Le principe est que la faute du salarié est considéré comme grave si elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Bien évidemment, le ou les faits fautifs doivent être « l’œuvre » du salarié. Dans ce cas de figure, la faute grave implique que le salarié quitte sans plus attendre l’entreprise.
Quoi qu’il en soit, la gravité de la faute s’apprécie toujours en fonction des circonstances propres à chaque fait. Nonobstant, il est rare que la faute grave ne soit pas retenue pour des faits de vols dans l'entreprise.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée par une société d’imprimerie et d’édition en qualité de juriste puis, avait été promue directrice des ressources humaines avant d’être licenciée après seulement trois années d’ancienneté.
Notre DRH faisait grief à l'arrêt de la Cour d’appel de Colmar d’avoir jugé que son licenciement reposait bien sur une faute grave et de l’avoir déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Pour sa défense, la salariée arguait que la lettre de licenciement fixe les limites du litige quant aux motifs qui y sont énoncés. En l’occurrence, sa lettre faisait état de très nombreux manquements graves et motivait son licenciement par « l'ensemble de ces agissements, propos et manquements professionnels ».
Quid juris : est-ce que sur cet ensemble de faits seule une anomalie en matière de remboursement de frais pouvait permettre de dire que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ?
En effet, il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement. En l’espèce, la DRH faisait état de la volonté de son employeur de l'évincer suite à un conflit auquel elle avait refusé de prendre part entre le président-directeur général et le directeur de site. Les juges du fond auraient donc dû rechercher si la cause véritable de son licenciement n'était pas autre que celle énoncée dans la lettre de licenciement de son employeur.
En tout état de cause, la preuve de la faute grave incombe à l'employeur. Ici, il lui appartenait de prouver le caractère fictif de la réservation que la salariée avait dû annuler suite au report de ses congés à l'initiative de son employeur.
Dès lors, en reprochant à la salariée, qui avait fourni à son employeur une attestation du propriétaire du logement loué pour la période de congés initialement prévue, de ne pas produire le contrat de location ni le justificatif de paiement du loyer convenu, les juges du fond avaient fait peser la charge de la preuve sur la salariée.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la faute grave doit s'apprécier in concreto compte-tenu d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise. Dans ce litige, la DRH faisait valoir que son licenciement était intervenu dans un contexte extrêmement conflictuel qui l'avait conduite à la dépression.
Quid juris : les juges du fond devaient-ils rechercher si les circonstances particulières dans lesquelles la faute reprochée avait été commise ne lui ôtait pas tout caractère de gravité ?
La Haute Cour a confirmé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Colmar. Cette dernière avait jugé par une appréciation souveraine des éléments soumis à son examen et sans inverser la charge de la preuve, que sur des demandes de remboursement de frais, la salariée avait trompé son employeur à deux reprises sur un mois, pour obtenir le paiement indu d'une somme de 1 688,36 €.
Aussi, elle pouvait en déduire, écartant par là même toute autre cause de rupture, que ces seuls faits, de la part d'une salariée occupant les fonctions de directrice de ressources humaines, et de nature à rompre la confiance tant à l'égard de l'employeur que du personnel placé sous sa responsabilité, constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
Le pourvoi de notre DRH fût donc rejeté et elle a été condamnée aux dépens.
Cette jurisprudence rappelle qu’il est possible d'être licencié pour faute grave sans avoir jamais reçu d'avertissement au préalable seulement suite au fait d'avoir commis une faute unique mais inacceptable. Ce type de faute justifie que le salarié incriminé quitte l'entreprise immédiatement. En effet, l’employeur n'est pas tenu de respecter le préavis du salarié et encore moins de lui payer une indemnité compensatrice. L'exclu ne verra pas non plus la couleur de ses indemnités légales ou conventionnelles de licenciement. Seule la somme correspondant à ses congés payés non effectués lui sera réglée en plus de son salaire.
Nadia RAKIB
Sources
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 avril 2014, n°13-14.129, Inédit
Cour d’appel de Colmar, 16 janvier 2013
Articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9, L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, article 1134 du code civil