Conseil d’État, 31 janvier 2022, M. C., n°449496 (B)
4. Il résulte de l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme que l’autorité compétente ne peut légalement surseoir à statuer, sur le fondement de l’article L. 424-1 du même code, sur une demande de permis de construire présentée dans les cinq ans suivant une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement au motif que la réalisation du projet de construction serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme.
5. Par suite, après avoir relevé que le maire de Rillieux-la-Pape avait, le 12 avril 2018, pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que ce maire avait entaché sa décision d’illégalité en n’opposant pas, le 5 janvier 2019, soit moins de cinq ans après cette décision de non opposition, un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée sur une parcelle de du lotissement ainsi autorisé, au motif que le projet litigieux était de nature à compromettre l’exécution du futur plan local d’urbanisme et de l’habitat de la métropole de Lyon.
Le Conseil d’État a censuré le tribunal administratif qui avait considéré comme suit :
7. Il résulte par ailleurs de ces dispositions que l’article L. 442-14 du code de l’urbanisme ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que la demande de permis de construire déposée dans les cinq ans suivant l’achèvement d’un lotissement fasse l’objet du sursis à statuer prévu par l’article L. 424-1 du même code, sous réserve que soient remplies, à la date de la non-opposition à la déclaration préalable de division, les conditions énumérées à l’article L. 153-11 du code de l’urbanisme pour opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis de construire.
Une décision de non-opposition à déclaration préalable de division a été délivrée le 12 avril 2018.
Le débat relatif au projet d’aménagement et développement durable (PADD) avait eu lieu en deux fois les 24 juin 2013 et 11 mai 2015, soit bien avant la date d’achèvement des travaux de cette division qui se confond en l’espèce avec la date de la délivrance de la décision de non-opposition.
Les conditions étaient réunies pour permettre au maire de surseoir à statuer à l’encontre de la demande de permis de construire déposée le 5 novembre 2018, mais également à la date de l’octroi de la décision de division, le 12 avril 2018.
On sait désormais que la cristallisation qui découle d’un certificat d’urbanisme cristallise également la possibilité pour le maire d’opposer un sursis à statuer à l’encontre de la décision d’autorisation d’occupation des sols qui s’ensuit, sous réserve que les conditions de ce sursis à statuer fussent bien remplies à la date de cette cristallisation (Conseil d’État, 10 juillet 1987, n°63010 (A) ; Conseil d’État, 3 avril 2014, Commune de Langolen, n°362735 (B)) :
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le certificat d'urbanisme délivré sur le fondement du a) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat ; que, parmi ces règles, figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, l'une des conditions énumérées à l'article L. 111-7 du code l'urbanisme, d'opposer un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ; que si l'omission de la mention d'une telle possibilité dans le certificat d'urbanisme peut être, en vertu du cinquième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme et du sixième alinéa de l'article A. 410-4 du même code, de nature à constituer un motif d'illégalité de ce certificat, elle ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat d'urbanisme ;
Or, en matière de lotissement, peu importe si les conditions qui auraient permis d’opposer un sursis à statuer sont réunies ou non.
Le Conseil d’État nous dit que si nous sommes dans les cinq années qui suivent la déclaration attestant l’achèvement des travaux, ce qu’on a l’habitude d’appeler cristallisation au même titre que la cristallisation des certificats d’urbanisme, alors les seules règles applicables sont la date de cette DAACT.
Pour une mise en perspective, il est notable que la cour administrative d’appel de Nantes avait, comme le tribunal administratif de Lyon, considéré que si les conditions du sursis à statuer étaient réunies à la date d’autorisation du lotissement, alors le sursis à statuer était possible (Cour administrative d’appel de Nantes, 30 avril 2014, 12NT02773):
13. Considérant qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions que, si l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ne fait pas obstacle, par lui-même, à ce que la demande de permis de construire déposée dans les 5 ans suivant l'achèvement d'un lotissement fasse l'objet du sursis à statuer prévu par l'article L. 111-7 du même code, le prononcé de ce sursis ne peut être fondé, dans une telle hypothèse, sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreux l'équilibre d'un plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, dès lors que cette circonstance, postérieure à la date d'autorisation du lotissement, qui repose sur l'anticipation de l'effet que les règles futures du plan local d'urbanisme auront sur l'autorisation demandée, ou celle-ci sur leur mise en oeuvre, ne pourrait motiver un refus ou l'édiction de prescriptions spéciales portant sur le permis demandé sans méconnaître les dispositions de l'article L. 442-14 ;
La solution retenue par le Conseil d’État est dans la tendance actuelle de sauvegarde de la sécurité juridique pour les porteurs de projet.
On peut s’interroger sur ce que le maire aurait dû faire.
En effet, à la date à laquelle la déclaration préalable de division est déposée, elle est permise par le document d’urbanisme en vigueur.
Aurait-il pu opposer un sursis à statuer contre cette décision de déclaration préalable?
La division, en elle-même, s’agissant d’une déclaration préalable qui coupe un terrain en deux, ne compromet pas ou ne rend pas plus onéreuse l’exécution du plan local d’urbanisme en cours d’élaboration.
En revanche, elle détache au moins un lot, et en opérant un raisonnement analogue à celui de l’arrêt Commune de Pia (Conseil d’État, 26 février 2016, Commune de Pia, n°383079) , il serait possible d’imaginer un sursis à statuer à l’encontre de cette autorisation de lotir.
Pour rappel, Commune de Pia admet l’annulation d’un permis d’aménager s’il apparaît, en cours d’instruction, qu’au regard des règles d’urbanisme applicables, les lots ne pourront pas être bâtis.
Ainsi, il s’agirait ici de soutenir que bâtir sur ces lots compromettrait ou rendrait plus onéreuse l’exécution du document d’urbanisme en cours d’élaboration.
Si une telle démarche n’est pas possible, la division devient alors un excellent moyen de sauvegarder des droits à construire à l’approche de l’adoption d’un nouveau document d’urbanisme.
Les documents d’urbanisme en cours de remplacement sont généralement généreux dans leur définition des zones U ou AU et les communes et EPCI entreprennent les démarches pour réduire ces espaces constructibles.
La division d’un terrain situé en bordure de l’urbanisation d’une commune peut permettre de conserver ainsi des définitions passées assez généreuses et permettre de s’accorder un délai de cinq pour déposer un permis de construire.
Or, un tel outil n’est pas tellement dans l’air du temps de la loi Climat et de la ZAN qu’elle met en place (zéro artificialisation nette). Il faudra probablement lire les conclusions du rapporteur public pour y voir plus clair sur ce point.