1) Le témoignage de l’enfant et la cause du divorce de ses parents
Peut-on demander à son enfant de témoigner au sujet de l’infidélité de l’autre parent ? Peut-on lui demander d’attester de la violation d’une obligation maritale par l’autre parent ?
L’article 559 du Code civil dispose que :
« Les faits invoqués en tant que causes de divorce ou comme défenses à une demande peuvent être établis par tout mode de preuve, y compris l'aveu. Toutefois, les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux. »
En d’autres termes, le témoignage d’un enfant, même devenu majeur, ne devra jamais porter sur la cause du divorce en elle–même.
Cette interdiction est même réaffirmée à l’article 205 du Code de procédure civil.
Au visa de ces articles, les tribunaux n’hésitent pas à écarter des débats des témoignages de descendants qui évoqueraient le « pourquoi » du divorce.
C’est d’ailleurs ce qu’a fait encore récemment la Cour de cassation en jugeant :
« qu'en statuant de la sorte, alors que les auditions des descendants ne peuvent être retenues pour statuer sur les griefs invoqués par les époux à l'appui d'une demande en divorce, la cour d'appel a violé les articles 205 du code de procédure civile et 259 du code civil » (Cour de cassation, Civ.1ère, 11 mai 2016, nº 15-17835)
2) Le témoignage de l’enfant et les conséquences du divorce de ses parents
Peut-on demander à son enfant de témoigner sur le train de vie du ménage ? Peut-on demander à son enfant d’attester sur les choix professionnels des époux ? Est-il possible, pour l’enfant, de se prononcer utilement sur sa résidence ou encore sa scolarité lorsque les parents ne parviennent pas à s’accorder ?
L’article 388-1 du Code civil dispose que :
« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne.
L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. »
En d’autres termes, dès lors qu’une mesure le concernant, comme son lieu de résidence ou de scolarité, fait l’objet d’un contentieux, l’enfant, s’il est doué de discernement, sera automatiquement auditionné, s’il est fait la demande.
En marge de cette possibilité laissée à l’enfant d’être reçu et entendu par le juge, il lui est également possible de rédiger une attestation dont se prévaudrait l’un de ses parents.
Bien entendu, cela suppose que cette attestation ne porte que sur les conséquences du divorce.
La jurisprudence est constante sur cette question.
La cour d’appel de Grenoble, en 2003, avait rejeté une demande de dommages et intérêts sur le fondement d’une violation de l’article 205 du Code de procédure civile en affirmant :
« Attendu que l’article 205 du nouveau code de procédure civile n’interdit le témoignage des descendants que sur les griefs invoqués par les époux, qu’ici, ce débat a été évacué en première instance puisqu’il s’agit d’un divorce sur demande acceptée, et que l’appel ne porte que sur la prestation compensatoire, […] que les enfants du couple ont témoigné sur l’activité professionnelle de leur mère pendant la durée de la vie commune, ce qui n’est pas irrégulier ». (CA Grenoble, 2ème Chambre civile, 15 décembre 2003, Juris-data n°2003-249494)
Dans une récente affaire dont a eu à connaitre le cabinet Almatis, un jeune adulte avait attesté des habitudes de l’un de ses parents et des rapports conflictuel qu’il entretenait avec ce dernier. Cette attestation avait été produite dans l’intérêt de l’autre parent.
Le parent visé a sollicité le rejet de cette pièce sur le fondement de l’article 205 du Code de procédure civile, alors même qu’elle n’était produite que pour étayer les demandes portant sur les conséquences du divorce.
L’attestation était donc parfaitement recevable, comme l’a retenu le juge en ces termes : « Dès lors l’attestation rédigée [par la] fille aînée du couple, en ce qu’elle porte notamment sur l’activité professionnelle de la mère ne sera pas écartée des débats. » (TGI Paris, 15 mai 2017, RG N° 12/42482)
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Olivier Ligeti et Julie Bouchez