Liberté du commerce et de l'industrie :
La Liberté économique est apparue dans l'histoire au moment de l'affirmation des droits de l'homme en 1789.
Le principe de liberté du commerce et de l'industrie est issu du décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 selon lequel " A compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon, mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d’une patente, d’en acquitter le prix d’après les taux ci-après déterminés et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits "Il s'agit d'un principe fondamental du droit .
Le Conseil d'Etat rappelle ce principe , il prend valeur constitutionnelle selon la décision du Conseil constitutionnel du 16 janvier 1982 relative aux lois de nationalisation consacrant la liberté d'entreprendre. Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel affirme que « La liberté, qui aux termes de l’article 4 de la Déclaration consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d’entreprendre ».Pour autant, cette liberté n’est ni générale, ni absolue .
La liberté d’entreprendre apparaît comme une composante de la Liberté du Commerce et de l'Industrie , entendue comme la liberté d’accéder et d’exercer librement toute profession et plus généralement toute activité économique.
Repris trois fois par la loi du 2 mars 1982 (article 4, 48, 66). Il est donc essentiel en droit positif, notamment en ce qu'il a permis de maintenir un minimum d’activités libres en limitant l’action des pouvoirs publics
La liberté du commerce et de l'industrie comporte celui de la libre entreprendre et celui de la libre concurrence .Selon l'analyse jurisprudentielle du CE la liberté du commerce et de l'industrie est un Principe général du droit ( arrêt Daudignac , Assemblée 22 juin 1951) , et une liberté publique (arrêt Sieur Laboulaye , 28 octobre 1960) . Dans l’arrêt Daudignac, le CE vise « la Liberté du Commerce et de l'Industrie garantie par loi » et il admet que le législateur porte atteinte à cette liberté.
Si le principe de la LCI a été reconnu par la jurisprudence, il se heurte néanmoins à l’interventionnisme des pouvoirs publics, il s’agit d’une part des réglementation à l’accès et à l’exercice de certaines activités et d’autre part de la concurrence émanant des personnes publiques qui entretiennent ou soutiennent des activités industrielles et commerciales.C'est de là qu'on tirera le principe et la liberté de la concurence .
La liberté du commerce n’est pas seulement la liberté d’accéder à la profession de son choix, mais aussi la liberté de l’exercer librement.
I/L'affirmation du principe de la liberté du commerce et de l'industrie malgré quelques atteintes :
1) la liberté du commerce et de l'industrie s'impose à l'administration :
On en trouve un exemple dans l'Arrêt Daudignac : Dans cet arrêt le maire est investi par une loi de 1884 d’un pouvoir de police spécial relatif à l’exercice dans la rue de la profession de photographe filmeur. Le but est de protéger le Droit à l’image des passants. En vertu de ce pouvoir, le maire se voit dans la possibilité de limiter l’exercice de cette profession dans le temps. En l’espèce, le maire va soumettre l’exercice de cette profession à autorisation ce qui excède son pouvoir de police spéciale. Mr Daudignac forme un recours contre cette réglementation qui avait pour principal fondement juridique l’art 97 de la loi du 5 avril 1884 (devenu L 2212-2 CGCT) d’après lequel le maire doit maintenir l’ordre dans la rue.
Le problème qui se pose est la question de concilier l'exercice d'une liberté , telle que la liberté du commerce et de l'industrie , avec l'obligation qui incombe à l'autorité publique de maintenir l'ordre . Le Conseil d'Etat suit l' interprétation selon la loi des 2-17 mars 1791 qui énonce le principe de la « Liberté du Commerce et de l'Industrie garantie par la loi ».
Dans d'autres arrêts tels que l'arrêt du 13 mai 1994 ou 26 juin 1959 Président de l'Assemblée territoriale de la Polynésie Française , ou syndicat général des ingénieurs conseils , la liberté du commerce et de l'industrie est définie comme un principe général du droit .
