Mise en place de l’instance
«Lorsque les consultations prévues aux articles L. 4612-8, L. 4612-9, L. 4612-10 et L. 4612-13 portent sur un projet commun à plusieurs établissements, l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination de leurs CHSCT […] » (nouvel article L4616-1 du code du travail)
L’employeur a la possibilité (et non pas l’obligation, contrairement à ce que prévoyait l’ANI du 11 janvier 2013) de mettre en place une instance ad hoc lorsqu’il doit consulter les CHSCT de plusieurs établissements. Il s’agit donc de projets communs à plusieurs établissements tels que :
- une décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail
- l’introduction de nouvelles technologies susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail
- des mutations technologiques importantes et rapides nécessitant la mise en place d’un plan d’adaptation par l’employeur
- et toute question de la compétence du CHSCT dont il est saisi par l’employeur, les DP et le CE.
La jurisprudence de ces dernières années a été très extensive dans l’interprétation de ces dernières lignes, le champ des projets concernés est donc très large.
Composition et fonctionnement de l'instance de coordination
L'instance une fois créée est composée de :
- l'employeur ou son représentant
- 3 représentants de chaque CHSCT (seulement 2 s’il y a 7 à 15 CHSCT concernés par le projet et seulement 1 au-delà de 15 CHSCT). Ils sont désignés par la délégation du personnel pour toute la durée de leur mandat (car l’instance temporaire peut être reconstituée en cas de nouveau projet multi-établissements)
- médecin du travail, inspecteur du travail, agent des services de prévention de l’organisme de sécurité sociale... (ceux territorialement compétents)
A noter que la présence d’un représentant syndical n’est pas prévue.
Le fonctionnement est semblable à celui d’un CHSCT classique : l’employeur préside, fixe l’ordre du jour avec le secrétaire... et les membres ont un crédit d’heures supérieur à leur crédit initial.
Il est important de bien noter que la consultation de cette instance ne se substitue pas à celle des CHSCT d’établissement.
Un accord d’entreprise peut prévoir des modalités particulières de composition de l’instance de coordination.
A instance de coordination unique, expertise unique
« [...] l’employeur peut mettre en place une instance temporaire de coordination de leurs CHSCT, qui a pour mission d’organiser le recours à une expertise unique par un expert agréé [...] »
Le projet de loi est clair, l’objet de cette instance est de mutualiser les expertises des CHSCT.
L’expert est désigné lors de la première réunion. Le délai de l’expertise est le même que pour l’expert-comptable du CE (45 jours maximum). Ce court délai fait l’objet de critiques étant donné la complexité d’une expertise CHSCT.
Une fois l’expertise réalisée (aux frais de l’employeur), l’expert remet son rapport à l’instance de coordination. Elle peut alors rendre un avis dans un délai fixe (qui sera fixé par un décret en Conseil d’État) ou à défaut elle sera réputée avoir été consultée une fois le délai passé. Le rapport de l’expert et l’avis du CHSCT de coordination (s’il en a rendu un) sont transmis par l’employeur aux CHSCT concernés par le projet, qui rendent à leur tour un avis (car l’obligation de les consulter subsiste).
Le projet de loi prévoit la même logique que celle nouvellement appliquée à la consultation du CE (voir le projet de loi), avec des délais à l’issue desquels les instances représentatives du personnel sont réputées consultées. L’instance de coordination ne pourra donc pas user de la pratique qui consiste à reporter la restitution de l’avis (et parfois même à ne pas rendre d’avis du tout), dans l’optique de bloquer l’employeur dans le déploiement de son projet.
Un accord d’entreprise peut prévoir des modalités particulières de fonctionnement de l’instance de coordination, l’employeur peut donc négocier un délai maximum spécifique dans lequel le CHSCT devra rendre un avis, mais nul doute qu’il se verra demander par la même occasion un délai minimum. Cet accord d'entreprise pourra aussi prévoir que l'avis rendu par l'instance de coordination se substituera aux consultations des CHSCT concernés par le projet.
Attention à ne pas confondre le CHSCT de coordination avec les « CHSCT centraux », créés à l’image du comité central d’entreprise. Ils sont parfois appelés CHSCT centraux de coordination car, dans les entreprises de plus de 500 salariés, le code du travail prévoit que « des mesures de coordination de l’activité des différents CHSCT peuvent être envisagées » (article L4613-4 du code du travail). Si ces CHSCT centraux ne sont pas prévus en tant que tels par le code du travail, cela ne les empêche pas pour autant de pouvoir eux aussi recourir à la désignation d’un expert (Cass. Soc. 14 décembre 2011 n°10-20378 : lorsqu’un CHSCT central se voit confier les mêmes missions et prérogatives que les CHSCT légalement institués, il peut recourir à la désignation d’un expert).
Instance de coordination et PSE (article 18)
Le projet de loi contient un volet important sur les Plans de Sauvegarde de l’Emploi, dont le régime est modifié en profondeur. Et une place est prévue pour l’instance de coordination.
L’autorité administrative, qui retrouve son pouvoir de valider/invalider des PSE, s’assurera de la régularité de l’information/consultation de l’instance de coordination si cette dernière est constituée.
Si un expert est saisi dans ce cadre au niveau de l’instance de coordination, ce dernier aura 21 jours pour demander les informations dont il a besoin à l'employeur, celui-ci lui répondra dans les 15 jours.
L'expert doit remettre son rapport au moins 15 jours avant la fin du délai dont dispose le CE pour remette son avis (article L1233-30).
A défaut d’avis rendu à l’expiration du délai, l’instance de coordination sera réputée avoir été consultée.
Si ces nouveaux délais sont raccourcis (ce qui appelle déjà des critiques), ils permettent en théorie l’articulation des informations et consultations du CE et du CHSCT. En pratique cela semble moins évident, mais l’esprit du législateur (et surtout celui des partenaires sociaux lors des négociations initiales) est avant tout de simplifier et fluidifier les procédures. Et cela impacte nécessairement les conditions dans lesquelles le CHSCT pourra rendre son avis.
Pierre Monclos