Dissertation sur les bases du droit administratif
Dissertation : Distinction entre les SPIC et les SPA :
Un service public est une activité exercée directement par l'autorité publique (Etat, collectivité régionale ou locale) ou sous son contrôle, dans le but de satisfaire un besoin d'intérêt général.
Ce dernier constitue, à côté de la police administrative, l'une des deux activités de l'Administration.
La notion de service public est un des concepts fondamentaux du droit administratif français. Elle a d'ailleurs contribué, dans la première moitié du XXe siècle, à construire ce droit.
L’école du service public a été fondée par Léon Duguit au début du vingtième siècle. Selon les auteurs appartenant à ce courant doctrinal, dès lors qu’il y a service public, il doit y avoir application des règles du droit administratif et compétence de la juridiction administrative. Ils excluent donc l’existence de plusieurs catégories de services publics. Cette théorie exclut par conséquent l’existence de critères permettant de distinguer différents types de services publics. Elle assimile donc l’existence d’un service public à l’application du droit public.Il apparaît néanmoins que cette présentation présente des limites . Dès l’apparition de l’école du service public, il est apparu que certains services publics étaient soumis au régime du droit privé.
La distinction des services publics administratifs et des services publics industriels et commerciaux remonte à l'affaire du bac d'Eloka ( TC 1921 , Société commerciale de l'Ouest africain ) . La Côte d'Ivoire , alors colonie française avait crée des bacs pour faciliter le transport . L'un de ces bacs , le bac d'Eloka coule et endommage des véhicules appartenant à la société en cause . Celle ci demanda réparation . Un problème de compétence juridictionnelle apparaît alors , au terme d'un conflit positif .
Certes un service public était en cause , mais il fonctionnait dans les mêmes conditions qu'une entreprise privée . Cela remettait en question l'application du droit administratif dans une telle hypothèse .
On retrouve pour la première fois l'expression de service public industriel et commercial dans un arrêt du conseil d'Etat de 1921 .
Il a été proposé d'établir une distinction parmi les services publics gérés par une personne publique , deux catégories :
- Les SPA : qui gèrent des activités appartenant par nature à l'Etat ou à une administration publique . Ces services " sont de l'essence même de l'Etat ou d'une administration publique " .
- Les SPIC qui gèrent des activités similaires à celles des entreprises privées . Si elles sont prises en charge par l'Etat ce n'est que de façon accidentelle et occasionnelle , parce que aucun particulier ne s'en est chargé : Eau , gaz , électricité ....
Cette distinction conduit à des conséquences juridiques opposées : les SPA relèvent du droit public et des juridictions administratives , les SPIC lissent une place dominante aux règles de droit privé et à la compétence des juridictions judiciaires . L'existence des SPIC constitue un élément déterminant de la crise de la notion de service public .
La distinction , entre les activités appartenant par nature à l'Etat et celles lui revenant de façon accidentelle , est délicate à mettre en oeuvre . Les activités de la personne publique évoluent , ainsi une activité qui à une époque lui appartient par nature , peut devenir accidentelle par la suite .
I. La nécessité d’établir des critères de distinction SPA – SPIC
A l'origine l'ensemble des services publics étaient des Services publics administratifs . Les activités administratives leur étaient réservées et il revenait aux personnes privées de gérer les activités industrielles et commerciales . L'Etat et les collectivités territoriales en confiaient la gestion à une personne privée par le système de concession .
L'arrêt du " Bac d'Eloka " en 1921 admet que les SPIC puissent être directement gérés par des personnes publiques , ce qui favorise leur essor .
Se pose alors la question de la distinction entre ces deux types de services publics , entraînant soit un régime de droit public et la compétence du juge administratif , soit un régime de droit privé et la compétence du juge judiciaire .
Pour déterminer le caractère de SPA ou de SPIC d'un service public , trois données seront prises en compte . C'est la méthode du faisceau d'indices, le commissaire du gouvernement n'ayant pas fixé les critères de distinction , il y a eu recours , c'est à dire à la présence d'éléments dont la densité conduira à conclure qu'il s'agit d'un SPIC .
Le juge tiendra compte , de la nature de l'activité exercée , du but lucratif assigné au service , de la possibilité de réaliser des bénéfices , de la réalisation habituelle d'acte de commerce....
Pour identifier les services publics industriels et commerciaux , le Conseil d’État, dans son arrêt Union syndicale des industries aéronautiques du 16 novembre 1956, pose trois critères :
a) L'objet du service :
Les activités en cause peuvent- elles ou non être le fait d'une entreprise privée ?
lI s'agit là du critère le plus difficile à manier car il touche la substance même de l'activité. En règle générale s'il s'agit d'activité de production, de distribution ou de prestation de service, la qualification de SPIC sera normalement retenue.
