Commentaire de l'arrêt Ville de melun : CE , 20 Juillet 1990

Publié le Vu 62 317 fois 2
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Commentaire de l'arrêt Ville de melun : CE , 20 Juillet 1990


Commentaire de l'arrêt Ville de melun : CE , 20 Juillet 1990

 

Le service public est une notion multiforme , le Conseil d'Etat peut avoir très bien une définition du service public  pour l'application d'un régime juridique et une autre définition pour l'application d'un autre régime .

Dans cette affaire  , six conseillers municipaux , ont demandé à une association municipale , organisme de droit privé gérant une activité d'intérêt général , d'accéder aux comptes, et justificatifs correspondants  de cette association afférents aux exercice des années 1972 à 1983 , en vertu de la loi du 17 juillet 1978 portant sur la communication des document administratif qui disposait dans son article 2 : "Que sous réserve des dispositions de l'article 6 ,les documents administratifs sont de plein droit communicables aux personnes qui en font la demande , qu'ils émanent des administrations de l'Etat , des collectivités  territoriales  , des établissements publics ou des organismes , fussent-ils de droit privé chargés de la gestion d'un service public " . Le problème est que cette association ne détenait pas de prérogatives de puissance publique . Son activité pouvait elle être  alors quand même considérée comme un service public ?
Par deux jugements, l'un du 26 avril 1985 statuant sur le refus partiel du maire, l'autre du 5 juillet 1985 statuant sur le refus du président de l'association, le tribunal administratif leur a donné satisfaction au motif, s'agissant de l'association, qu'elle était un organisme privé gérant un service public et qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978 qui dispose que sont communicables les documents émanant notamment « des organismes, fussent-ils de droit privé, chargés de la gestion d'un service public » et au motif, s'agissant de la commune, que les documents demandés faisaient partie, en application de l'article L. 221-8 du Code des Communes,  des dossiers de préparation et d'exécution du budget communal et constituaient de ce fait des documents administratifs obligatoirement communicables.

La ville de Melun et l’association « Melun – Culture - Loisirs »ont alors relevé appel devant le Conseil d’Etat.

La deuxième question que pose l'arrêt est  relative au fondement de la requête de la ville de Meulun :  savoir si l'on  peut s'adresser à une commune pour lui demander la communication de documents qui lui ont été fournis par une tierce personne sur le fondement de l'article L. 221-8 du Code des Communes ?  
Le conseil d'Etat décide qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'autorise les communes à disposer à l'égard des tiers des documents en application des dispositions de l'article du code des communes . Ainsi le conseil d'Etat dispose que la ville de meulun était tenue de rejeter la demande des administrés , ainsi la demande de mm vivien , laplace et bodin , sont rejetées , et la décision du tribunal administratif du 26 avril annulée .

Mais la question centrale de l'arrêt repose sur les critères de qualifications du service public .

De manière générale, pour caractériser la maîtrise de la personne publique sur le service public géré par une personne privée, la jurisprudence a recours à la technique du faisceau d’indices. Ainsi il incombe au juge administratif de rechercher si la personne privée a été créée par la personne publique , d'où viennent ses ressources , ses modalités de fonctionnement et enfin si elle est composée de ses représentants.

L'arrêt rendu par le conseil d'Etat à la date du 20 juillet 1990 éclaire la notion de service public et plus particulièrement les critères de reconnaissance qui lui incombent .

Pour rendre plus aisée l'identification des personnes privées en charge d'une mission de service public , le Conseil d'Etat avait  défini dans l'arrêt Narcy trois critères cumulatifs : le critère de l'intérêt général auquel doit répondre la mission exercée ; celui des prérogatives de puissance publique dont doit être doté l'organisme en cause et enfin celui du contrôle de l'organisme par les pouvoirs publics .


I/ Vers un abandon de la jurisprudence antérieure ?

L’applicabilité ou  non de certains de ces critères , à savoir l'application de la jurisprudence antérieure (A)  est au centre de l’intérêt posé par l’arrêt et c’est, pourquoi il convient de nous interroger si l’absence de prérogatives de puissance publique peut ou non être compatible avec une activité de service public (B) ?

