Si l'opinion publique pense que la contrefaçon de marchandises concerne essentiellement les produits de luxe, ce préjugé est faux. En effet, les contrefacteurs se sont diversifiés et reproduisent tout, notamment les pièces détachées d'avions et d'automobiles.
1. La contrefaçon de pièces détachées d'avions
En juillet 2000 a lieu la catastrophe du Concorde d'Air France qui s'écrase à Gonesse peu de temps après son décollage.
L'avion de la Continental Airlines qui l'a précédé sur la piste de décollage a perdu une lamelle qui s'est avérée être une pièce de contrefaçon1. Lorsque le Concorde roule dessus, son pneu éclate et des particules de pneu déchiré sont propulsées sur le réservoir plein. Si celui-ci n'est pas perforé, il est néanmoins déformé puis explose2.
La compagnie américaine Continental Airlines, qui a fusionné en 2012 avec United Airlines, était la sixième compagnie aérienne mondiale3. Nous sommes donc loin d'une compagnie low cost ou d'une compagnie du quart-monde exploitant des avions hors d'usage.
Aux USA, une étude américaine estime à 10% le nombre d'avions utilisant des pièces contrefaites4.
Ceci s'explique très simplement en réalité. Un avion a une durée de vie de 30 ans en moyenne et une grande partie de ses pièces est amenée à être changée. Un Boeing 747 compte environ six millions de pièces et le budget de maintenance d'une compagnie aérienne représente environ 12% de son budget global5.
Ainsi, Safran Aircraft Engines (anciennement SNECMA), société de référence en France dans la construction de moteurs pour l'industrie aéronautique, réalise un chiffre d'affaires pour le commerce de pièces détachées supérieur à son chiffre d'affaires pour la vente de moteur complet6.
Outre le coût que représente la maintenance d'un avion et la guerre des prix que se livre les compagnies, le principal problème vient de la traçabilité des pièces détachées. En effet, malgré la sensibilité de leurs activités, de multiples intermédiaires et grossistes peu ou pas contrôlés fournissent les compagnies aériennes en pièces détachées.
2. La contrefaçon de pièces automobiles
Environ 10% du marché mondial des pièces détachées serait capté par la contrefaçon7.
Les pièces contrefaites concernent à la fois les parties visibles de l'automobile (ailes, capots, phares, pare-brise...), mais également les composants mécaniques (arbres de transmission, pistons, antivols de direction...), ainsi que les consommables (filtres à air et à huile, pneus...).
Contrairement à ce que pensent beaucoup, les risques encourus par les utilisateurs de contrefaçon sont réels.
Prenons l'exemple d'un capot de contrefaçon. Si un capot contrefait peut avoir une apparence quasi identique à celui d'un original au risque de tromper un garagiste averti ou le fabricant lui même, la contrefaçon n'a pas été soumise aux crash tests obligatoires.
Aussi, lorsqu'un capot homologué se plie pour amortir un choc, un capot contrefait peut se détacher et agir en véritable guillotine8, les points de soudure fixant les verrous de fermeture n 'étant pas assez solides. Plusieurs morts dans de telles conditions sont à dénombrer, en particulier aux Etats-Unis.
3. La contrefaçon de vins et spiritueux
Selon, l'Office pour l'harmonisation du marché intérieur OHMI9, au sein de l'Union Européenne, la contrefaçon dans le secteur représente 1,3 milliards d'euros de perdu en vente directe sur le secteur soit 3,35 % du marché, et 3 milliards en vente indirecte.
Ce sont 4 815 emplois en vente directes perdus et 23 295 si nous prenons en compte les ventes indirectes. Enfin, cela représente une perte de 1,2 milliards de perte de recette fiscale.
En France, c'est 136 millions d'euros de pertes en valeur absolue soit 3,75 % de son marché.
Selon l'OMS, 40 000 morts russes étaient dues à de l'alcool frelaté en 200710. Les alcools les plus contrefaits sont la vodka, le whisky et le Cognac.
La demande de Cognac est telle dans le monde que les producteurs ne peuvent assurer la production des volumes nécessaires, donc les prix s'envolent et favorisent la production de contrefaçon.
Le Cognac est une AOC - appellation d'origine contrôlée - comme l'est le Scottish Whisky par exemple. Il est souvent contrefait à partir de brandy arménien dont les viticulteurs français ont favorisé le développement en son temps. Au milieu des années 2000, des contrefacteurs russes rachetaient des vignes de Charente pour vendre du faux pour du vrai.
Dans le cas d'alcool, les droits de propriété intellectuelle atteints sont multiples : la marque, l'indication géographique et parfois un dessin ou modèle (en fonction de la forme de la bouteille). Les fabricants attaquent le plus souvent sur l'usurpation de l'indication géographique.
Au-delà de la contrefaçon de cigarettes ou de parfums, les contrefacteurs conquièrent de nouveaux marchés et il important de s'adapter à ces nouvelles attaques.
Antoine SENEX - SENEX Détective privé
Cabinet d'investigations spécialisé dans la lutte anti-contrefaçon
1 Pierre DELVAL et Guy ZILBERSTEIN, La contrefaçon : un crime organisé, J.-C. Gawsewitch, 2008, pp. 39 à 41
2 Rapport du BEA n°f-sc000725 sur l'accident du 25 juillet 2000
3 Source Skyteam
4 Pierre DELVAL et Guy ZILBERSTEIN, La contrefaçon : un crime organisé, J.-C. Gawsewitch, 2008, pp. 40 et 43
5 Ibid, p. 41