Une femme qui travaillait dans l’agence de Bourges des agences de voyages Thomas Cook eût la surprise de recevoir un courrier de son employeur l’informant qu’au retour de son congé parental, elle ne reprendrait pas ses fonctions sur son poste de l’agence de Bourges. En lieu et place, son employeur lui laissait « le choix de la reine » à savoir : soit une mutation sur l’agence de Montargis, soit sur celle de Vincennes.
Cette proposition de changement de lieu de travail intervenait environ un mois avant la fin du congé parental de la salariée. Autant dire que cela ne lui donnait que peu de temps pour tenter de concilier sa vie professionnelle avec sa nouvelle vie de famille.
Aussi, la salariée fît connaître son refus à son employeur en excluant toute mobilité géographique au retour de congé parental. Ce dernier décida alors de « trancher » seul en élisant l’agence de Montargis comme nouveau lieu de travail de la salariée et ceci dès sa reprise.
Estimant que son employeur avait manqué à son obligation de réintégration dans son emploi, la salariée prit acte de la rupture de son contrat de travail. Puis, elle intenta une action devant la juridiction prud’homale pour demander à ce que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement abusif et obtenir l’indemnisation de son préjudice.
La Cour d’appel de Bourges s’aligna sur la décision rendue en première instance en confirmant la condamnation de l’employeur au versement de l’indemnité conventionnelle de licenciement ainsi que des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
QUID JURIS : les règles régissant le retour d’un salarié de congé parental doivent-elles prévaloir sur la mise en œuvre d’une clause de mobilité ?
Dans cette affaire, l’employeur prétendait n’avoir fait qu’appliquer la clause de mobilité figurant dans le contrat de travail de la salariée.
Cependant, « les Sages » ne l’entendent pas de cette oreille. En effet, peu importe que les mutations proposées constituent ou non une modification du contrat de travail de la salariée. La seule circonstance que la clause de mobilité vienne se superposer à l’obligation de réintégration empêchait son effectivité.
En l’espèce, la salariée avait opposé un refus car les propositions de mutation reposaient sur des éléments insuffisants s’agissant de l’activité des agences et de son éventuel statut.
Pour mémoire, cet arrêt ne fait que corroborer une jurisprudence constante de la Cour de Cassation en ce qui concerne la réintégration du salarié dans le poste occupé avant son départ en congé parental.
La nouveauté apportée par la décision est que ceci est aussi le cas en présence d’une clause de mobilité dans le contrat de travail. Dès lors, il n’y avait pas lieu de se pencher sur la nature identique ou non des fonctions, du salaire ou encore du périmètre d’encadrement.
QUID JURIS : un salarié peut-il prendre acte de la rupture de son contrat de travail durant son congé parental à la suite d’une proposition de réintégration excluant le poste précédemment occupé ?
- OBLIGATION SUR OBLIGATION NE VAUT AVEC LE CONGE PARENTAL
« Mais attendu, d’abord, que selon les dispositions de l’article L. 1225-55 du code du travail, à l’issue du congé parental d’éducation, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ; qu’il en résulte que la réintégration doit se faire en priorité dans le précédent emploi ;
Et attendu qu’ayant relevé, par des motifs non critiqués, que l’emploi précédemment occupé par la salariée était disponible au retour de son congé parental d’éducation, la cour d’appel en a exactement déduit que la salariée devait retrouver ce poste, peu important la stipulation d’une clause de mobilité dans le contrat de travail ».
Dans son attendu de principe, la Haute Cour nous rappelle la teneur de l’article L. 1225-55 du code du travail. La prise de son congé parental est sécurisée pour le salarié puisqu’il doit retrouver son poste dès son retour dans l’entreprise.
L’employeur ne dispose pas de marge de manœuvre dans l’application de son obligation de réintégration. En somme, ce n’est que si cet emploi n’est plus disponible qu’il peut proposer un emploi similaire et envisager une mobilité du salarié. En outre, la similarité de l’emploi suppose que le contrat de travail ne subisse pas de modification.
En l’espèce, le poste s’avérait toujours disponible puisqu’il avait été attribué définitivement à un autre collaborateur et ceci, dès le lendemain de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par la salariée.
Or, comme la clause de mobilité ne pouvait écarter l’obligation initiale de réintégration de l’employeur, la salariée aurait dû retrouver son travail sur l’agence de Bourges.
- PRENDRE ACTE DE LA RUPTURE DE SON CONTRAT DE TRAVAIL PENDANT SON CONGE PARENTAL
L’absence de réintégration dans son emploi au retour d’un congé parental peut justifier une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié.
Celle-ci peut donc intervenir avant le terme du congé et le salarié n’a pas à patienter jusqu’à son retour effectif dans l’entreprise pour agir.
En effet, le manquement à l’obligation de réintégration par l’employeur est jugé suffisamment grave pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dès lors, un salarié n’a pas besoin de formuler d’autres griefs à l’appui de son action judiciaire.
Ce qu’il faut retenir de cet arrêt, c’est que « les Sages » ont sacralisé le retour du salarié de son congé parental. Non seulement la prise d’acte s’avère fondée en cas non respect de l’article L. 1225-55 du code du travail mais, en plus, l’indemnisation du préjudice est salée !
En l’occurrence, la salariée a obtenu le versement d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférent, l’indemnité conventionnelle de licenciement (l’indemnité légale ne s’appliquant qu’à défaut d’indemnité conventionnelle plus favorable) ainsi que le versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dorénavant, le spectre du retour de congé parental menace les employeurs qui souhaitent s’affranchir de leur obligation de réintégration.
A l’instar de l’adage « qui va à la chasse perd sa place », est-ce que demain le « qui part en congé parental perd sa place » disparaîtra…?
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
Source
Cass. Soc. 19 juin 2013 N° : 12-12758