La réforme des retraites de 2010 a permis à la notion de pénibilité de recevoir enfin une définition juridique précise. Désormais, l’article L. 4121-3-1 du Code du travail la définit comme « l’exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels […] liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé du salarié ». La pénibilité s’applique à des activités professionnelles qui provoquent une usure anormalement rapide de l’organisme. Elle se distingue de la notion de dangerosité qui concerne, elle, des activités présentant des dangers immédiats.
La loi du 9 novembre 2010 met en place un dispositif de prévention de la pénibilité dans les parcours professionnels et un dispositif de compensation des situations de pénibilité.
D’abord, la loi impose à l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille, une obligation générale de prévention du risque de pénibilité. Elles doivent s’y conformer avant le 1er janvier 2012. La prévention se traduit par une démarche en deux temps : une phase d’analyse puis une phase de mise en œuvre.
La phase d’analyse débute par un diagnostic. L’employeur recense les salariés qui exécutent des « travaux pénibles » incluant un ou plusieurs des facteurs de risque listés par le décret du 30 mars 2011, tels que les postures pénibles ou l’exposition à des températures extrêmes. Pour chacun des salariés concernés, l’employeur rédige ensuite une fiche individuelle précisant le type d’exposition, la durée et la nature des mesures de prévention mises en œuvre. Cette fiche viendra compléter le futur « dossier médical en santé au travail » prévu par l’article 60 de la loi. Constitué par le médecin du travail, ce document est conçu pour rassembler les informations portant sur l’état de santé du travailleur et les expositions auxquelles il a été soumis aux différents postes qu’il a occupés.
Une fois ce diagnostic réalisé, l’entreprise peut entamer l’étude des mesures de prévention qui doivent être mises en œuvre. À cette fin, les entreprises de plus de cinquante salariés, ou appartenant à un groupe de plus de cinquante salariés, et non-couvertes par un accord de branche dans le domaine, doivent négocier un accord ou élaborer un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. À défaut, elles devront s’acquitter d’une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale. Le montant définitif de la pénalité sera fixé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, qui tiendra compte des efforts éventuels de l’employeur pour prévenir la pénibilité de l’activité de ses salariés. La pénalité sera recouvrée par les URSSAF.
La loi du 9 novembre 2010 prévoit également des mécanismes de compensation des situations de pénibilité. Certains salariés peuvent ainsi demander le bénéfice d’une retraite anticipée en raison de la pénibilité de leurs parcours professionnels. Ils pourront partir en retraite dès soixante ans tout en bénéficiant d’une pension à taux plein et ce même s’ils n’ont pas cumulé la durée d’assurance requise. Pour cela, ils doivent justifier d’un taux d’incapacité d’origine professionnelle au moins égal à 20 %, ou compris entre 10 % et 20 % sous réserve d’une exposition d’au moins dix-sept ans à des facteurs de risques professionnels et après avis d’une commission pluridisciplinaire. Le salarié pourra s’appuyer sur les fiches individuelles de son « dossier médical en santé au travail » pour faire état de la pénibilité de son parcours professionnel.
Si ce décret du 30 mars 2011 était attendu, on peut s’étonner de l’absence du stress dans la liste des facteurs de pénibilité, alors même qu’en ce domaine pèsent des obligations de prévention semblables à celles en vigueur pour la pénibilité. Sans doute, la définition des facteurs de risques donnée par le décret, dont certains commentateurs ont pu estimer qu’elle apparaissait incomplète, doit-elle inviter les partenaires sociaux à compléter, par la négociation, le cadre juridique existant dans le sens d’une plus grande précision et d’une plus grande cohérence.
Nicolas Guerrero
Avocat à la Cour