Le Mercredi 27 novembre 2013, le Sénat a rejeté la première partie du projet de loi de finances pour 2014.
Ce projet prévoyait notamment à l’article 60 que :
« Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés
I. - 1° Il est institué un fonds de soutien de 100 millions d’euros par an pendant une durée maximale de 15 ans destiné aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux services départementaux d’incendie et de secours ainsi qu’aux départements et collectivités d’outre-mer ayant souscrit avant l’entrée en vigueur de la présente loi des emprunts structurés et des instruments financiers relevant de catégories définies par décret en Conseil d’État.
Le fonds a pour objet le versement aux collectivités et aux établissements mentionnés à l’alinéa précédent d’une aide pour le remboursement anticipé de ces produits.
Le bénéfice de l’aide au titre d’un ou plusieurs emprunts structurés et instruments financiers souscrits auprès d’un même établissement de crédit est subordonné à la conclusion préalable avec cet établissement d’une transaction au sens de l’article 2044 du code civil portant sur l’ensemble des emprunts structurés et instruments financiers éligibles au fonds.
II. - Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les contrats de prêt et les avenants à ces contrats conclus antérieurement à la publication de la présente loi entre un établissement de crédit et une personne morale, en tant que la validité de la stipulation d’intérêts serait contestée par le moyen tiré du défaut de mention du taux effectif global prescrite par l’article L. 313-2 du code de la consommation, dès lors que ces contrats et avenants indiquent de façon conjointe :
1° le montant ou le mode de détermination des échéances de remboursement du prêt en principal et intérêts ;
2° la périodicité de ces échéances ;
3° le nombre de ces échéances ou la durée du prêt.
En outre est prévu que :
III. - 1° Après l’article L. 313-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 313-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-2-1. - Lorsqu’un contrat de prêt conclu entre un établissement de crédit et une personne morale mentionne un taux effectif global inférieur au taux effectif global déterminé comme il est dit à l’article L. 313-1, l’intérêt conventionnel reste dû par l’emprunteur mais celui-ci a droit au versement par le prêteur de la différence entre ces deux taux appliquée au capital restant dû à chaque échéance. » ;…
Enfin, au regard des contentieux évoqués supra en matière de TEG, le III du présent article vise à combler un vide juridique en instituant, dans le code de la consommation, une sanction civile pour les erreurs de calcul de TEG commises par les établissements de crédit. En l’absence de disposition législative en la matière, le juge applique une jurisprudence consistant à sanctionner de telles erreurs par la substitution du taux d’intérêt légal au taux conventionnel. Au vu du niveau particulièrement faible du taux d’intérêt légal (0,04 % en 2013), cette sanction qui pèse sur les banques apparaît manifestement disproportionnée par rapport au préjudice effectivement subi par l’emprunteur.
Le paragraphe III a donc pour objet de compléter le code de la consommation par une disposition indiquant qu’en cas d’erreur dans le calcul du taux effectif global, le taux conventionnel est maintenu mais qu’il est dû à l’emprunteur personne morale le paiement par le prêteur de la différence entre le TEG résultant de l’application correcte de la formule et le TEG mentionné dans le contrat, appliquée au capital restant dû à chaque échéance. Cette mesure constituera ainsi une incitation, pour les prêteurs, à ne pas commettre d’erreur dans le calcul du TEG….".
La conséquence de cette décision du Sénat est le rejet pur et simple de l’ensemble du texte, et donc également de l’impossibilité d’en examiner la seconde partie.
Toutefois, la commission mixte paritaire va se réunir, le 5 décembre prochain, afin d’élaborer un texte commun.
Le dispositif de l’article 60, relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés sera donc réexaminé, avec l’ensemble du texte.
Ainsi, à l’occasion de la loi de finances le gouvernement introduit une réforme importante du droit bancaire.
- Les lourds dégâts causés aux collectivités publiques, notamment territoriales, par les emprunts structurés illicites au regard de la loi encore en vigueur (défaut de mention du taux effectif global prescrite par l’article L. 313-2 du Code de la consommation), font depuis des mois la « une « des journaux.
Par un récent jugement[1], le TGI de Nanterre a substitué le taux légal au taux d’intérêt conventionnel au motif que les faxes de confirmation ne comportaient pas la mention, obligatoire du TEG.
La banque ayant fait appel, ce litige est toujours en cours.
Les conséquences de la jurisprudence ainsi créée sont telles que les banques, et BERCY s’en sont émus, à tel point que le législateur vient d’être appelé à la rescousse pour tenter d’anéantir les effets de cette jurisprudence, qui a eu le « tort » d’appliquer la Loi.