A) Les liens unissant les prérogatives de puissance publique à une activité de service public:  

Alors que l’arrêt du Conseil d’Etat, en date du 28 juin 1963, « Narcy » avait pourtant établi que si l’intention des pouvoirs publics d’ériger ou non une activité en service public n’apparaît pas clairement, le juge cherche a découvrir des « indices » permettant la qualification de service public.

Il retient en particulier trois critères : mission d’intérêt général, prérogatives de puissance publique et un droit de regard de l’administration sur les modalités d’exécution de la mission.

Cependant l'arrêt Narcy n'a pas suffi à dissiper les hésitations de la jurisprudence quand à l'importance respective de ces trois critères dans la définition d'un organisme privé exerçant une mission de service public . Plus précisément ; la question s'est posée de savoir si la détention par l'organisme privé de prérogatives de puissance publique était en toute hypothèse nécessaire pour permettre l'identification d'un service public .

En opérant de la sorte, le Conseil d’Etat a opéré là un véritable revirement de sa jurisprudence antérieure.
B) Un lien qui semble ne plus avoir lieu de s'appliquer :

Malgré le refus de la doctrine , avant 1990 , des décisions ont admis qu'il pouvait y avoir service public sans prérogative de puissance publique ex : Trib. confl. 6 novembre 1971, Bernardi
Dans l'arrêt Ville de Meulun de 1990 , le Conseil d'Etat a apporté une première réponse à cette question en estimant que l'association " Melun culture loisirs " , association para municipale doit être regardée comme gérant un service public " alors même que l'exercice de ses missions ne comprend pas la mise en oeuvre de prérogatives de puissances publiques . Le commissaire du gouvernement Pochard indique que la qualification de service public devait être retenue " à partir d'un certain degré de sujétion ou de dépendance d'un organisme privé ... "

En effet , l’arrêt «  Ville de Melun et association « Melun – Culture - Loisirs » envisage l’absence de prérogative de puissance publique comme n’étant pas une condition nécessaire à la reconnaissance d’une activité de service public, dès lors que l'activité en cause représente bien un caractère d'intérêt général , et d'autre part que l'administration contrôle étroitement la personne privée .
La recherche de telles prérogatives n'est donc nécessaire que dans les cas où l'organisme privé est véritablement autonome . Dès lors que la personne privée constitue ce que l'on à appellé une association transparente , les prérogatives de puissance publique en sont plus nécessaires .
Ainsi, l'absence de telles prérogatives peut être comblée par un élément manifestant le lien très fort existant entre la personne privée et l'Administration.

En effet le Conseil d'Etat dans l'arrêt ville de Meulun , a qualifié une association culturelle remplissant une mission socio-éducative, de service public communal et pour ce faire, il a notamment retenu que cette association a « été créée par la ville de Melun », qu’elle perçoit des aides indirectes sous la forme de mise à disposition gratuite de locaux et de personnel communaux » et qu’en plus le maire de la commune la présidait et que son conseil d’administration se compose d’une majorité de conseillers communaux qui siègent en cette qualité . En effet l'arrêt dispose que l'association doit  " être regardée, alors même que l’exercice de ses missions ne comportait pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique comme gérant, sous le contrôle de la commune,un service public communal ».

Le  juge n’attache ici, aucune importance à l’absence de prérogatives de puissance publique et se concentre exclusivement sur le rattachement de l’association à la commune, dépendance aussi bien financière qu’organique puisque l’association dépend de la commune et dirigée par des représentants de cette dernière.

On peut conclure  que « Melun Culture Loisirs » n'est pas une simple association gérant des équipements avec l'aide de la commune, mais qu'elle gère véritablement, pour le compte de la commune, un service public. Dès lors l'association  paraît bien relever de la loi du 17 juillet 1978.

