Aux termes des dispositions d’une loi du 22 décembre 2010, le bailleur peut, lorsque des éléments lui laissent supposer que le logement a été abandonné par ses occupants, mettre le locataire en demeure de justifier qu’il occupe effectivement le logement. Cette mise en demeure doit intervenir par exploit d’huissier. En l’absence de réponse du locataire dans le mois suivant la notification, l’huissier doit constater l’état d’abandon du logement. Il dresse un procès-verbal contenant un inventaire des biens laissés sur place avec l’indication de leur valeur marchande. Ce procès-verbal permet au bailleur de faire constater par le juge d’instance la résiliation du bail et la reprise du logement. L’article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 portant amélioration des rapports locatifs modifiée par la loi du 22 décembre 2010 précitée précise que « la résiliation du bail est constatée par le juge dans des conditions prévues par voie réglementaire ». Un décret du 10 août 2011 organise ainsi les modalités de résiliation du bail d’habitation et la reprise par le bailleur des lieux abandonnés.
L’article 1er du décret précise que la demande de constatation de la résiliation du bail en vue de la reprise des locaux abandonnés « peut être formée par requête ». La procédure s’en trouve simplifiée puisque le tribunal se prononce alors sans débat préalable. La résiliation du bail suivant une procédure ordinaire, sur assignation, reste toutefois encore possible.
S’il ressort des éléments fournis par le bailleur que le bien a été abandonné par ses occupants, le juge du tribunal d’instance constate la résiliation du bail et ordonne la reprise des lieux. Les documents de nature personnelle sont placés sous enveloppe scellée et conservés par l’huissier de justice pendant deux ans. Dans le mois qui suit la notification de la décision, le locataire ou tout occupant de son chef peut former opposition.
En cas d’opposition, les parties sont convoquées à l’audience. Le tribunal statue sur les demandes présentées par le bailleur ; il connaît également des demandes incidentes et des moyens de défense au fond du locataire. Le jugement du tribunal d’instance se substitue alors à l’ordonnance rendue sur requête. En l’absence d’opposition, l’ordonnance produit tous les effets d’un jugement passé en force de chose jugée.
La procédure de reprise des lieux est menée par huissier, soit lorsqu’il constate que la personne désormais expulsée et les occupants de son chef ont volontairement libéré les lieux postérieurement à la notification de l’ordonnance, soit lorsqu’il est autorisé par décision de justice passée en force de chose jugée à reprendre les locaux abandonnés. En cas de refus du locataire de quitter les lieux, l’huissier adresse une requête au préfet du département pour obtenir le concours de la force publique, conformément à l’article 50 du décret du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives aux procédures civiles d’exécution. Le préfet dispose d’un délai de deux mois pour faire connaître sa réponse. Le silence gardé par l’autorité administrative pendant ce délai vaut rejet de la requête. Le refus est généralement prononcé lorsque le préfet estime qu’une telle intervention de la police comporte des risques de troubles graves à l’ordre public, conformément à la jurisprudence Couitéas du Conseil d’État du 30 novembre 1923. Si la demande est acceptée, une date à laquelle la police ou la gendarmerie interviendra est fixée. S’il s’avère lors des opérations de reprise que les locaux sont de nouveau occupés par la personne expulsée, l’huissier procède à l’expulsion sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un nouveau titre d’expulsion. En effet, en application de l’article 208 du décret du 31 juillet 1992 précité, « la réinstallation sans titre de la personne expulsée dans les mêmes locaux est constitutive d’une voie de fait. Le commandement d’avoir à libérer les locaux signifié auparavant continue de produire ses effets ».
Nicolas Guerrero
Avocat à la Cour