L’article L. 1331-2 du code du travail dispose que « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ». Il s’agit, comme le relève la chambre sociale de la Cour de cassation dans une décision du 20 octobre 2010, d’un principe d’ordre public auquel ne peut faire échec une disposition du contrat de travail. Ainsi, un employeur n’a pas le droit d’opérer une retenue sur salaire au motif que le salarié a refusé d’exécuter une tâche qui relevait de ses fonctions ou a utilisé le matériel de l’entreprise à des fins personnelles durant une importante partie de son temps de travail. De même, la chambre sociale de la Cour de cassation retient, dans un arrêt du 27 septembre 2011 que « la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié est illégale ».
Cependant, le principe veut que le salaire soit la contrepartie du travail effectué. Dès lors, la Cour de cassation, dans un arrêt de la chambre sociale du 18 juin 2008, retient que « lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait l’obligation ».
En l’espèce, dans un arrêt du 21 mars 2012, une entreprise avait procédé à une retenue de 312 euros sur le salaire d’un salarié en raison de ses très nombreux retards et absences non autorisées. Dans une décision du 28 mai 2010, la cour d’appel de Douai (Nord) a considéré que la retenue opérée constituait une sanction pécuniaire prohibée par l’article L. 1331-2 du code du travail. Elle a donc condamné l’employeur à un rappel de salaire.
La Cour de cassation censure les juges d’appel et retient que « la retenue opérée par un employeur sur le salaire en raison de l’absence du salarié et à proportion de la durée ne constitue pas une sanction disciplinaire ». La Cour ne fait qu’une application stricte de la lettre de l’article L. 1331-2 du code du travail. Ainsi, dès lors que la retenue sur salaire ne revêt pas un caractère de sanction disciplinaire, elle est licite. En d’autres termes, l’employeur ne peut que procéder à une retenue prorata temporis, minute par minute. Si la retenue sur salaire est plus importante, fût-ce d’un euro, elle constituera une sanction pécuniaire prohibée.
Précisons que cette retenue ne constitue qu’un rééquilibrage des prestations exécutées. L’employeur n’est tenu de verser un salaire à son salarié qu’en contrepartie de l’exécution de la prestation de travail. Ainsi, l’inexécution partielle de ses obligations par le salarié, absent ou en retard, autorise l’employeur à n’exécuter que partiellement ses propres obligations et donc de diminuer le montant du salaire à due proportion. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une sanction disciplinaire. Partant, l’employeur qui procède à la retenue dans les conditions fixées par l’arrêt n’épuise pas son pouvoir de sanction. Le principe non bis in idem, en vertu duquel nul ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits, n’est pas violé. Dès lors, le salarié pourra valablement être sanctionné disciplinairement pour ses retards répétés ou ses absences non autorisées en plus des retenues sur salaires opérées. En aucun cas ces sanctions disciplinaires ne pourront prendre la forme de sanctions pécuniaires. Il appartiendra à l’employeur de se placer sur le terrain des sanctions disciplinaires : blâme, mise à pied ou licenciement. Les salariés ne peuvent donc qu’être invités à faire preuve de ponctualité.
Nicolas Guerrero
Avocat à la Cour