QUAND UNE SANCTION DISCIPLINAIRE EN « CACHE » UNE AUTRE…

Publié le 10/06/2015 Vu 5 994 fois 0
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Après avoir mis en évidence le fait qu'il pourra considérer comme fautif, l'employeur ne peut pas prononcer d'emblée la sanction disciplinaire. Le droit disciplinaire à mis en place un complexe de règles qui a pour objet de conférer des droits et des garanties au salarié. En tout état de cause, l'employeur ne peut prévoir deux sanctions disciplinaires pour un seul et même comportement répréhensible…

Après avoir mis en évidence le fait qu'il pourra considérer comme fautif, l'employeur ne peut pas prononcer

QUAND UNE SANCTION DISCIPLINAIRE EN « CACHE » UNE AUTRE…

Dans cette affaire, un salarié engagé en CDI sur un poste d'opérateur colis en agence avait été convoqué à un entretien préalable pour s’expliquer sur une attitude fautive au travail. En parallèle de cette procédure, il était aussi comparu devant une commission consultative paritaire. Un licenciement pour faute grave lui fût notifié et il le contesta devant la juridiction prud’homale tout en soutenant avoir accompli des heures supplémentaires.

Pour commencer, le salarié reprochait aux juges du fond de l’avoir débouté de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents.

Quid juris : comment le salarié devait-il prouver les heures supplémentaires accomplies ?

Pour sa défense, le salarié arguait du fait que la charge de la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Or, en retenant qu'il n'était pas établi qu’il avait effectué des heures supplémentaires non rémunérées, selon lui la cour d'appel d’Aix en Provence lui faisait supporter la charge de la preuve. Etant précisé qu’il avait versait aux débats un décompte détaillé des heures supplémentaires effectuées ce qui constituait un élément de nature à étayer sa demande.

Toujours d’après lui, la cour d'appel aurait dû exiger de l'employeur qu'il lui fournisse les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés. Or, les juges du fonds l’avaient débouté de ses chefs de demande relatifs aux heures supplémentaires sans déterminer les heures de travail effectivement réalisés par lui.

Le salarié avançait également le principe juridique selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas. Ainsi, l'absence de réclamation ne pouvait valoir renonciation à un droit. Aussi, le salarié prétendait qu’en retenant que les heures supplémentaires n’étaient soulevées qu'à la suite de sa convocation à un entretien préalable, la cour d'appel n’avait pas donné de base légale à ces constatations.  De plus, il faisait observer que ni les parts de livraison, ni les flasheurs, ne pouvaient refléter les heures de travail qu'il effectuait réellement puisque certaines tâches n'étaient intégrées dans aucun de ces supports.

La chambre sociale de la Cour de Cassation n’a pourtant pas suivi ce raisonnement.

Elle releva que les juridictions du premier et du second degrés n'avaient pas fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve dans la mesure où les éléments produits par ce dernier pour étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires étaient contredits par ceux produits par l'employeur.

L'employeur et le salarié doivent donc  concourir à l'établissement de la réalité des faits si bien que la preuve de l'existence ou de l'inexistence d'heures supplémentaires repose sur l'un comme sur l'autre. C'est en effet une obligation pour l'employeur que de tenir mensuellement le décompte des heures supplémentaires effectuées par le salarié. 

Dit autrement, l'employeur ne peut pas se réfugier dans le mutisme si le salarié apporte de son coté des éléments de présomption d'heures supplémentaires.

Le cas échéant, s’il n'apporte aux juges aucun élément prouvant que le salarié n'a pas fait les heures de travail qu'il réclame, il sera forcément condamné à payer au salarié les sommes demandées.

Par ailleurs, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En l’espèce, pour dire que le licenciement procédait d'une faute grave, la Cour d’appel d’Aix en Provence relevait que le salarié avait fait l'objet de nombreuses demandes d'explication qui sont des mesures d'instruction des affaires disciplinaires exposées dans la réglementation interne de la société.

Quid juris : les demandes d'explication, qui constituaient des mesures d'instruction des affaires disciplinaires, pouvaient-elles s'analyser en une sanction disciplinaire au sens du Code du Travail ?

D’après les juges du fond, aucune mesure de nature à affecter le contrat de travail du salarié n'était prise et il s’agissait seulement de voir si la procédure disciplinaire devait se poursuivre sur demande de la hiérarchie.

Là encore, la Haute Cour ne suivit pas ce raisonnement.

Ici, comme la procédure de demande d'explications écrites de la société avait été mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, que le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui étaient posées et que le procès verbal consignant les demandes formulées par l'employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci, la cour d'appel aurait dû en déduire le caractère disciplinaire de cette mesure.

Par conséquent, la Haute Cour jugea que le licenciement du salarié ne reposait pas sur une faute grave et condamna la société aux dépens.

Enfin, il ne semble pas inutile de rappeler qu’aucun fait fautif ne peut à lui seul donner lieu à sanction passé un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance (sauf en cas de poursuites pénales). De même, aucune sanction datant de plus de trois ans ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.

Nadia RAKIB

Sources

Cour de cassation, chambre sociale, audience publique du 19 mai 2015, n° 13-26916, publié au bulletin cassation partielle

Cour d'appel d'Aix en Provence, arrêt du 7 décembre 2012

 Articles L. 3171-4 et L. 1331-1 du code travail ; article 1134 du code civil

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