Le Président Tokaïev est désormais en place pour un mandat unique, le Majilis – la chambre basse du parlement – voit ses pouvoirs renforcés et une nouvelle Cour Constitutionnelle – présidée par la juriste Elvira Azimova – a vu le jour.
Le 30 août prochain, Astana — la capitale du Kazakhstan — doit célébrer « la journée de la Constitution ». Une fête nationale dédiée aux institutions politiques que le pays bâtit depuis sa libération du joug soviétique, au début des années 1990. Et en une trentaine d’années, le texte constitutionnel kazakhstanais a connu de nombreuses évolutions, passant d’un régime présidentiel fort à un régime plus parlementaire.
En effet, en septembre 2022, 77 % du corps électoral kazakhstanais approuvait une suite de modifications constitutionnelles dont la plus symbolique fut la réduction des prérogatives présidentielles - notamment l’instauration d’un mandat unique - et une montée en puissance du Parlement, coupé à une participation citoyenne plus prononcée dans les processus décisionnels.
Concrètement, cela s’est traduit par l’élection directe des gouverneurs de districts par les citoyens, une facilitation de l’accès des partis politiques au Majilis — la chambre basse du parlement kazakhstanais — et l’introduction de candidatures dans des circonscriptions uninominales, une première pour le Kazakhstan. De surcroît, un mécanisme permettant de révoquer les parlementaires ayant perdu la confiance populaire a été instauré.
Une nouvelle Cour Constitutionnelle présidée par Elvira Azimova
Mais cette série de dispositifs institutionnels permettant une meilleure répartition des pouvoirs fut assortie d’une réforme plus politique destinée à renforcer les droits des citoyens. La suppression constitutionnelle de la peine de mort, la promotion de l’égalité de genre et la simplification des procédures d’enregistrement des partis politiques ont ainsi été enregistrées après avoir été approuvées par référendum.
Conformément à la demande de nombreuses ONG, la « loi sur l’Organisation et la tenue de rassemblements pacifiques » a aussi été modifiée : jusque là ambiguë, le texte juridique entretenait un flou entre les manifestations citoyennes et le trouble à l’ordre public. Un éclaircissement et une distinction nette ont ainsi été opérés, de nature, théoriquement, à mieux protéger les libertés publiques.
Enfin, une « Cour constitutionnelle » a été instituée le 1er janvier 2023. Un tournant dans l’histoire judiciaire et législative du pays, puisque la première mission de cette nouvelle institution sera d’assurer la primauté de la Constitution. Et selon les autorités kazakhstanaises, la nouvelle Cour constitutionnelle été saisi par un nombre croissant de citoyens, démontrant ainsi une confiance renouvelée envers les institutions judiciaires. En effet, désormais, tout citoyen peut saisir directement la Cour constitutionnelle pour faire entendre ses droits. Une nouveauté au Kazakhstan et une exception dans cette région du monde.
Et le choix du Président kazakhstanais Tokaïev pour la Présidence est très symbolique : la juriste Elvira Azimova a été nommée à la tête de cette nouvelle Cour Constitutionnelle. Spécialiste du droit international mais surtout ancienne commissaire aux droits de l’Homme dans son pays, elle aura la charge de la protection des libertés fondamentales au Kazakhstan. Une nomination comme un message fort.
Moins d’un an après son adoption, la réforme constitutionnelle kazakhstanaise est donc symptomatique de la démocratisation en cours dans le pays. Une démocratisation qui est aussi l’héritage historique de son lointain passé historique nomade, où durant des siècles, les grandes décisions entre les représentants des différentes tribus étaient prises lors de grandes consultations collectives — le « kurultai ». Un « retour aux sources » pour le Kazakhstan, qui construit progressivement un régime démocratique original et parlementaire, au cœur des steppes.