RUPTURES DU CONTRAT DE TRAVAIL : ELLES DEFILENT A TOUTE ALLURE !

Publié le 16/06/2014 Vu 2 339 fois 0
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Le moment serait-il venu ? Oui, je parle de celui des ruptures de contrat de travail avec l’effet mode de les voir requalifiées aux torts de l’employeur ? Les services RH tentent de se prémunir de ce risque juridique qui pèse lourdement sur les budgets des entreprises.

Le moment serait-il venu ? Oui, je parle de celui des ruptures de contrat de travail avec l’effet mode de le

RUPTURES DU CONTRAT DE TRAVAIL : ELLES DEFILENT A TOUTE ALLURE !

Le principe en la matière reste que « rupture sur rupture ne vaut ». Cela signifie que si une rupture est consommée, une autre qui viendrait s’y accoler se trouverait de facto sans objet. La chronologie des faits prend donc toute son importance afin de connaître quelle rupture prime sur l’autre ainsi que la date de son effectivité et des droits subséquents.

Dans une récente affaire, un salarié avait été engagé par une société de réalisations informatiques diverses en qualité de technicien. Il avait saisi la juridiction prud'homale pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur. Après avoir été débouté, le salarié avait interjeté appel et décida quelques mois plus tard de démissionner sans réserve.

Quid juris : la demande de résiliation devient-elle sans objet lorsque, au moment où le juge statue sur une action du salarié tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le contrat de travail prend fin par la démission du salarié ?

En tout état de cause, le salarié peut, si les griefs qu'il fait valoir au soutien de sa demande sont justifiés, demander la réparation du préjudice en résultant.

Si à la demande du salarié, la démission a été requalifiée en prise d'acte par le juge, celui-ci doit, pour l'appréciation du bien-fondé de la prise d'acte, prendre en considération les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.  

En l’espèce, le salarié avait, postérieurement à sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, démissionné sans réserve et n'avait pas demandé la requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture. Nonobstant, les juges du fond ont tout de même prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d’avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et d'avoir, en conséquence, condamné la société à payer à son collaborateur diverses sommes à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

D’une part, la Haute Cour retient que la démission du salarié avait entraîné la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

D’autre part, en prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail cependant qu'elle constatait que le salarié avait démissionné en cours d'instance et que ce dernier ne sollicitait pas la requalification de cette démission en prise d'acte de la rupture imputable à l'employeur, la cour d'appel avait méconnu les conséquences légales de ses propres constatations.

Dès lors, l’intéressé fût débouté de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamné aux dépens.

Pour mémoire, rappelons que dans l'attente du jugement du conseil des prud'hommes, le salarié continue de travailler dans les conditions habituelles. Si le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, celui-ci prend fin à la date du jugement. Si le juge refuse la résiliation judiciaire, le contrat de travail se poursuit normalement.

Quand la résiliation judiciaire est prononcée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d'un licenciement nul si le salarié est protégé). Dans ce cas, l'employeur doit verser au salarié les indemnités suivantes :

- indemnité de licenciement (légale ou conventionnelle),

- indemnités compensatrices de congés payés et de préavis,

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou pour licenciement nul, le cas échéant),

- indemnité liée à la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du droit individuel à la formation (Dif).

En revanche, dans le cas où le juge refuse la résiliation judiciaire alors, aucune indemnité n'est due.

Pour faire le lien avec l’actualité sociale du moment, une proposition de loi ayant pour objet de mettre en place une procédure spéciale qui permette au juge prud'homal de statuer rapidement sur le cas d'une prise d'acte de rupture d'un contrat de travail a été déposée à l'Assemblée nationale le 26 juin 2013.

Pour l’heure, un salarié qui reproche à son employeur des manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du travail au sein de l'entreprise, peut (sur le fondement de l'article 1184 du code civil et en l'absence de texte sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation) prendre acte de la rupture de son contrat, ce qui entraîne la cessation immédiate de celui-ci.

Cependant, tant que la juridiction prud'homale n'a pas qualifié cette rupture (en licenciement ou en démission) et statué sur ses effets, la situation du salarié est précaire. En effet, il ne bénéficie d'aucune protection sociale et le délai avant que le juge prud'homal ne statue est en moyenne de 10 mois.

De plus, quand la prise d'acte produit les effets d'une démission le salarié doit verser à l'employeur une indemnité compensatrice de préavis et éventuellement la somme prévue en cas de clause de dédit-formation. Il faut aussi tenir compte du report des indemnités chômage qui seront versées à l'issue de la procédure judiciaire si le juge décide que la prise d'acte est justifiée.

C’est pourquoi, cette proposition de loi vise à mettre en place une procédure spécifique et rapide à l'instar de celle prévue à l'article L. 1245-2 du code du travail relative à une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Cette procédure serait codifiée dans une nouvelle sous-section du code du travail relative à la "prise d'acte de rupture". Ainsi, au chapitre Ier du titre V du livre IV de la première partie du code du travail, il serait inséré un article L. 1451-1 ainsi rédigé :

« Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine. »

Cette nouvelle règle de procédure viendra sans conteste alléger l’attente des « acteurs de la rupture de leur contrat ». Pour autant, ceci n’enlèvera rien au risque que la prise d’acte produise des effets contraires à ceux initialement souhaités par le salarié.

Dans ces circonstances, n’oublions pas qu’avec ce mode de rupture il n’est jamais bon d’agir avec précipitation. En clair, « rompre son contrat de travail à toute allure peut vous conduire droit dans le mur »…

Nadia RAKIB

Sources

Cour de cassation chambre sociale, audience publique du30/04/14 n° de pourvoi: 13-10772
Arrêt du 5/12/12 de la cour d'appel de Paris

Articles L. 1221-1, L. 1237-1 du code du travail et 1184 du code civil

Sénat, session ordinaire de 2013-2014, enregistré à la Présidence du Sénat le 1/06/14

Proposition de loi adoptée par l'assemblée nationale relative à la procédure applicable devant le conseil de prud'hommes dans le cadre d'une prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié.

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