Par deux arrêts du 11 mai, la Cour de cassation se prononce en faveur d'un contrôle strict par les juges des conditions de rupture du contrat de travail imposée aux salariés atteignant une certaine limite d'âge.
Statuant au regard de la directive européenne du 27 novembre 2000 sur l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, les Hauts magistrats estiment que cette différence de traitement n'est justifiée que si elle constitue un moyen approprié et nécessaire d'atteindre un objectif légitime, en matière notamment de politique de l'emploi, de marché du travail et de formation professionnelle. Les juges du fond doivent veiller à ce que ces conditions soient remplies, sans quoi l'application des dispositions nationales autorisant la rupture devra être écartée.
Sans se prononcer directement sur le caractère justifié des limites d'âge dérogatoires posées par les dispositions législatives et réglementaires en cause, les Hauts magistrats fixent le cadre précis du contrôle que doivent opérer les juges du fond en la matière.
Statuant au visa de l'article 6, § 1 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, la Cour de cassation rappelle que « les États membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires ». Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 5 mars 2009, aff. C-388/07, v. Bref social n° 15333 du 30 mars 2009), la Cour suprême admet donc que le législateur puisse poser des limites d'âge pour l'exercice d'une profession, dès lors qu'elles sont justifiées au regard des conditions posées par la directive. Cette dernière consacre, selon la chambre sociale, un « principe général du droit de l'Union » et doit donc être appliquée par les juges du fond à qui il appartient de vérifier, en cas de litige :
- que la limite d'âge retenue est objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime ;
- et que la cessation d'activité constitue un moyen approprié et nécessaire pour réaliser cet objectif.
Dans l'affaire de l'Opéra de Paris, la cour d'appel n'ayant pas procédé à cette recherche, l'arrêt validant la mise à la retraite à 60 ans a été censuré. La cour de renvoi devra se prononcer sur la conformité à la directive du dispositif issu par décret.
Dans l'affaire du pilote de ligne, la Cour de cassation a admis que la limite d'âge posée par le Code de l'aviation civile était justifiée par un objectif légitime : assurer le bon fonctionnement de la navigation aérienne et la sécurité. L'arrêt d'appel est néanmoins censuré, les juges du fond n'ayant pas recherché si la cessation des fonctions de pilote à 60 ans était un moyen nécessaire à la réalisation des objectifs précités.
Cass. soc., 11 mai 2010, n°08-43.681 FP-PBR