Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». Constitue également un motif économique de licenciement au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail, la cessation d’activité ou la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité.
Dans l’hypothèse où un employeur entend procéder à plus de neuf licenciements pour motif économique sur une même période de trente jours, l’article L. 1233-61 du code du travail lui impose de mettre en place des mesures à même de réduire les conséquences du licenciement, dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Les représentants du personnel de l’entreprise doivent être consultés en application de l’article L. 1233-28 du code du travail.
En l’espèce, le comité d’entreprise de la société Vivéo France SAS a obtenu devant la cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 12 mai 2011, l’annulation de la procédure de licenciement collectif pour défaut de cause économique. Se fondant non sur des références textuelles, l’arrêt étant rendu en l’absence de tout visa, mais sur la logique qui aurait animé le législateur dans la construction du régime juridique de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, la cour d’appel de Paris retient que « le défaut de cause économique constitue une illégalité qui vicie, en amont, la procédure de licenciement collectif et rend sans objet, donc, nulle et de nul effet, la consultation des représentants du personnel ». Dès lors, selon la cour d’appel de Paris, « en présence d’une pareille illégalité […] il entre dans les pouvoirs du tribunal de grande instance, juge naturel des conflits collectifs du travail, de tirer les conséquences de cette illégalité, en annulant la procédure de consultation engagée et tous ses effets subséquents », et notamment le plan de sauvegarde de l’emploi.
Or, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’absence de cause économique prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre au salarié le bénéfice d’une indemnité au moins égale à six mois de salaire. En aucun cas, la nullité n’est évoquée. La décision de la cour d’appel de Paris est rendue contra-legem.
C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation, dans une décision de la chambre sociale du 3 mai 2012, a censuré le raisonnement des juges de la cour d’appel de Paris. Au visa de l’article L. 1235-10 du code du travail, aux termes duquel « la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés […] s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel », la Cour de cassation retient que « la procédure de licenciement ne peut être annulée en considération de la cause économique de licenciement, la validité du plan étant indépendante de la cause de licenciement ».
La chambre sociale de la Cour régulatrice applique avec autorité l’adage « pas de nullité sans texte ». En effet, l’article L. 1235-10 du code du travail prévoit bien la nullité de la procédure de licenciement collectif, mais dans la seule hypothèse où le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi n’a pas été présenté par l’employeur aux représentants du personnel, c’est-à-dire en cas d’absence de plan de sauvegarde de l’emploi ou d’insuffisance des mesures d’aide au retour à l’emploi prévues par l’employeur qui figurent dans le plan de sauvegarde de l’emploi.
En définitive, l’arrêt du 3 mai 2012 vient rappeler le champ des sanctions du défaut de cause économique. Par suite, le juge prud’homal ne peut qu’accorder des dommages-intérêts pour défaut de cause réelle et sérieuse aux salariés licenciés. Ne peuvent être prononcées ni la nullité de la procédure, ni celle du plan de sauvegarde de l’emploi, ni celle des licenciements, ni la réintégration des salariés licenciés.
Cette décision de la Cour de cassation est empreinte d’orthodoxie juridique. Certes, un risque existe de voir des entreprises provisionner le coût des condamnations pour licenciements sans cause réelle et sérieuse et mettre en œuvre une procédure de licenciement collectif pour motif économique sans aucun motif recevable. Il revient au législateur de réduire ce risque en amendant le régime actuel dans le sens, peut-être, d’un élargissement du champ des nullités. Mais il n’appartient pas à la Cour de cassation, serviteur et interprète — mais non rédacteur — de la loi, de le faire.
Nicolas Guerrero
Avocat à la Cour