Dorénavant, si ce texte est voté en l’état, ces violations du code de la consommation ne seront plus sanctionnées par les Tribunaux.
De ce fait, le législateur est invité à voter une loi rétroactive, comme cela a été le cas à partir de 1996, dans notamment l’affaire dite « des tableaux d'amortissement des prêts immobiliers », où la CEDH, dans un arrêt du 14 février 2006, Lecarpentier c/ France, condamne cette rétroactivité (La Semaine Juridique Edition Générale - 18 Octobre 2006 - n° 42).
Il faut rappeler, en effet, qu’à l’époque, les banques s’abstenaient massivement d’inclure dans leurs offres de prêts les tableaux d’amortissement, contrairement à ce que prévoyait la loi.
Condamnée par les juridictions du fond, cette pratique avait été de manière surprenante, validée dans un premier temps par la Cour de cassation, puis dans un second temps par une loi rétroactive, la France avançant alors à l’époque le risque de « déstabilisation du système bancaire français».
La CEDH, saisie à deux reprises par des plaideurs, et notamment dans un arrêt du 12 juin 2007 Ducret c/ France (Revue Contrat Concurrence Consommation n°11 – novembre 2007 – comm. 288) a condamné la France du fait de ces pratiques.
Selon la Cour Européenne, la survie des banques et l'équilibre général de l'économie ne sont pas mises en danger par le remboursement de sommes préalablement perçues par les banques ( Jurisclasseur Banque - Fasc. 721 Crédit immobilier n°73 – 2011).
Sur le terrain du TEG, sept ans plus tard, la France récidive.
Désormais, la violation du Code de la consommation ne sera plus sanctionnée, et ce grâce au nouvel article 60 rétroactif du projet de loi de finance pour 2014.
Les victimes de ce viol légal seront alors indemnisées par un fonds de lutte contre les « risques bancaires systémiques ».
Ce fonds est, en réalité, doublement alimenté par les victimes, qui sont tout à la fois clientes des banques et contribuables.
Ainsi le contribuable français se « protégera » à ses propres frais, contre les futurs risques « systémiques » bancaires qui lui sont annoncés, sans qu’il soit pour autant prévu d’en poursuivre les auteurs.
Alors que des centaines de procès analogues à celui de Nanterre sont pendant devant plusieurs juridictions, Le texte nouveau présente les caractéristiques d’une loi de validation rétroactive en ce qu’il tend à valider une pratique bancaire illégale (pas de notification du TEG contrairement à l’art 313.2 du code de la consommation).
La loi nouvelle est bien rétroactive puisque « …sont validés les contrats de prêt et les avenants à ces contrats conclus antérieurement à la publication de la présente loi… « par exception à l’art 2 du code civil, qui prévoit que « La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ».
Il appartiendra le cas échéant au Conseil constitutionnel de s’assurer que cette rétroactivité trouve sa justification dans un intérêt général supérieur à celui des collectivités territoriales sacrifiées pour cause de risque systémique.
Il appartiendra aussi à celles-ci, fortes de la jurisprudence forgée par les arrêts des 14.2.2006 et du 12.6.2007, de saisir éventuellement la CEDH sur le fondement de son art 6, en invoquant, pour les instances en cours, l’absence de procès équitable.
2. Mais cette réforme ne s’arrête pas là.
En effet, dans cette logique « cohérente » de ce texte, le législateur est prié d’aller plus loin.
Ainsi, dans un souci de mettre un terme aux dérives des banques en matière de présentation erronée, ou fausse du TEG, le législateur se préoccupe des sanctions à appliquer en la matière.
On remarque immédiatement que ces sanctions sont élaborées dans un sens favorable aux banques.
En effet, il est prévu de substituer, dans certains cas, à la sanction classique du remplacement du taux d’intérêt légal à celui du contrat, une sanction plus douce pour les manquements en matière de TEG, puisque le nouveau texte prévoit : « un paiement par le prêteur de la différence entre le TEG résultant de l’application correcte de la formule et le TEG mentionné dans le contrat. ».
En d’autres termes, les banques seront incitées à systématiquement se tromper en leur faveur, et « au pire », elles paieront ce qui était du.
Mais pour cela il sera nécessaire au préalable que les victimes forment une réclamation, et probablement faute de réponse, se trouvent dans la nécessité d’introduire un contentieux.
Le nouveau texte donne ainsi un fondement légal à l’adage « pas vu pas pris ».
A noter que ce texte n’est pas applicable aux personnes physiques.
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[1] Département de la seine saint denis / DEXIA 8.2.2013