Le principe de l’imposition découle de l’article 8 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Parallèlement le principe de séparation des autorités judiciaires et administratives n’a pas été reconnu comme un principe ayant valeur constitutionnelle, mais il a valeur de principe fondamental reconnu par les lois de la république (Conseil constitutionnel, décision du 23 janvier 1987) selon la conception de la séparation des pouvoirs. Sous ces auspices fondamentaux se pose donc la question de savoir comment va s’articuler la répartition des compétences juridictionnelles en matière fiscale, entre un juge judiciaire gardien de la propriété individuelle, et un juge administratif auquel ressortit généralement la compétence pour apprécier les actes issus des prérogatives de puissance publique.
Une analyse statistique démontre que sans conteste la majorité des litiges en matière d’imposition vont relever du juge administratif ( sur quelques 30000 actions introduites en 1997, 9/10 l’ont été devant le juge administratif), les autres contentieux étant sinon épisodique, du moins subsidiaire. Cette compétence des juridictions, outre qu’elle découle de l’article 34 de la constitution, va pour l’essentiel résulter de la loi, mais comme nous le verrons, pour des raisons topiques, la jurisprudence a également un rôle à jouer afin de réaliser le départ entre le juge judiciaire et le juge administratif, tout particulièrement en matière d’assiette de l’impôt.
Par ailleurs, il faut mentionner que le système distributif des compétences a été quelque peu rationalisé par l’avènement du livre des procédures fiscales en 1982, qui a réalisé une synthèse de textes épars répartis au sein du Code Général des impôts. C’est ainsi que le contentieux stricto sensu va relever de l’article L 199 du LPF, celui du recouvrement tenant pour l’essentiel aux dispositions de l’article L 281 du LPF. Mais s’il est vrai que le système d’attribution de compétences juridictionnelles se trouve régularisé d’une manière générale, les dispositions spécifiques qui ont trait à la nature des impôts, à l’évolution et au renouvellement de ces impôts vont perturber ce schémas directeur.
On rappelle que chronologiquement le prélèvement fiscal va s’opérer en deux phases successives.
Il va d’abord s’agir pour l’administration de procéder à l’établissement de l’impôt, opération qui va se clore par l’émission d’un titre exécutoire qui sera un avis d’imposition s’il s’agit d’un impôt direct, ou bien un avis de mise en recouvrement en matière d’impôts indirects. Le contentieux lié à cette phase va être celui de l’assiette ce qui correspond à la définition du contentieux fiscal au sens strict.
Mais le terme fiscal désigne un concept à contenu variable, qui ne coïncide pas toujours avec celui d’impôt, c’est notamment pour cette raison que l’on va rattacher au contentieux fiscal la seconde phase du prélèvement fiscal, c'est-à-dire celle du recouvrement, qui s’il s’opère de manière amiable ne nécessite pas l’intervention d’un nouvel acte juridique.
Du point de vue procédural, il est requis une réclamation préalable devant l’administration pour ces deux types de contentieux. Pour celui de l’assiette, et devant le juge administratif, le tribunal administratif doit être saisi dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet( ou dans les 6 mois de la réclamation présentée au directeur en cas d’absence de notification) de la part du directeur. Les mêmes délais sont applicables devant le juge judiciaire. En ce qui concerne le contentieux du recouvrement, le requérant doit présenter opposition dans les deux mois de la notification de l’acte (pour ce qui a trait à la contestation de l’acte en la forme), ou du premier acte qui permet d’invoquer le motif de la contestation (pour les contestations visant l’obligation de payer, le montant de la dette, son exigibilité, ou pour un autre motif n’ayant trait à la forme de l’acte) ; cette opposition fait office de réclamation préalable. A défaut de réponse de la part de l’administration dans un délai de deux mois, ou si la réponse ne lui donne pas satisfaction, le contribuable peut saisir le tribunal compétent dans un délai de deux mois.
Comment se présente la répartition des compétences juridictionnelles en matière fiscale, quels en sont les critères, ainsi que le domaine d’application ?
Voyons comment se présente la répartition des compétences juridictionnelles en matière de contentieux de l’assiette(I), et quelle est la situation en ce qui concerne celui du recouvrement(II)
I) La détermination des compétences juridictionnelles en matière d’assiette
La répartition des compétences en matière d’assiette d’impôt obéit à des règles générales qui permettent de déterminer la compétence territoriale des juridictions (A) ; des tendances jurisprudentielles permettront alors d’affiner ces choix et, combinés aux textes, de déterminer plus spécifiquement quelle juridiction est matériellement compétente en fonction de la nature de l’impôt (B).
A) Les critères de répartition de compétence
Il résulte de l’article L 199 du livre des procédures fiscales que les tribunaux administratifs sont compétents en premier ressort pour connaître des requêtes fiscales ressortissant à la compétence de la juridiction administrative. Le LPF ne comportant aucune disposition relative à leur compétence territoriale, on se reporte à l’article R 46 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : le tribunal administratif territorialement compétent est alors celui du lieu où l’autorité qui a établit l’impôt a légalement son siège (CE, 3 mai 1989).
Ensuite l’article L 199 alinéa 2 du LPF dispose que les tribunaux de grande instance statuent en premier ressort matière de droits d’enregistrement, de taxes de publicité foncière, de droits de timbres, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions. Le tribunal de grande instance est celui dans le ressort duquel se trouve le bureau de l’administration chargée du recouvrement ( article R 202-1 du LPF ).
