Dans cette affaire, une salariée avait été engagée par une société en qualité de vendeuse, par contrats à durée déterminée à temps partiel puis, enfin par contrat à durée indéterminée avec une période d'essai d'un mois. Suite à la notification de la rupture de son contrat de travail, elle avait saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture.
La salariée reprochait aux juges de première instance de l’avoir déboutée de sa demande au titre de la rupture abusive de son contrat de travail.
Quid : est-ce qu’une période d’essai s’imposait du fait des contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties ? Traduisaient-ils une continuité fonctionnelle pour exercer le même emploi ?
Un petit rappel de circonstances sur la période d’essai :
- elle n’est pas obligatoire,
- elle doit être prévue dans le contrat de travail ou la lettre d’engagement ,
- elle a une durée maximale fixée par le Code du travail, les conventions collectives ou le contrat de travail avec, dans certains cas l’application de règles particulières,
- elle peut être rompue librement sous réserve du respect d’un délai de prévenance s’il n’y a pas d’abus.
C’est seulement à son terme qu’un salarié est définitivement embauché.
En l'espèce, le Conseil de prud'hommes estimait que les trois contrats de travail de la salariée n'étaient pas successifs dès lors que les contrats laissaient des intervalles de quelques jours entre leur conclusion. Pour les juges du fond, les contrats avaient eu pour objet le remplacement d'une même vendeuse pour des motifs différents (congés payés puis maladie) et les deux contrats à durée déterminée n'étaient pas successifs mais distincts. Aussi, ils pouvaient faire l'objet d'une période d'essai pour chacun.
La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement des juges grenoblois dans la mesure où, ils s’étaient prononcés sur la base d’un motif hypothétique.
La Haute Cour rappelle qu'en présence de contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, la période d'essai stipulée dans le dernier contrat n'est licite qu'à la condition que ce contrat ait été conclu pour pourvoir un emploi différent de celui objet du premier contrat.
La salariée refusait de se voir soumise à une période d'essai puisque sa collaboration s’était poursuivie avec son employeur et que les différents contrats de travail concernaient le même poste de vendeuse.
Pour valider la rupture par l'employeur du contrat de travail à durée indéterminée, le Conseil de prud’hommes avait retenu que cette rupture était intervenue pendant la période d'essai de ce dernier contrat de travail.
De plus, il précisait que l'existence et le décompte étaient conformes aux dispositions du code du travail.
Or, il faut bien garder à l’esprit qu'au terme d'une période d'essai, y compris lorsque celle-ci a été stipulée et exécutée dans le cadre d'un CDD, l'employeur est réputé avoir évalué les compétences du salarié dans le travail qui lui a été confié. Aussi, une nouvelle période d'essai ne peut être légalement stipulée lorsque le CDD ayant comporté une période d'essai accomplie par le salarié est suivi d'un nouveau contrat de travail par lequel le même employeur engage ce salarié pour exercer le même emploi.
Dans le cas de notre salariée grenobloise, une nouvelle période d'essai ne pouvait donc lui être imposée.
Dès lors, en retenant pour admettre la validité de la rupture par l'employeur du contrat de travail à durée indéterminée (CDI), que cette rupture était intervenue pendant la période d'essai de ce dernier contrat de travail, tout en constatant que la salariée avait été embauchée par un même employeur, pour occuper un même emploi de vendeuse, successivement par deux CDD comportant chacun une période d'essai d'un jour, puis, par un contrat CDI comportant une période d'essai d'un mois, le Conseil de prud'hommes n’appliquait pas les dispositions protectrices encadrant l’ajout d’une période d’essai au contrat de travail.
Toutefois, lorsqu’un salarié a été, après l'échéance du terme de son CDD, engagé par CDI, la durée du ou des CDD est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail. De plus, que le salarié ait occupé le même emploi et ceci en exécution de différents contrats ne change rien à cette règle de décompte.
Comme le Conseil de prud'hommes avait bien justement déduit la durée des CDD préalablement conclus entre les parties, de la période d'essai prévue dans le nouveau CDI, le pourvoi en cassation de notre salariée fût rejeté.
Il ne faut pas non plus perdre de vue que l’employeur ne doit pas faire un usage abusif du droit qui lui est reconnu de rompre la période d’essai à tout moment. Dit autrement, étant donné que la période d’essai permet à l’employeur d’apprécier la valeur professionnelle du salarié, sa rupture devient abusive lorsqu’elle repose sur des considérations non inhérentes à la personne du salarié.
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
Sources
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 octobre 2013, n°12-12.113, Publié au bulletin
Conseil de prud'hommes de Grenoble, 1er mars 2011
Articles L. 1231-1, L. 1242-10, L. 1243-11, L. 1244-1, L. 1244-3 et L. 1244-4 du Code du travail