Le magistrat reproché d'avoir commis une disciplinaire est interdit ou suspendu en Droit disciplinaire congolais de la magistrature .
D'emblée , il sied de noter que le cadre juridique du Droit disciplinaire des magistrats en République Démocratique du Congo est la loi n° Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats .
La question de la suspension et l'interdiction fait couler beaucoup d'encres et de salives actuellement sur la toile. Les opinions sont partagées. Certains arguent que la suspension n'existe pas en Droit disciplinaire des magistrats et d'autres opinent que la suspension existe comme sanction disciplinaire qu'un magistrat auteur d'une faute peut écoper .
Pour mieux cerner la question , il importe d'abord d'exposer ce qui constitue le fait générateur d'une décision disciplinaire qui peut être prise à l'égard d'un magistrat.
L'article 46 de cette loi dispose que " tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur ou à la dignité de ses fonctions, constitue une faute disciplinaire ".
La commission ( présumement ) par le magistrat des faits pouvant constituer une faute disciplinaire est donc le fait générateur d'une décision disciplinaire à prendre contre ce dernier . Sans commission des faits susceptibles de constituer une faute disciplinaire , l'on ne peut envisager l'interdiction ou la suspension d'un magistrat .
L'article 47 de la même loi nous donne une liste non exhaustive des faits qui constituent une faute disciplinaire .
Après avoir exposé le fait générateur d'une décision disciplinaire , il importe à ce stade d'analyser les deux notions à savoir : l'interdiction et la suspension .
En effet , l'interdiction, sur pied de l'article 54 de la loi , est une mesure conservatoire prise contre un magistrat dont on reproche des faits qui paraissent graves . Par-là , il faut noter que l'interdiction ne peut être prononcée que si les faits paraissent graves . L'interdiction est l'œuvre du Président du Conseil supérieur de la magistrature, des chefs de juridictions et les chefs d’offices des parquet .
Aussi , disons-le , les autorités susvisées ne sont pas obligées de prendre une mesure d'interdiction , c'est une possibilité qui leur est offerte par la loi . Elles peuvent ou pas procéder à une interdiction même si les faits paraissent graves.
L'interdiction ne doit donc pas être confondue d'avec la suspension qui est l'une des sanctions applicables lorsqu'un magistrat commet une faute disciplinaire . L'interdiction est une mesure conservatoire tandis que la suspension est une sanction disciplinaire .
De manière pragmatique , nous expliquons en ce sens :
Le substitut du procureur X est reproché d'avoir commis des faits graves susceptibles de donner lieu à une sanction disciplinaire .
Le procureur de la République, constate qu'il s'agit des faits graves . Il suspend le substitut du procureur X en attendant l'issue de l'action disciplinaire qui peut aboutir soit à un blâme , à la retenue d’un tiers de son traitement d’un mois , à sa suspension de trois mois au maximum avec privation de traitement ou à sa révocation .
La compréhension de cette question , mérite de recourir à une interprétation systémique , en se servant du code du travail de 2002 telle que modifiée et complétée en 2016 .
En droit du travail , lorsqu'un employé commet une faute lourde , l'article 72 alinéa 4 du code du travail dispose que " pour besoin d'enquête,
l'employeur a la faculté de notifier au travailleur, dans les deux jours ouvrables après avoir eu connaissances des faits, la suspension de ses fonctions " .
L'alinéa 5 du même article précise que la suspension des fonctions pour besoin d'enquête est une mesure onservatoire qui ne peut êtrec confondue avec la suspension du contrat de travail prévue à l'article 57 du code du travail .
Ainsi , la suspension pour besoin d'enquête telle que prévue en Droit du travail , c'est cela l'interdiction prévue en Droit disciplinaire des magistrats. Cette suspension est prononcée en attendant l'issue de l'enquête qui peut soit aboutir à un licenciement, ou à une mise à pied ( l'employeur peut prendre une décision de mise à pied même en cas de faute lourde , il n'est pas obligé de licencier toujours) .
La suspension de fonction en Droit du travail est assimilable à l'interdiction en Droit disciplinaire des magistrats. C'est une évidence tirée de l'interprétation systémique , l'une des techniques d'interprétation permettant de mieux saisir la portée d'une disposition Juridique.
En résumé , la suspension et l'interdiction existent toutes en Droit disciplinaire des magistrats en RDC. L'interdiction est mesure conservatoire prise quand les faits paraissent graves en attendant l'issue de l'action disciplinaire tandis que la suspension est une sanction au même titre que la révocation et auprès .
Obed KONGOLO KANOWA
Chercheur en Droit