I. L'ancrage juridique du droit à la santé au Maroc
A. Le cadre international
Le Maroc est signataire de plusieurs instruments internationaux consacrant le droit à la santé, notamment :
- Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) de 1966, ratifié par le Maroc en 1979, dont l'article 12 reconnaît "le droit de toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible".
- La Constitution de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1948, qui affirme que "la possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain".
- La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) et la Convention relative aux droits de l'enfant (CDE), qui imposent aux États parties des obligations spécifiques en matière de santé des femmes et des enfants.
B. La reconnaissance constitutionnelle du droit à la santé
La Constitution marocaine de 2011 marque une évolution majeure en consacrant explicitement le droit à la santé. Son article 31 stipule que "l'État, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens disponibles pour faciliter l'égal accès des citoyennes et citoyens aux conditions permettant leur jouissance des droits [...] à la protection de la santé".
En outre, l'article 34 impose à l'État de développer des politiques publiques en faveur des personnes en situation de vulnérabilité, notamment les personnes handicapées et les groupes marginalisés.
C. La législation nationale en matière de santé
Plusieurs lois et règlements organisent le système de santé au Maroc :
- La loi 65-00 portant code de la couverture médicale de base, qui instaure l'Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et le Régime d'Assistance Médicale (RAMED).
- La loi 131-13 relative à l'exercice de la médecine, qui réglemente la profession et les conditions d'exercice des soins médicaux.
- La loi 98-15 sur l'AMO des travailleurs non-salariés, visant à étendre la couverture sanitaire aux travailleurs indépendants et aux professions libérales.
II. Les obstacles à l'effectivité du droit à la santé
A. Les inégalités d'accès aux soins
Malgré les avancées réglementaires, l'accès aux soins reste inégal :
- Une pénurie de personnel médical, avec un ratio de 7,3 médecins pour 10 000 habitants (OMS, 2021), bien en dessous des standards recommandés.
- Un manque d'infrastructures sanitaires, notamment en milieu rural, où de nombreux dispensaires sont sous-équipés ou inaccessibles.
- Une inégalité des ressources financières, les soins spécialisés étant coûteux et non couverts de manière satisfaisante par l'AMO.
B. Le défi du financement du système de santé
Le financement du secteur reste limité, avec une dépense de santé publique représentant 6% du PIB en 2021, un taux inférieur à la moyenne recommandée par l'OMS (10%). De plus, la contribution des ménages au financement des soins reste élevée, avec plus de 50% des dépenses de santé supportées directement par les patients.
C. La gouvernance et la régulation du secteur
Le système de santé marocain souffre d'une gouvernance fragmentée et d'un manque de coordination entre les différents acteurs (État, régions, secteur privé). La mise en œuvre des réformes est souvent freinée par la lourdeur administrative et le manque de ressources humaines qualifiées.
III. Perspectives et recommandations pour une meilleure effectivité du droit à la santé
A. Renforcer l'offre de soins et les infrastructures
- Augmenter les investissements dans la construction d'hôpitaux et la modernisation des centres de santé.
- Encourager l'installation des professionnels de santé en zones rurales à travers des incitations financières et des réformes du système de carrière.
B. Assurer un financement plus équitable du système de santé
- Augmenter la part du budget national consacré à la santé.
- Rendre effective la généralisation de l'AMO à toutes les catégories de population.
C. Améliorer la gouvernance et la transparence
- Renforcer les mécanismes de contrôle et de lutte contre la corruption dans le secteur.
- Assurer une meilleure coordination entre le secteur public et privé pour garantir un accès égal aux soins.
Conclusion
Le droit à la santé au Maroc, bien que reconnu juridiquement, demeure confronté à des défis majeurs en termes d'effectivité. Une approche globale impliquant réformes législatives, amélioration des infrastructures et renforcement du financement est essentielle pour garantir une santé accessible et de qualité à tous les citoyens marocains.