On la définit aussi comme une liberté publique CE 28 octobre 1960 Laboulaye , et CE ass 16 décembre 1988 : Association des pêcheurs aux filets et engins Garonne , Isle et Dordogne qui dispose que l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 dit que la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques . Dans les libertés publiques figure le libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale . Le gouvernement ne peut donc porter atteinte au libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité profesionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale .
On trouve une nouvelle fois un exemple dans la jurisprudence du conseil d'Etat en , dans l'arrêt CE, 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe (annulation d’un décret limitant l’accès à une profession antérieurement libre)
La liberté du commerce et de l'industrie est une liberté fondamentale , entrant dans le cadre du référé liberté comme le démontre une décision du conseil d'Etat de novembre 2001 , le CE fait de la liberté du commerce et de l'industrie une composante de la liberté d'entreprendre .
Puisque la liberté d'entreprendre à valeur constitutionnelle , la liberté du commerce et de l'industrie devrait avoir la même valeur , hors le CE affirme fréquemment que la liberté du commerce et de l'industrie s'exerce dans les limites des conditions posées par la loi .
Le Conseil d'Etat ne considère pas toujours la liberté du commerce et de l'industrie comme une liberté fondamentale : CE ordonnance 26 mars 2002 société Route logistique transports : demande de suspension d'un arrêté préfectoral qui retirait à une société des les licences communautaires de transport qu'elle détenait . Selon le conseil d'Etat lorsque le préfet fait usage , de son pouvoir de retirer des licence précédemment accordées , il ne peut être remarqué comme une atteinte à une liberté fondamentale , au sens de l'article concernant le référé liberté .
On peut interpréter différemment l'arrêt : soit la Liberté du Commerce et de l'Industrie est une liberté fondamentale mais il n’y aurait pas d’atteinte en l’espèce, soit : une liberté est effectivement mise en cause mais elle est tellement encadrée qu’elle ne peut plus être considérée comme une liberté fondamentale . On retient la deuxième solution , ainsi la liberté du commerce et de l'industrie ne serait une liberté fondamentale que dans certaines hypothèses . Il ne s’agirait pas d’une liberté fondamentale lorsqu’elle s’applique à une activité particulière et réglementée.
la Liberté du Commerce et de l'Industrie ne peut être invoquée comme liberté fondamentale pour des activités dont l’exercice est subordonné par la loi à l’octroi d’une autorisation.
Il appartient au seul législateur de déterminer les secteurs économiques où la Liberté du Commerce et de l'Industrie pourrait être nuisible et ceux dans lesquels son exercice doit être réglementé. Le CE refuse de reconnaître un tel pouvoir aux autorités administratives, sauf habilitation expresse. Par contre le CE s’incline devant les restrictions édictées par le législateur.
2) les restrictions apportées au principe :
Le principe de la Liberté du commerce et de l'industrie subit quelques atteintes, telles que par la simple réglementation. La réglementation peut fixer les conditions de déroulement d’une activité et d’éliminer ceux qui ne remplissent pas les conditions. Conditions de diplôme, d’inscription à un ordre professionnel etc .
Il en est de même pour les autorisations préalables , autorisations administratives d'exercer telle ou telle profession , les régimes d'agréement qui sont des contrôles spontanés puisque le particulier décide ou non de s'y soumettre ; les monopoles publics , activités interdites aux entreprises privées sauf si elles sont délégataires du monopole ou les interdictions , peu fréquentes , sont liées au droit pénal ( ex proxénétisme , trafic de stupéfiants ) .
Le principe de la liberté du commerce et de l’industrie subit donc de fortes limitations législatives, réglementaires et jurisprudentielles, qui peuvent faire douter de sa réelle portée.
II/Les limites portées au principe de la liberté du commerce et de l'industrie :
1) limites liées à la loi et le règlement :
La liberté d’entreprendre souffre de deux types de limitations, législatives et réglementaires . La liberté d’entreprendre a été reconnue par le Conseil Constitutionnel comme s’imposant au législateur. Elle a une valeur supérieure à celle de la loi et des restrictions arbitraires ou abusives ne peuvent lui être apportées par la loi.
