Les réseaux sociaux étant utilisés de manière régulière par bon nombre de Français, ces outils, et notamment Facebook, sont le lieu d'exercice de la liberté d'expression des salariés. Cependant, lorsque ceux-ci y tiennent des propos déplacés sur leur employeur ou leur entreprise dans son ensemble, certains contentieux peuvent surgir.
Concrètement, quelle est la position de la jurisprudence sur cette question épineuse ? Ces écrits sont souvent produits de manière spontanée, sans que leurs auteurs ne puissent avoir réellement conscience de leur impact.
Concernant la liberté d'expression des salariés, l'article L.1121-1 du Code du travail dispose que : « sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression » et « qu'il ne peut être apportée à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ».
Qu'est-il entendu par abus de la liberté d'expression ? Il s'agit de propos diffamatoires, injurieux ou manifestement excessifs envers l'entreprise, l'employeur ou les collègues de travail.
A titre d'exemple, la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé, dans un arrêt du 27 mars 2013 que « des décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérrenité de l'entreprise », un « désordre interne, détournements, abus d'autorité, conséquences financières et sociales désastreuses » ne caractérisaient pas des propos injurieux, diffamatoires ou manifestement excessifs envers l'entreprise.
Ces écrits relèvent donc du constat général de la situation de l'entreprise, sans que la liberté d'expression du salarié qui en est à l'origine ne puisse être restreinte.
Par ailleurs, le 10 avril 2013, la Première Chambre civile de la Cour de cassation s'est prononcée sur la teneur des propos d'une salariée envers sa supérieure hiérarchique, tenus sur différents réseaux sociaux : « D. devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne » ; « extermination des directrices chieuses » ; « éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourissent la vie » ; « Z. plus que motivée à ne pas me laisser faire. Y'en a marre des connes ».
A la lecture de ces lignes, ces propos sont manifestement excessifs et injurieux. Ils sont donc censés revêtir le caractère « d'injures publiques », à tout le moins, « d'injures ».
Cependant, la Cour de cassation va rejeter les demandes de mesures d'interdiction de publicité et de dommages et intérêts formulés ensemble par la société employeur et la gérante, au motif que les comptes sur lesquels étaient tenus les propos litigieux ne se trouvaient pas ouverts au public et que leurs destinataires, agrées par la salarié, formaient une communauté d'intérêts.
Toutefois, la Cour de cassation a censuré l'arrêt de la Cour d'appel de Paris rendu le 9 mars 2011, qui omettait de qualifier ou non ces propos « d'injures non publiques ». Cette question devrait donc être de nouveau tranchée par la Cour d'appel de renvoi dans une nouvelle audience.
En définitive, les propos injurieux, diffamatoires ou manifestement excessifs tenus sur un réseau social, n'ouvrent pas droit à réparation pour les personnes s'estimant lésées, notamment au regard de la communauté au sein de laquelle ces propos sont lus. Il apparaît donc qu'une symétrie est opérée entre les réseaux sociaux et la vie réelle, à savoir qu'il serait difficile de sanctionner des injures proférées dans un salon devant dix personnes par rapport à ceux tenus derrière un pupitre en plein air...