Un petit rappel historico-juridique s’impose depuis un revirement de jurisprudence de la Cour de Cassation intervenu ce 14 septembre. Auparavant, les hauts magistrats considéraient que comme les mandats extérieurs font l'objet de mesures de publicité, l’employeur devait nécessairement être informé de l’existence éventuelle de statuts protecteurs au sein de son personnel.
Pouvait-on raisonnablement croire que les entrepreneurs avaient du « temps en rab » pour consulter ce type de publications… ?
Bref, il s’en suivait qu’en dépit du fait qu’un salarié n’ait pas informé son employeur de l'exercice de son mandat, la mise en œuvre de la procédure spéciale de licenciement devait tout de même être appliquée.
Une décision du Conseil constitutionnel a heureusement remis en cause cette jurisprudence en redonnant tout son sens à l’information de l'employeur de l'existence de mandats extérieurs.
Suite à sa saisine pour une question prioritaire de constitutionnalité, les Sages ont fait ressortir que « les dispositions contestées assurant au salarié une protection pour l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise, ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement ».
Depuis cette décision qui a retenti comme « un ouf » de soulagement du côté du patronat, c’est le principe d’inapplicabilité du statut protecteur lorsque l’employeur a été tenu dans l’ignorance du mandat qui prévaut.
 La Cour de cassation vient de s’aligner sur la jurisprudence constitutionnelle par un revirement de jurisprudence permettant enfin une sécurité juridique dans les ruptures des contrats de travail des salariés détenteurs de mandats extérieurs.
En l’espèce, un directeur des ressources humaines titulaire d’un mandat de conseiller prud’homme avait saisi les tribunaux aux fins de voir annuler sa mise à la retraite suite à l’absence de l’autorisation administrative de l’inspection du travail.
L’affaire fût portée jusqu’en cassation et la haute juridiction a jugé que « le salarié, titulaire d’un mandat de conseiller prud’homal (…), ne peut se prévaloir de cette protection que si, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, il a informé l’employeur de l’existence de ce mandat ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance ».
Ainsi, dans cette affaire, la requalification de la mise à la retraite du salarié en licenciement nul avait été écartée et celui-ci ne pouvait se prévaloir du statut protecteur que lui conférait son mandat.
Ici, alors même que le salarié connaissait les conditions de sa mise à la retraite, il n’avait pas jugé nécessaire d’informer son employeur de son statut protecteur. Or, dorénavant,  chaque fois qu’un salarié n’aura pas révélé l’existence de son mandat en temps utile, il ne pourra s’en servir postérieurement pour obtenir l’annulation de la rupture de son contrat pour défaut d’application de la procédure spéciale de rupture des contrats de travail des salariés dits protégés.
Un point restera tout de même à observer lors des décisions jurisprudentielles à venir…  La faculté laissée au salarié de demander sa réintégration ou son indemnisation pour violation du statut protecteur lorsqu’il aura été en mesure de fournir la preuve que son employeur avait eu connaissance de son mandat avant de procéder à la rupture de son contrat de travail.
Toutefois, il va sans dire que cette preuve reposant intégralement sur « les épaules » du salarié s’avèrera ardue à produire.
Nadia RAKIB
Dirigeante CLINDOEIL SOCIAL
www.clindoeil-social.com
Sources
Cons. const., 14 mai 2012, déc. n° 2012-242 QPC, JO 15 mai
Cass. soc., 14 septembre 2012, n° 11-21.307 FS-PBR ; Cass. soc., 14 septembre 2012, n° 11-28.269 FS-PB