Cette liberté ne peut exister qu’en application de la loi , la loi doit mettre en oeuvre la liberté d'entreprendre mais ne peut la remettre en cause . La mettre en oeuvre comme par exemple en soumettant l'accès à l'exercice des activités professionelles à des déclarations ou autorisations administratives .
Ainsi sont légaux les actes administratifs limitant la liberté du commerce et de l’industrie qui trouvent une base légale soit dans une loi " habilitant " l’autorité administrative à réglementer l’activité professionnelle considérée, soit même dans une disposition communautaire.
CE Sect, 23 octobre 1981, Ministre de l’économie c. Société Sagmar : « la liberté du commerce ne s’exerce que dans les limites fixées par la loi ». Le fait de soumettre l'accès à une activité à une autorisation administrative , fait il une violation du principe de liberté du commerce et de l'industrie ?
Le CE dans un arrêt du 29 juillet 1953 répond par la négative mais pas loin de 6 mois plus tard , admet qu'un tel régime est exclusif de toute liberté . Pour autant, même en présence d’une profession réglementée, le gouvernement ne peut pas soumettre l’accès à l’exercice de l’activité en cause à d’autres limitations que celles qui découlent des dispositions de la loi en cause
Un décret ne peut pas non plus modifier le champ d’application d’une loi. CE, 22 mars 1991, Association fédérale des nouveaux consommateurs et Société Tousalon .
Le juge estime que, quand des restrictions ont déjà été apportées par des lois dans un secteur économique donné, un règlement peut désormais introduire dans ce secteur des restrictions du même ordre . Ce principe est rapporté dans l'arrêt Laboulaye de 1960 ainsi que dans l'arrêt Société des pétroles Shell - Berre .
2) limites liées à l'intervention des services et autorités publiques :
La liberté d’entreprendre peut être soumise aux contraintes de l’ordre public.
En effet, la sécurité, la salubrité, la tranquillité ou la santé publique permettent aux autorités de police de réglementer l’exercice des professions dans la mesure où cette activité risque d’y porter atteinte.
l y à une possibilité poiyr les autorités de police de restreindre la liberté du commerce et de l'industrie sous conditions . Ex : CE, 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe mais le maire détient « le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux inconvénients qu’un mode d’exercice de la profession (...) peut présenter pour la circulation et l’Ordre Public .Un objectif d'intérêt général doit justifier la restriction . Un maire ne peut faire l'usage de ses pouvoirs de police que s'il justifie l'intérêt général
Les autorités doivent par ailleurs avoir un respect du principe de proportionnalité , En effet la jurisprudence Benjamin du 19 mai 1933 , dispose que les pouvoirs de police permettent d'encadrer l'exercice de cette liberté à condition de ne pas lui porter une atteinte disproportionnée
L’administration peut prendre des décisions limitant l’accès au domaine public. Les autorités propriétaires et gestionnaires du domaine public peuvent restreindre la liberté des personnes qui y exercent leur profession tant pour des raisons de conservation du domaine que du souci d’assurer la meilleure utilisation économique du domaine : CE 29/01/1932, Ste des autobus Antibois .
Le principe de la liberté de la concurrence est entravé par l'interventionnisme public,la jurisprudence administrative admet dans certains cas la création de services publics concurrençant les activités privées, mais en règle générale les personnes publiques ne peuvent agir qu’en cas de carence ou de défaillance de l’initiative privée.
L’arrêt de principe du Conseil d ’Etat du 30 mai 1930, chambre syndicale du commerce en détails de Nevers, pose les conditions de légalité des créations de services publics pour exercer des professions libérales ou des activités industrielles ou commerciales.
