenciement économique, cela sous-entend naturellement « une stratégie tactique » de baisse des coûts humains/matériels/financiers pour sauvegarder sa compétitivité.
La taille de l'entreprise n’a alors aucune importance et chaque employeur reste tenu de mettre en œuvre toutes les mesures susceptibles de l'éviter. C’est pourquoi, il doit prévoir l'adaptation des salariés à leur emploi et, si possible, les reclasser à un autre poste.
Attachons-nous à dessiner les contours de cette obligation de reclassement qui, faut bien le dire, reste une tâche périlleuse pour les directions des ressources humaines.
L’actualité sociale de ces derniers mois est illustrée de cas comme Sony, Mory Ducros, Goodyear, Alcatel Lucent, Virgin et tant d’autres sociétés où des salariés se retrouvent « sur la sellette » de la perte de leur emploi. Nombreux sont ceux qui se voyaient y faire une carrière linéaire. Avaient-ils songé en sus de leur adaptation au poste le développement de leur employabilité externe ?
Fort heureusement le législateur a prévu « un filet de protection » pour éviter la noyade sur le marché bien inondé de la recherche d’emploi.
Tout d’abord, avant tout licenciement pour motif économique, les entreprises doivent tenter de reclasser le ou les salariés susceptibles d'être licenciés. Pour se faire, l'employeur doit proposer les postes disponibles au sein de l'entreprise mais, aussi dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Le périmètre de l’obligation de reclassement s’étend donc des propositions d'emploi situées en France tout comme à l'étranger.
Quid juris : qu’en est-il du périmètre du reclassement supra-légal dont la gestion a été déléguée à un organisme privé extérieur à l’entreprise ?
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de manutentionnaire par une société faisant partie d’un groupe qui fût racheté par un autre. La société ayant rencontré des difficultés économiques et cessé son activité, le licenciement économique du personnel avait été décidé dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
Après avoir refusé un poste de reclassement interne dans le nouveau groupe et à la suite de la signature d’un protocole d’accord entre l’employeur, six salariés de l’établissement, dont elle-même, et une organisation syndicale, la salariée avait adhéré à une convention de congé de conversion de huit mois avec maintien des salaires nets.
Cette mesure lui permettait de bénéficier d’un dispositif d’accompagnement assuré par un cabinet de recrutement, avec lequel elle avait signé une charte. En l’occurrence, le protocole prévoyait que le cabinet de recrutement proposerait au minimum trois offres valables d’emploi par salarié, en contrat de travail à durée indéterminée et que le licenciement serait notifié soit lors du reclassement effectif chez le nouvel employeur, soit à l’issue du congé de conversion si aucun reclassement n’avait pu être opéré. En l’espèce, après son licenciement à l’issue du congé de conversion, la salariée décida d’en contester le bien-fondé devant la juridiction prud’homale.
Attendu que pour dire que le licenciement n’était pas abusif et débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes, l’arrêt de la Cour d’appel de Toulouse retenait que l’engagement contracté par l’employeur était de nature financière. En effet, celui-ci s’engageait seulement à ne licencier la salariée qu’à l’issue du congé de conversion et que les trois offres valables d’emploi s’avéraient être du ressort du cabinet de reclassement. Pour sa défense, la société avançait que ces offres ne sauraient relever de l’obligation de reclassement interne mais, constituaient une mesure de reclassement externe dont l’inexécution ne pouvait remettre en cause la légitimité du licenciement. De plus, l’employeur précisait qu’antérieurement à la mise en place du congé de conversion il avait fait une offre de reclassement interne à la salariée qui l’avait refusée.
Quid juris : la légitimité du licenciement intervenu à l’expiration du délai de congé individuel de conversion devait-elle s’apprécier en tenant compte des engagements pris par le cabinet de recrutement externe ?
La chambre sociale a répondu par l’affirmative. D’une part, l’obligation de proposer trois offres valables d’emplois à chaque salarié engageait l’employeur. Dès lors, le fait qu’il ait sollicité le concours d’un organisme extérieur ne le déliait d’aucune manière de son obligation de reclassement.
D’autre part, le non-respect de l’engagement qui étendait le périmètre de reclassement constituait un manquement à l’obligation de reclassement préalable au licenciement et privait celui-ci de cause réelle et sérieuse. La haute juridiction a donc cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse.
Enfin, rappelons que l'employeur doit proposer en priorité au salarié un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente. C’est seulement à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, que le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.
S’agissant de leur formalisme, les offres de reclassement sont proposées individuellement et par écrit à chaque salarié susceptible d'être licencié. Ces postes « gilet de sauvetage » peuvent prendre la forme d'un CDI ou d'un CDD, à temps plein ou à temps partiel.
Quoi qu’il en soit, si le poste disponible nécessite une formation permettant une adaptation rapide du salarié à cet emploi, l'employeur doit la lui suggérer.
Sur le fond, l'offre doit être précise (type de poste proposé, lieu de travail, durée du contrat, temps de travail, rémunération...).
Cela étant dit, chaque salarié peut refuser de donner suite aux propositions de reclassement qui lui sont faites souhaitant « plonger contre vents et marrées dans la crue du marché du travail et sortir la tête de l’eau par lui-même »...
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
www.clindoeil-social.com
Sources
Cass. soc., 30 sept. 2013, pourvoi no 12-13.439, arrêt no 1557 F-P+B
Cour d’appel de Toulouse, 11 mars 2011
Vu les articles 1134 du code civil, L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail
Vu les articles 37 et 75-1 de la loi du 10 juillet 1991