Dans un arrêt en date du 12 mars 2015, la Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer sur la responsabilité d’un administrateur de biens en cas de préjudice de jouissance d’un locataire dans un bien géré par ses soins et sur la possibilité pour le preneur de ne pas respecter le préavis suite à un congé donné en cas de préjudice de jouissance avéré.
Par acte sous-seing privé un bailleur a consenti un bail à usage d’habitation à preneur moyennant un loyer mensuel.
En cours de bail et suite à plusieurs dégâts des eaux, le preneur a notifié à l’administrateur de biens sa décision de « libérer l’appartement ce jour, pour cause d’extrême urgence, je donne ordre à ma banque de cesser les prélèvements concernant puisque je ne suis plus preneur de ce bien ».
L’administrateur de biens lui a rappelé par lettre recommandée ses obligations relatives au préavis, de laisser l’accès à l’appartement pour sa remise en location et l’a mis en demeure de payer une somme correspondant aux loyers impayés de la période du préavis puis lui a délivré quelques jours après un commandement de payer visant la clause résolutoire du contrat de bail.
I/ L’administrateur de biens n’est pas le garant de la jouissance paisible du bien
Le preneur a assigné son bailleur et la société gestionnaire du bien aux fins de voir déclarer le commandement de payer non-fondé et à former des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation in solidum du bailleur et de la société au titre de dommages et intérêts en raison du défaut de jouissance paisible de l’appartement.
Le tribunal d’instance a accueilli la demande en condamnation in solidum du bailleur et de la société gestionnaire au titre du préjudice de jouissance.
Cependant, la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 12 mars 2015 a constaté l’environnement dégradé et anormalement humide du logement suite à 3 procès-verbaux de constat produits par le preneur.
L’état du logement justifie une indemnisation du preneur au titre de son préjudice de jouissance pour laquelle seule le propriétaire peut être condamné, la société administrateur de biens n’étant que le mandataire du propriétaire qu’il représente : il n’est pas le garant, à la différence du bailleur,  de la jouissance paisible des lieux loués. La responsabilité de l’administrateur de biens ne peut être recherchée sur ce fondement par le preneur avec qui il n’est pas contractuellement lié. Cependant, le bailleur peut engager lui la responsabilité professionnelle de l’administrateur de biens en cas de faute de ce dernier dans l’exécution de son mandat. Â
II/ La dispense du préavis en cas de logement inhabitable
Selon l’article 15-1 alinéa 2 de la loi du 6 juillet 1989, la durée normale du délai de préavis est de trois mois. Toutefois, si les circonstances caractérisent un état de nécessité dû à un manquement du bailleur à ses obligations, le preneur peut être dispensé de respecter ce préavis.
Le preneur qui se prévaut de cet état de nécessité doit être en mesure de le prouver soit au bailleur soit, le cas échéant, au juge.
Ainsi, un preneur peut quitter un logement si ce dernier est reconnu insalubre, même si ce n’est pas à titre irrémédiable sans avoir à respecter un préavis, s’il se fonde sur un manquement grave du bailleur à ses obligations.
À titre d’illustration, dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile, du 2 mai 2007 (Civ. 3e, 2 mai 2007, no 06-11.172 ), il a été jugé que le preneur n'est pas tenu de respecter un préavis dès lors qu'il quitte son logement en raison d'une coupure de l'alimentation en eau qui s'est prolongée sur plusieurs mois, alors que le bailleur s'était engagé à rétablir l'alimentation en eau par décision de justice.
Dans l’arrêt précité de la Cour d’appel de Paris, les procès-verbaux produits par le preneur ainsi que les photographies annexées ne permettaient pas, selon les juges, de caractériser une urgence, ni un danger immédiat auquel le preneur aurait été exposé.
Le logement était certes anormalement humide suite à des dégâts des eaux mais le fait pour le preneur de s’être maintenu dans les lieux après leur survenance démontre que le logement n’était pas devenu inhabitable.
Si les dégâts des eaux ont entraîné pour le preneur un défaut de jouissance paisible, ils ne caractérisent pas une situation d’extrême urgence qui justifierait la dispense du préavis de trois mois. La cour d’appel de Paris a ainsi condamné le preneur à payer au bailleur la somme correspondant aux loyers et charges impayés pour cette période.
Par Maître DJARAOUANE
Avocat au Barreau de Paris
Sources
CA Paris, pôle 4, ch. 3, 12 mars 2015, no RG : 13/06404
Civ. 3e, 2 mai 2007, no 06-11.172