La loi du 22 décembre 2010 et le décret du 10 août 2011 (modifié par le décret du 30 mai 2012) ont institué une procédure visant à favoriser pour le bailleur la reprise des locaux abandonnés par le locataire. L’article 14-1 dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit ainsi que « lorsque des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants, le bailleur peut mettre en demeure le locataire de justifier qu’il occupe le logement ».
La mise en demeure est faite par huissier de justice et peut être contenue dans un commandement de payer le cas échéant.
Si dans le délai d’un mois après signification le locataire n’a pas justifié de l’occupation du bien, l’huissier est autorisé à entrer dans le logement et à constater par procès-verbal son abandon et à dresser l’inventaire des meubles laissés éventuellement sur place.
Le bailleur ne reprend pas alors immédiatement possession des lieux, il lui faut obtenir l’autorisation du juge d’instance en faisant constater à ce dernier la résiliation du bail.
Le juge d’instance peut être saisi par le bailleur par requête accompagnée des pièces justificatives et notamment du procès-verbal de constat de l’huissier.
Si ces éléments montrent que le logement a été manifestement abandonné par ses occupants, le juge statue par ordonnance pour constater la résiliation du bail et ordonner la reprise des lieux. Le cas échéant, il statue également sur la demande en paiement des loyers formée par le bailleur et sur le sort des meubles.
Si cette ordonnance n’a pas fait l’objet d’opposition dans le mois qui suit sa signification elle a force de chose jugée et le bailleur bénéficie d’une procédure simplifiée d’expulsion lui permettant la reprise de son bien.
Quelle sanction pour le bailleur qui ne respecte pas la procédure de reprise des locaux abandonnés par le locataire ?
Cette procédure instituée par la loi et le décret précités a réduit le délai permettant au bailleur de récupérer son bien en cas d’abandon par le locataire, puisque auparavant le bailleur devait procéder à une procédure d’expulsion classique : obtenir la résiliation du bail puis signifier le jugement au locataire et délivrer un commandement de quitter les lieux avec un délai de deux mois pour seulement après ce délai dresser un constat d’abandon.
Le bailleur confronté à cette situation peut être tenté, s’il est certain que les locaux ont été abandonnés par le locataire et que ce dernier ne reviendra plus, de dresser un constat d’abandon par huissier sans faire la mise en demeure de justifier de l’occupation du bien délivrée au locataire et changer illicitement les serrures.
Une décision de la Cour d’appel du Douai du 16 avril 2015 a été rendue sur ce cas.
Dans cet arrêt, le bailleur a fait changer les serrures du logement à la suite du procès-verbal établi par huissier qui a mis en évidence que les lieux étaient vidés de tous ses meubles et objets personnels ainsi que de tout occupant. En outre, une voisine a confirmé à l’huissier de justice avoir constaté que le locataire avait déménagé. Le procès-verbal de constat d’abandon avait été dressé le lendemain du jugement constatant la résiliation de bail suit à un commandement de payer visant la clause résolutoire. Ce jugement qui a prononcé la résolution du bail était frappé d’appel et n’était pas assorti de l’exécution provisoire.
Si la Cour d’Appel de Douai constate que le bailleur, en procédant ainsi a commis une faute susceptible d’engager sa responsabilité, puisqu’il n’a pas respecté la procédure prévue à l’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989, en cas d’abandon du logement par le locataire, elle constate également que le préjudice du locataire demeure toutefois très limité dès lors que ce dernier n’avait manifestement plus l’intention d’occuper le logement qu’il avait vidé de tous ses meubles.
Si le jugement de premier instance avait été assorti de l’exécution provisoire la responsabilité du bailleur aurait également pu être recherchée, la mise en demeure de justifier de l’occupation du bien dans le délai d’un mois s’applique même si la résiliation du bail a été obtenue préalablement sur un autre fondement en l’espèce un commandement de payer visant la clause résolutoire resté sans effet.
Cette absence de sanction du bailleur peut inciter les bailleurs se trouvant dans le même cas que ce bailleur à agir de la même façon, en cas de logement vide, en faisant l’économie de la mise en demeure du locataire de justifier de l’occupation dans un délai d’un mois. En effet, si le logement était occupé de nouveau par le locataire dans ce délai, il faudrait alors procéder à la procédure classique d’expulsion.