Tout en rappelant que "les entreprises ayant un caractère commercial restent, en règle générale, réservées à l’initiative privée ", le Conseil d’Etat accepte que les communes puissent créer des services publics lorsque "en raison de circonstances particulières de temps et de lieu ", "un intérêt public " justifie leur intervention.
Le Conseil d ‘Etat reste attaché au principe de la liberté du commerce et de l’industrie (Conseil d 'Etat, 16 décembre 1988, association des pêcheurs aux filets et engins ), et a précisé que les interventions publiques en ce domaine devaient rester exceptionnelles (arrêt du 04 juillet 1984 département de la Meuse )
En marge du domaine d’application de la jurisprudence de 1930,la création du service public sera considérée comme légale, alors même que l’initiative privée suffit aux besoins à satisfaire et sans qu’il y ait à rechercher ensuite ce qu’il en est.
Le Ce considère que « les entreprise ayant un caractère industriel et commercial restent en règle générale, réservées à l’initiative privée et que les conseils municipaux ne peuvent ériger des entreprises de cette nature en sp communaux que si en raison de circonstances particulières de temps et de lieu ,un intérêt public justifie leur intervention en cette matière. »
Loi du 2 mars 1982 relative aux droits et liberté des communes, départements et régions qui instaure la décentralisation en France, dispose en son article 48 que "sous réserve du respect du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, du principe d’égalité ; le département peut intervenir en matière économique et sociale ".
D' une façon générale le droit de la concurrence a tendance à s’imposer de plus en plus aux autorités publiques, comme en témoigne la récente jurisprudence du Conseil d ’Etat qui rend applicable l’ordonnance de 86 sur les prix et la concurrence applicable aux activités de production, de distribution et de services des personnes publiques.
Les collectivités locales ne peuvent créer des services publics que pour autant qu’elles ne portent pas atteinte au principe de la Liberté du Commerce et de l'Industrie et qu’elles ne font pas concurrence à l’initiative privée.
Ainsi la création de services publiques à caractère économique est en principe subordonnée à l’existence de circonstances exceptionnelles.
Telles que l'insuffisance d'initiative privée ou l'exploitation du service telles qu'elles n'engendrent pas de concurrence pour les entreprises privées . Le CE admet la légalité de la création d’1 service public des lors que celui-ci relève des missions incombant « naturellement » aux personnes publiques
La création est également admise lorsque le service à rendre au public suppose l’utilisation du domaine public
Les besoins de la population sont entendus de plus en plus largement et il se montre peu exigeant pour admettre l’absence ou la défaillance de l’initiative privée.
On retrouve quelques exemples tels que la :
-légalité de la création d’1 théâtre municipal faisant prévaloir les intérêts artistiques sur les intérêts commerciaux de l’exploitation :CE 1944 Leoni
-La création par une commune d’un cabinet dentaire municipal ouvert à l’ensemble de la population locale a été jugée légale en appel, alors que le tribunal administratif l’avait annulée au motif que l’insuffisance d’initiative privée n’était constituée que pour que pour les catégories modestes de la population
Comme on vient de le voir jusqu'à présent le CE a cru pouvoir tirer la conclusion que la LCI imposait un devoir d’abstention aux collectivités publiques car leur poids spécifique du fait notamment de leur privilège régaliens risquerait de fausser le libre jeu de la concurrence
Au niveau du droit communautaire
On admet en droit français que l’accès des opérateurs publics au marche puisse être tout a la fois limité et privilégié , il est limité car privilégié .
Tandis que l’accès des opérateurs publics au marche, en droit communautaire, ne connaît aucune limitation de principe.
C’est ainsi qu’il a été précisé que « les Etats membres ont le droit de nationaliser certaines de leur entreprises et même des pans entiers de leur économie sans que la communauté n’ait jamais à intervenir dans ces décisions ni à en remettre en cause le principe.
Le décret d’Allarde accorde de manière incontestable la liberté commerciale mais il ne la réserve pas aux individus et l’on pourrait conclure de sa généralité qu’il profite aux personnes morales aussi bien qu’aux autres physiques .