Si le refus du salarié n’entraîne pas à lui seul la rupture du contrat, l’employeur peut aussi décider de sanctionner cette faute professionnelle au besoin par le licenciement.
Il peut notamment aller jusqu’à prononcer un licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnités.
Dans cette affaire, une salariée avait été engagée par une association de pompiers sans frontières en qualité d'agent d'entretien dans le cadre d'un contrat emploi solidarité puis, dans le cadre d'un contrat d'avenir. Suite à son refus d’exécuter son contrat aux nouvelles conditions impliquant le changement de son lieu de travail, l'employeur avait rompu le contrat de travail pour faute grave. La salariée décida alors de saisir la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de dommages-intérêts au titre de cette rupture.
Pour débouter la salariée de ses demandes indemnitaires pour rupture abusive de son CDD, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait relevé que le nouveau lieu de travail n'était éloigné de l'ancien que de 15 kilomètres. Dès lors, compte-tenu de cette faible distance et du fait qu’il s’agisse du même secteur géographique que le précédent, l’intéressée était fautive de ne pas se soumettre au pouvoir de direction de son employeur. En l’occurrence, son employeur avait qualifié son absence sur son nouveau lieu de travail de « faute d'une gravité telle que la salariée ne pouvait être maintenue au sein de l'entreprise même durant le temps limité du préavis ».
Quid juris : le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il caractérise un manquement à ses obligations contractuelles, est-il toujours à lui seul constitutif d’une faute grave ?
Ici, le changement ne concernait bien que les conditions de travail puisque le nouveau lieu de travail choisi par l’entreprise se situait dans un même secteur géographique. Dans le cas contraire, cela aurait constituait une modification du contrat de travail nécessitant l’approbation du salarié.
Au fil de la jurisprudence, on observe que la différence de lieu, même si elle s’avère parfois importante, peut être considérée comme appartenant à un même secteur géographique. Cette notion de secteur géographique demeure encore floue et fait « le nids de litiges jurisprudentiels » sur la question. En définitive, la notion de secteur géographique relève du pouvoir d’appréciation des juges qui apprécient de manière objective si le nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique que celui où se trouvait le poste de travail initial.
En l’espèce, le déplacement de l’ordre de 15 km est considéré comme faisant partie du même secteur. Il y avait donc bien comportement fautif de la salariée de ne pas se soumettre aux directives de son employeur. Cela étant, son refus ne constituait pas à lui seul une faute grave.
De plus, dans le cas d’un CDD, la cause réelle et sérieuse ne suffit pas pour rompre le contrat. Par conséquent, quand il se trouve confronté au refus du salarié quant aux changements de ses conditions de travail, l'employeur se retrouve « les mains liées »… En effet, il ne peut se prévaloir d'une faute grave et, s’il prend la décision de se séparer du salarié, l’entreprise deviendra redevable des rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu'au terme de son contrat.
Une fois n’est pas coutume alors, clôturons ensemble cette analyse jurisprudentielle sur une question ouverte.
Dans l’hypothèse d’une rupture de CDD suite au refus du salarié de voir changer ses conditions de travail, le pouvoir de direction de l’employeur est-il comme qui dirait : « vidé de son sens » ?...
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
www.clindoeil-social.com
Sources
Cour de cass., ch. Soc., audience publique du 20/11/2013, N° 12-30100, publié au bulletin Cass.partielle
Articles L. 1232-2, L. 1332-2, R 1332-2 et L. 1235-5 du code du travail
Articles L. 1243-1 ; L. 1243-4 du code du travail