Lorsque la nature de l'activité gérée peut être le fait d'une entreprise privée , le service public est industriel et commercial ( exploitation d'un hôtel dans une station thermale : Tribunal des conflits , 13 février 1984 )
L'activité de SPIC est une activité comparable à celle d'une entreprise privée , c'est à dire une activité , tournée vers l'achat , la vente , la production de biens ou de services .
Tel est le cas pour des transports ferroviaires : TC 5 décembre 1983.
Certains services publics exercent toutefois des activités de ce type mais sont considérés par la jurisprudence comme administratifs ( service de bac à péage reliant l'ile de Ré : CE 10 mai 1974 , Desnoyez et Chorques )
b) L'origine des ressources :
C'est une donnée plus aisément identifiable . Si les ressources proviennent de subventions ou recettes fiscales , le service est administratif . Il sera industriel et commercial si elles repose,y sir mes redevances versées par les usagers ou contrepartie d'un service rendu et sur les résultats de l'exploitation .
Par exemple : le financement du service d'enlèvement des ordures ménag§res . Il est assuré : soit par le prélèvement d'une taxe , produit fiscal ; c'est un service public administratif .
- Soit par la perception sur les usagers d'une redevance calculée en fonction de l'importance du service rendu c'est un service public industriel et commercial .
c) Les modalités de fonctionnement :
Présente un caractère administratif le service dont le tarif des redevances exclut tout bénéfice , ou se révèle gratuit , ou est assuré directement par une personne publique .L'attribution d'un monopole légal n'empêche pas le caractère industriel et commercial . (CE 9 janvier 1981 ministère de l'Economie c / Bouvet ).
Caractère administratif du service : Soumission aux règles de comptabilité publique , exclusion de bénéfices , gratuité , monopole , gestion directe par une personne publique .
On précisera que lorsque le service est assuré par une personne publique , son caractère de service public administratif est présumé .
d) Qualifications par les textes :
Les qualifications législatives désignant les services comme ayant un caractère industriel et commercial s'imposent au juge alors que les qualifications décrétales ne le lient point .
Les services publics peuvent être qualifiés, lorsqu’ils sont créés, par des textes législatifs ou réglementaires. Cette hypothèse est très rare, et il apparaît que les distinctions qui sont opérées ne sont pas toujours conformes à la réalité. L’arrêt Berger rendu par le Conseil d’Etat le 4 juillet 1986 en est une illustration. En l’espèce, s’est posée la question de savoir si le Centre français du commerce extérieur, qui s’est vu conféré la qualité de SPIC par un décret avait bien un caractère industriel et commercial. Le juge administratif a estimé que cet organisme ‘‘reste de façon prépondérante un établissement public à caractère administratif’’.
Il apparaît ainsi que les textes ne qualifient pas toujours à juste raison les services publics. Le juge a le pouvoir de requalifier lorsque ces derniers ont été déterminés par des actes réglementaires. Pour cela, il se réfère aux critères mis en évidence par la jurisprudence dans l’arrêt USIA.
D’un point de vue théorique, la catégorie des SPIC est une catégorie dérogatoire. On en déduit une présomption d’administrativité des services publics. Il faut donc noter qu’il n’existe pas de critère permettant de qualifier un service public administratif. Cette dernière catégorie est définie comme étant l’ensemble des services publics qui ne sont pas des services publics industriels et commerciaux . S’il en avait été autrement, cela aurait pu permettre l’apparition de nouvelles catégories de services publics, qui n’auraient ni correspondu aux critères définissant les SPA, ni à ceux définissant les SPIC.
II. La remise en cause des critères de distinction SPA – SPIC
a)La gestion des services publics administratifs et services publics industriels et commerciaux :
Les services publics administratifs sont familiers aux usagers : Collèges , lycées , universités , hopitaux , musées .
Difficiles à cerner à cause de leur diversité , leur définition ne peut être que négative : services n'ayant pas pour objet ressources et modalités de fonctionnement les caractéristiques d'un SPIC . Des hésitations sont parfois permises : sont SPA la gestion des installations d'embarquement par aéroport de paris .
Ils se caractérisent par un régime recourant largement à la gestion publique et presque entièrement soumis au droit administratif .
Les usagers du service on admet généralement qu'ils sont dans une situation réglementaire de droit public , définie par les lois et règlements du service .
Ces usagers peuvent apparaître parfois comme asujettis plus que comme des bénéficiare . l'usager d'un SPA dispose de droits privilégiés tels ceux d'accès au service et du droit à son bon fonctionnement . il n'a aucun droit acquis au maintient de sa situation .
Concus à l'origine comme exceptionnelle et intempestive , car les personnes publiques ne sont pas des entrepreneurs , la notion de service public industriel et commercial n'a cessé de prendre de l'importance et sa reconnaissance s'effectue dans l'arrêt union des industries aéronautiques de 1956 .
Le régime juridique est très largement un régime juridique de droit privé , la gestion et la comptabilité s'applique aux lois du commerce , le droit privé s'applique aux relations avec les tiers et à la responsabilité que peut encorurir le service .