II/ La personne privée chargée d'une mission de service public :

Avec l'arrêt ville de Meulun , le Conseil d'Etat élargit les critères de la jurisprudence antérieure(A) , en effet , tous n'ont pas lieu de s'appliquer dans certains cas particuliers . Cet arrêt ouvre  l'exception selon laquelle un service public peut ne pas détenir de prérogatives de puissance publique (B)  , en rupture avec les critères définis dès lors.
A/ Elargissement des critères :

Chargée de l'information municipale , cette association était ce que l'on appelle un démembrement de l'administration , en effet les collectivités publiques , créent des personnes morales de droit privé , sans véritable autonomie , pour échapper aux contraintes découlant du statut de personne publique .
Si le conseil d'Etat avait cherché à appliquer à la lettre les critères de l'arrêt Narcy , on retrouve bien l'existence d'une mission d'intérêt général , l'omniprésence de contrôle de la collectivité publique ( budget alimenté par des fonds municipaux ... ) En revanche la prérogative de puissance publique fait défaut . Le conseil d'Etat aurait du donc dénier à l'association toute mission de service public , et donc donner raison à la collectivité territoriale qui avait crée une association fictive pour échapper à toute contrainte comme l'obligation de communiquer ses documents administratifs .

On peut soutenir que la définition du service public au sens de la loi de 1978 relative à l'accès aux documents administratifs ne correspond pas à celle de service public qui permet d'identifier l'acte administratif pris par une personne privée .

Dans un arrêt récent , le Conseil d'Etat confirme qu'une personne privée peut être chargée d'une mission de service public alors qu'aucune prérogative de puissance publique ne lui as été confiée .
Il résulte de l'arrêt que le juge devra se livrer à une double démarche : si l'activité d'intérêt général est exercée par une personne privée sous le contrôle de l'administration à l'aide de prérogatives de puissances publiques , la mission de service public est identifiée .
Si les prérogatives font défaut  , il n'y aura service public que si par la technique du faisceau d'indices , le juge décèle un contrôle qui prouve que la personne publique à voulu se lier fortement à la personne privée .


B/ L'affirmation des critères qualificatifs d'un service public :

Si d'une part le principe de la jurisprudence Narcy de la réunion cumulative des trois critères demeure , on constate d'autre part l'hypothèse de la dévolution d'une mission de service public à une personne privée sans que celle ci jouisse de prérogatives de puissance publique , déclarée par l'arrêt se trouve intégrée dans un même considérant et systématisée .

La doctrine a considéré que l’arrêt de Melun était un abandon de la jurisprudence Narcy. Toutefois, plusieurs arrêts postérieurs à l’arrêt de la ville de Melun viennent rappeler que les trois critères cumulatifs sont indispensables (Conseil d’Etat 1992, Texteron).

L’arrêt ville de Melun est donc une particularité spécifique à l’espèce.
La Haute juridiction prend juste ici en compte l’existence de cas particuliers, ou le contrôle de la gestion de l’organisme par la puissance publique est tellement intense que le critère de prérogative de puissance publique n’est pas nécessaire, pour qualifier une activité de service public .
En effet, le Conseil d'Etat a jugé qu'une personne privée ne détenant pas de prérogatives de puissance publique pouvait gérer un service public à condition que l'Administration ait entendu confier à cette personne privée la gestion d'un service public consacrée par le CE dans un arrêt du 22 février 2007 .
le juge retient les conditions de la création de l'activité, de son organisation ou de son fonctionnement. Il se base aussi sur les obligations qui sont imposées à la personne privée, ainsi que sur les mesures prises pour vérifier que les objectifs assignés à la personne privée sont atteints. Si, au vu de tous ces éléments, l'Administration est considéré avoir entendu créer un service public, alors l'activité gérée par la personne privée sera qualifiée de service public, quand bien même ne disposerait-elle pas de prérogatives de puissance publique

Le juge rappelle que le critère tiré de l'existence de prérogatives de puissance publique cumulé avec celui du contrôle exercé par l'administration suffit à qualifier de service public une activité d'intérêt général exercée par une personne privée . En revanche lorsque ces prérogatives sont absentes , il convient de rechercher , selon la méthode du faisceau d'indices , la marque de la volonté de la collectivité publique , qui ne saurait résulter du seul contrôle exercé sur l'activité en cause , de confier une telle mission à l'organisme privé .
Parmi ces indices on retrouve : l'intensité de l'intérêt général poursuivi , les conditions de création , d'organisation et de fonctionnement de l'organisme ; ainsi que les obligations qui lui sont imposées .

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par kiki0259
25/11/2009 15:59

bonjour, je serais curieuse de savoir la note obtenue à ce devoir?

2 Publié par Visiteur
17/11/2013 22:31

Je dirais 7

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

A propos de l'auteur
Blog de René D

Bienvenue sur le blog de René D

Dates de publications
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles