Un bailleur a donné à bail à une famille un appartement moyennant paiement d’un loyer avec provisions sur charges. Par acte huissier, les bailleurs ont fait délivrer aux locataires un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Six mois après cet acte, les locataires ont restitué les clés de l’appartement au bailleur.
Plus de trois ans après, le bailleur a fait assigner les locataires, en paiement d’arriérés de loyers et charges.
Le tribunal d’instance a débouté le bailleur de sa demande en paiement, en retenant que les locataires étaient légitimes à se prévaloir de l’exception d’inexécution.
Le bailleur a relevé appel de cette décision, soutenant que l’exception d’inexécution n’est pas fondée, faute de déclaration d’insalubrité du logement. L’appartement était en parfait état lors de l’entrée dans les lieux et que si un dégât des eaux s’était produit postérieurement, ni les services de la ville ni les assureurs n’a relevé l’insalubrité décrite par les locataires. Le bailleur avance également que l’origine du dégât des eaux étant demeurée indéterminée il ne peut en être tenu responsable et les locataires ne démontrent pas avoir été totalement privés de la jouissance du bien, seule possibilité pour ces derniers de se prévaloir de l’exception d’inexécution.
L’appréciation du caractère inhabitable par les juges du fond
La Cour d’appel relève que les locataires justifient avoir dû être hébergés chez un tiers et que le bailleur a admis le préjudice de jouissance des locataires en leur faisant remise d’un mois de loyer. En outre, il est établi que les structures (murs, cloisons, sols) étaient saturées d’eau et que l’origine du sinistre initial demeurait indéterminée. Le bailleur n’a pas donné aucune suite au commandement de payer délivré. Selon la cour d’appel cette absence de réaction du bailleur doit s’analyser en une reconnaissance que l’appartement était toujours inhabitable.
En effet, les fuites constatées ayant immédiatement rendu les lieux inhabitables, en raison de l’importante humidité traversant les murs, et affectant le système électrique, la Cour d’Appel a admis que les locataires n’ont jamais pu réintégrer l’appartement jusqu’à la date de restitution des clés plus d’un an après.
L’origine indéterminée du dégât des eaux sans incidence sur l’exception d’inexécution
Le bailleur ne peut remettre en cause le caractère inhabitable du logement en invoquant la remise tardive des clés au regard de la date de survenance du dégât des eaux ou par le fait que les locataires avaient entreposé leurs effets dans l’appartement.
L’exception d’inexécution est admise dans un cas : lorsque le preneur, du fait des manquements du bailleur à son obligation d’entretien, se trouve dans l’impossibilité d’utiliser les lieux loués (Cass. 3e civ., 31 oct. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 329). Dans ses relations avec le locataire, le bailleur est tenu d’assurer la jouissance paisible de la chose louée. La circonstance résultant de ce que le bailleur n’était pas responsable des fuites qui provenaient des parties communes de la copropriété est inopérante.
Par Maître Karim DJARAOUANE
Avocat au Barreau de Paris
Source:
CA Aix-en-Provence, 11e ch. B, 3déc. 2015, n°RG: 14/24013