Les usagers sont donc dans une situation contractuelle de droit privé . ( Etablissements companon rey 13 octobre 1961)
En ce qui concerne les contrats , ceux passés avec les fournisseurs peuvent être de nature administrative en raison de la présence de clauses exorbitantes , à la différence des contrats avec les usagers érigés en un bloc de compétence judiciaire .
En ce qui concerne les personnels , ce sont des agents privés soumis aux règles du droit du travail . Mais le directeur ou l'agent comptable supérieur , s'il a le statut de comptable public , sont dans une situation de droit public ( CE , 26 janvier 1923 " Robert de Lafreygère " et CE 8 mars 1957 " Jalenques de Labeau " ) .
La loi peut créer des situations particulières : celle du 2 juillet 1990 donne au personnel de la Poste ( EPIC ) un statut de droit public .
Enfin le SPIC peut disposer de prérogatives de puissance publique et émettre , parfois de véritables actes administratifs .
La mixité du régime n'est pas sans créer une grande compléxité ce qui confère à certaines systématisations " une justification douteuse " .
C'est ce qui a conduit certains auteurs à contester que le SPIC puisse être une catégorie juridique à part entière et à préférer à la notion de service public son unité .
L'activité pouvant être soit administrative , soit industrielle et commerciale, en fonction non de sa nature mais de ses modalités de gestion .
b) Des critères flous :
Le juge administratif a une grande marge d’appréciation pour comparer un service public au secteur privé à l’aide des trois critères. La nature des services publics dépend, pour l’essentiel, de la conception que l’on se fait, à une époque donnée, de leur objet.
L’arrêt Alberti-Scott à illustré ça : Cet arrêt a été rendu par le Tribunal des conflits le 21 mars 2005. En l’espèce, il s’agissait de déterminer si le service de distribution d’eau d’une commune était un SPA ou un SPIC. Il apparaît que le juge a fait preuve d’une grande opportunité. En effet, selon l’arrêt, ‘‘le service public de distribution de l’eau est en principe, de par son objet, un service public industriel et commercial’’. Or, en l’espèce, le service était géré en régie par une commune, sans disposer d’un budget annexe et le prix facturé à l’usager ne couvrait que partiellement le coût du service. Le seul critère qui est ici retenu est celui du coût, qui s’il ne fait l’objet d’aucune facturation périodique à l’usager entraînera la qualification de SPA pour le service. Etant donné que le juge peut apprécier les critères de distinction avec beaucoup de souplesse, il est très difficile de prévoir la qualification d’un service public. Ceci montre combien ces critères sont subjectifs. Ceci est attesté par la jurisprudence.
Il apparaît que la même activité de service public peut tout aussi bien être qualifiée de service public industriel et commercial que de service public administratif. L’exemple du service public d’enlèvement des ordures ménagères est caractéristique. En effet, s’il est financé par la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, il sera qualifié de SPA, comme le montre l’arrêt Syndicat d’aménagement de Cergy-Pontoise rendu par le Tribunal des conflits le 28 mai 1979. En revanche, l’Avis Société Hoffmiller rendu par le Conseil d’Etat le 10 avril 1992 montre que ce service sera qualifié de SPIC s’il est financé par une redevance perçue sur les usagers.
c) L’insuffisance des critères
La règle selon laquelle les SPA seraient plutôt soumis au droit public tandis que les SPIC seraient plutôt soumis au droit privé est très relative. Par exemple, on a voulu attribuer le contentieux des SPIC avec leurs usagers au juge judiciaire (arrêt Dame veuve Canasse rendu par le Tribunal des conflits le 17 octobre 1966). Néanmoins, le juge administratif est compétent lorsqu’il s’agit du contentieux des recours exercés par les usagers contre les actes administratifs unilatéraux de la personne publique . On peut ainsi dire que la tentative de mettre en place des blocs de compétence est plutôt un échec. Il reste qu’il est toujours aussi difficile pour le justiciable de savoir vers quel juge se tourner.
Il apparaît que dans la matière de détermination des services publics, le Tribunal des conflits intervient souvent afin de trouver quel ordre de juridiction sera compétent pour connaître d’un litige. Ceci est le signe que les règles qui régissent la qualification des services publics sont floues , et qu’il est très difficile pour le justiciable de savoir vers quel juge il doit se tourner. Cela montre donc que la distinction SPA – SPIC n’est pas efficace. Elle ne permet pas de classer les services publics d’une façon cohérente.
Par conséquent, les critères de la distinction ne sont pas non plus suffisants. C’est pourquoi il est intéressant de confronter le droit des services publics français avec le droit communautaire.
La notion de service public n’existe pas en droit communautaire. On parle d’activités d’intérêt général. Comme en droit administratif français, le droit communautaire opère une division . Néanmoins, elle n’est pas fondée sur les mêmes critères. On distingue, d’une part, les activités d’intérêt général non économiques, soustraites au droit de la concurrence, ou services de puissance publique.