Le salarié peut-il mentir à son employeur quant à son projet professionnel pour obtenir une rupture conventionnelle ?
Oui ... et non.
Exemple (Cass. Soc., 11 mai 2022 n°15.909) :
Un salarié qui exerçait des fonctions de commercial demande une rupture conventionnelle à son employeur en la motivant par un projet de reconversion professionnelle dans le tourisme nautique de pêche au gros.
Soit plus rien à voir avec son poste actuel.
L'employeur accepte la rupture conventionnelle et lui verse 73 727€.
Sauf que le salarié a menti sur son projet puisqu'il a finalement pris un poste de directeur commercial dans une entreprise concurrente.
L'ancien employeur, mécontent, demande la nullité de la rupture conventionnelle en soutenant que son consentement a été vicié puisque le salarié lui a menti pour obtenir la rupture conventionnelle (et en plus, il est parti pour une entreprise concurrente...).
La Cour d'appel annule la rupture conventionnelle, sans pour autant constater que ce mensonge avait déterminé le consentement de l'employeur.
Pour faire simple : il y a un mensonge du salarié, pas de débat.
La question est de savoir si ce mensonge a déterminé ou non l'employeur à conclure la rupture conventionnelle. Sans ce mensonge, est-ce que l'employeur aurait conclu la rupture conventionnelle ou en tout cas à des conditions différentes ?
La Cour d'appel ne constate pas que ce mensonge a déterminé le consentement de l'employeur.
La Cour de cassation casse et annule donc l'arrêt de la Cour d'appel en jugeant qu'il fallait constater que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur avait déterminé son consentement à conclure la rupture conventionnelle.
La Cour d'appel de renvoi devra donc de nouveau juger, en constatant (ou non) ce caractère déterminant, à savoir que, sans le mensonge du salarié, l'employeur n'aurait pas conclu la rupture conventionnelle ou aurait contracté à des conditions bien différentes.
Finalité :
Le salarié peut mentir à l'employeur pour obtenir une rupture conventionnelle, mais s'il s'avère que ce mensonge provoque une erreur auprès de l'employeur et détermine son consentement à conclure la rupture conventionnelle (sans ce mensonge, il n'aurait pas accepté la rupture conventionnelle ou dans des conditions différentes), l'employeur peut toujours demander au juge la nullité de la rupture et donc la restitution des sommes versées.
Et c'est à l'employeur de le prouver ...
Rappelons que "Pour bien mentir, il faut beaucoup de sincérité ! " (J. Giono)