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L’actualité récente va-t-elle mettre un terme aux modèles de livreurs ou de chauffeurs indépendants ?

Publié le 11/03/2019 Vu 2 042 fois 0
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Ou en d’autres termes, les sociétés comme UBER ou ALLO RESTO vont-elles devoir revoir leur copie ?

Ou en d’autres termes, les sociétés comme UBER ou ALLO RESTO vont-elles devoir revoir leur copie ?

L’actualité récente va-t-elle mettre un terme aux modèles de livreurs ou de chauffeurs indépendants ?

Deux arrêts récents,( Cour de Cassation chambre sociale du 28 novembre 2018, n°17-20.079 et Cour d’Appel de PARIS, 10 janvier 2019, n° RG 18/08357) ont fait trembler les secteurs d’activité des plateformes de livreurs ou de chauffeurs. Les conseils de prud’hommes de PARIS et de NICE ont récemment suivi.

La Cour de Cassation a eu à connaitre en novembre dernier d’une affaire concernant la plateforme TAKE EAT EASY, la start-up belge qui était spécialisée dans la livraison de repas à domicile et qui a cessé toute activité en août 2016.

Cette société utilisait une plateforme numérique et une application mettant en relation clients et restaurants partenaires. Les clients pouvaient passer commandes de repas via l’application et des livreurs, travaillant en indépendant, prenaient livraison des repas choisis dans les restaurants partenaires et les apportaient chez les clients.

Les livreurs, qui n’avaient aucun contrat de travail avec la société TAKE EAT EASY, pouvaient choisir les plages horaires durant lesquelles ils étaient susceptibles d’effectuer des livraisons, tout comme ils pouvaient indiquer ne pas être disponibles.

A ce titre ils étaient réellement indépendants.

Toutefois, il était prévu que si les livreurs ne validaient pas dans les 5 minutes de leur notification les propositions de livraisons faites via l’application, ils étaient réputés avoir refusé la course.

Lors de leur livraison, ils étaient munis d’un système de géolocalisation qui permettait à la société de pouvoir suivre leurs courses.

Un système de bonus avait été mis en place en fonction du temps d’attente au restaurant et en fonction du dépassement de la moyenne kilométrique des coursiers.

A l’inverse, un système de malus (strike) était également prévu en cas de manquement du livreur à ses obligations. Ainsi, deux strikes entrainaient la perte du bonus, trois strikes la convocation à un entretien et quatre strikes la désactivation du compte.

Pour écarter la qualification de contrat de travail, la Cour d’appel s’était dans un premier temps appuyée sur le fait que les livreurs étaient libres d’organiser leur travail sur les plages horaires souhaités, qu’ils pouvaient choisir de ne pas travailler pendant une période donnée et qu’ils pouvaient choisir la zone géographique sur laquelle ils proposaient leurs services.

A l’inverse, la Cour de Cassation  a jugé que, même si les livreurs de TAKE EAT EASY pouvaient décider eux-mêmes de leurs plages de travail, ils étaient soumis à un pouvoir de direction et surtout à un pouvoir disciplinaire (système de bonus/malus) de la société TAKE EAT EASY qui pouvait les sanctionner.

Pour rappel, pour que la qualification du contrat de travail soit retenue, trois critères doivent être remplis :

-          - Une prestation de travail

-         -  Une rémunération

-      - Un lien de subordination, celui-ci étant caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

C’est donc sur ce dernier critère que la Cour de Cassation s’est appuyée pour rendre son arrêt et a considéré que les contrats liant la société TAKE EAT EASY avec ses livreurs devaient être en réalité requalifiés en contrat de travail.

Les Conseils de prud’hommes de PARIS et de NICE ont rendu des jugements identiques en faveur d’anciens livreurs de la même société, savoir TAKE EAT EASY.

Mais est-ce pour autant le modèle de plateforme faisant appel à des livreurs indépendants qui est condamné ?

A la lecture de l’arrêt de la Cour de Cassation, il est possible d’en douter, tant la particularité du fonctionnement de la plateforme TAKE EAT EASY était importante.

Le système de sanctions de plus en plus importantes en fonction des manquements et le système de « surveillance » constitué par le suivi en temps réel des livreurs ont caractérisé pour la Cour de cassation le lien de subordination.

Il aurait pu être également ajouté le délai très court (5mn) offert aux livreurs pour valider les propositions de livraison qui, très probablement dans les faits, devaient les contraindre à se tenir à la disposition de la société TAKE EAT EASY. Ce point n’a toutefois pas été relevé par la Cour.

Il n’en demeure pas moins que, sans ce pouvoir de sanction important que s’était octroyée cette société, le modèle de plateforme numérique dotée de livreurs indépendants n’a pas été remis en cause par la Cour et a même été « validé » par la Cour d’Appel qui s’était, elle, focalisée sur la liberté d’organisation de leurs activités par les livreurs pour considérer qu’il n’y avait pas lieu à requalification en contrat de travail.

La justice est également saisie de demande de requalification de relations contractuelles entre neuf chauffeurs et la société UBER.

Le Conseil de prud’hommes de PARIS devait rendre sa décision aujourd’hui. Or, il y a eu partage de voix et l’affaire a été renvoyée à une audience de départage (audience présidée par un magistrat professionnel).

Il s’agit bien là de décisions d’importance dans la mesure où ce sont des modèles d’activités économiques qui se sont énormément développés ces dernières années.

Ces considérations économiques ne devraient toutefois pas permettre à des sociétés de contourner les règles impératives du droit du travail au détriment de travailleurs indépendants contraints en réalité d’être à la disposition des grandes sociétés du secteur représentant 90% voire plus de leur chiffre d’affaire et soumis à leur bon vouloir.

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