Un propriétaire a donné à bail à une locataire un logement situé à Paris aux termes d’un contrat contenant une clause résolutoire.
En cours de bail, la locataire s’est mariée.
Suite à des impayés de loyer, le propriétaire a fait délivrer un commandement de payer resté infructueux, puis l’a assigné devant le juge des référés du tribunal d’instance.
Ce dernier a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au profit du bailleur, ordonné l’expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef et condamné à payer un arriéré de loyers et une indemnité mensuelle d’occupation.
L'acte adressé à l'un des époux en l'absence de notification du mariage par le preneur
L’époux de la locataire intervient volontairement en cause d’appel et les époux contestent la décision d’expulsion en faisant valoir que le commandement de payer n’avait pas été délivré au mari alors qu’en vertu de l’article 1751 du Code civil, le droit au bail du logement servant à l’habitation des deux époux est réputé appartenir à l’un et à l’autre époux.
Ainsi le principe exige qu’un acte adressé à l’un des époux soit inopposable à l’autre et par conséquent inefficace à l’égard des deux époux du fait de l’indivisibilité du contrat de location. En l’espèce, selon les défendeurs, le commandement de payer aurait dû mentionner le nom de l’époux.
Cependant l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 fait expressément dérogation à l’article 1751 du Code civil suscité et dispose :
« Nonobstant les dispositions des articles 515-4 et 1751 du Code civil, les notifications ou significations faites en application du présent titre par le bailleur sont de plein droit opposables au partenaire lié par un pacte civil de solidarité au locataire ou au conjoint du locataire si l’existence de ce partenaire ou de ce conjoint n’a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur ».
La Cour d’Appel rejette donc logiquement le moyen de défense des époux dans la mesure où ils n’ont pas été mesure de verser aux débats des pièces permettant d’établir qu’antérieurement au commandement de payer, la locataire avait informé le bailleur de son mariage.
La preuve d'une démarche positive du preneur pour informer le bailleur
La seule pièce produite par les défendeurs était une lettre que le bailleur a adressée aux époux en les nommant « Mr et Mme X » n’était pas à elle seule de nature à prouver que c’était la locataire qui lui avait révélé son mariage.
La connaissance du bailleur de la situation matrimoniale de sa locataire semblait certes établie mais les juges exigent la preuve d’une information émanant du locataire en titre envers son bailleur. Cette preuve sera obtenue par l’envoi par le locataire au bailleur d’une lettre recommandée avec avis de réception ou par acte d’huissier.
La même règle s’applique en cas de divorce
L’exigence d’une démarche positive de l’un ou l’autre époux visant à informer le bailleur est également nécessaire en cas de divorce en cours de bail.
Lorsque les quittances étaient délivrées par le propriétaire à "Monsieur et Madame", l’ex-conjoint qui n’est plus locataire est tenu d’informer ce dernier de ce que, à compter de la transcription du jugement de divorce en marge de l’état civil, il ne serait plus solidairement tenu au paiement des loyers, le droit au bail étant attribué exclusivement à l’ex-époux demeurant dans les lieux.
En l’absence d’une telle notification, l’acte doit être adressé aux co-titulaires de bail qui restent solidairement tenus au paiement des loyers. Les indices permettant de démontrer une éventuelle connaissance par le bailleur du divorce de ses locataires (règlement des loyers avec le chéquier personnel d’un des époux ou attestation d’assurance libellée uniquement au nom d’un des époux…) ne sauraient se substituer, là encore, au manque d’information personnelle du bailleur par le preneur.
Source :
CA Paris, 3 septembre 2015 N° : 14/02245
CA Paris, 6e Chambre, sect. B, 5 avril 2007
Par Maître Karim Djaraouane
Avocat au Barreau de Paris