La répartition actuelle des compétences entre les deux juridictions est organisée par l’article L 199 du LPF. Elle résulte plus de considérations historiques que d’un principe général et lorsque la compétence juridictionnelle n’est pas précisée par la loi, il appartient au juge de la déterminer. On peut distinguer deux lignes jurisprudentielles lorsqu’il s’agit de déterminer quelle est la juridiction compétente pour connaître des litiges relatifs à un prélèvement donné. Une première fait prévaloir la référence aux règles d’assiette et de recouvrement et reconnaît aux droits d’enregistrement ou de timbre la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire ( CE 13/10/1986).
Mais, comme pour déterminer la nature d’un prélèvement, la jurisprudence dominante paraît ne pas s’arrêter à la référence que fait un texte aux règles d’assiette et de recouvrement concernant d’autres impôts pour déterminer la juridiction compétente. Ainsi, la circonstance qu’une taxe est recouvrée comme en matière de contributions indirectes ne permet pas elle-seule d’attribuer le contentieux de l’assiette au juge judiciaire ( CE section 24/02/1978). La juridiction compétente pour connaître d’une contestation devrait alors être déterminée d’après la nature du versement et non d’après son mode de recouvrement (TC 22/10/1979) et la recherche de la nature véritable du prélèvement serait donc le critère déterminant ( CE ass. 20/12/1985).
B) Les compétences des juridictions administratives et judiciaires en matière d’assiette
Aux termes du premier alinéa de l’article L 199 du LPF, en matière d’impôts directs et taxes sur le chiffre d’affaires ou taxes assimilées, les décisions rendues par l’administration et les réclamations contentieuses qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portés devant le tribunal administratif. Les contestations pour la fixation du montant des abonnements prévus par l’article 1700 du CGI pour les établissements soumis à l’impôt sur les spectacles peuvent être portées devant le tribunal administratif. C’est le cas aussi pour les impositions prévues par la législation de l’urbanisme, article 1723 sexies du CGI.
Le juge administratif pourra statuer en matière de recours pour excès de pouvoir contre un acte réglementaire ou contre d’autres actes en fonction de la théorie dite de « l’acte détachable ». Enfin, le juge administratif a également eu l’occasion de fixer directement sa compétence sur certains prélèvements.
Les impositions figurant à l’article L 199 du LPF fixe la compétence du TGI en matière de droits d’enregistrements, de taxes de publicités foncières, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions.
Cette compétence du juge judiciaire est liée à l’idée selon laquelle le juge judiciaire est le gardien de la propriété individuelle. Les droits de douanes, les redevances téléphoniques (assiette et recouvrement depuis une loi de 1990), les droits de place perçus dans les halles et marchés.
II) La détermination des compétences juridictionnelles en matière de recouvrement
Le contentieux de recouvrement est régi par les articles L 281 à L 283, et R 283 du LPF depuis le 01 janvier 1982. Ces dispositions ont regroupé celles des anciennes du CGI ( art. 1846 et 1910) avec un mérite de clarification, et dans le même temps ont permis de supprimer la distinction des oppositions à contrainte, qui étaient portées devant le juge administratif quand elles visaient un impôt direct ou une taxe sur le chiffre d’affaires, et des oppositions à poursuite, relevant du tribunal de grande instance, quelle que soit la nature de l’impôt.
Comment se réalise la mise en œuvre des compétences juridictionnelles en matière de recouvrement, et sur quels critères ?
L’article L 281 est à ce titre fondamental, en ce qu’il instaure une double distinction. La première est faite entre les litiges portant sur l’exigibilité ou l’obligation de payer une créance fiscale, et ceux relatifs aux voies d’exécution, qui portent donc sur la forme de l’acte. La seconde concerne la dualité entre le contentieux de l’assiette et celui du recouvrement, qui motive notre découpage.
Nous allons donc voir quelle est la répartition entre le juge administratif et le juge judiciaire.
A) Compétence de la juridiction administrative
Conformément à l’article L 199 du LPF le juge administratif est le juge de l’impôt quant aux impôts directs, aux taxes sur le chiffre d’affaires et taxes assimilées. En matière de recouvrement, et selon l’article L 281, le juge administratif sera compétent dans quatres séries d’hypothèses, que sont l’existence de l’obligation de payer, le montant de la dette, l’exigibilité des sommes réclamées, ou un autre motif ne mettant pas en cause l’assiette et le calcul de l’impôt.
B) Compétence de la juridiction judiciaire
Selon la combinaison des articles L 199 et L 281 du LPF le juge judiciaire va être compétent en matière de recouvrement en tant que juge de l’impôt, c'est-à-dire en matière de droits d’enregistrement, de taxe sur la publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et taxes assimilées à ces droits. Les griefs pourraient avoir trait ici aussi à l’existence de l’obligation de payer, au montant de la dette compte tenu des paiements effectués, et à l’exigibilité de la somme réclamée, sous l’égide du tribunal de grande instance, ceci a contrario de la compétence vue précédemment du juge administratif.
Par contre pour l’ensemble des impositions recouvrées par les comptables publics mentionnés à l’article L 252 du LPF, l’article L 281 du LPF attribue compétence au juge judiciaire pour connaître des contestations portant sur la régularité en la forme de l’acte. Depuis la loi du 9 juillet 1991, c’est désormais le juge de l’exécution qui est compétent, cette modification affectant donc plus la formation de jugement que la compétence juridictionnelle.
La notion de régularité en la forme s’entend au sens large car la compétence du juge judiciaire couvre toutes les contestations relatives au recouvrement autre que celles dont le jugement a été confié au juge de l’impôt par les dispositions de l’article L 281 du LPF (Trib. De conflit 17 juin 1991). Ainsi le juge judiciaire est amené à connaître des contestations portant sur le recours à tel ou tel acte de poursuites.
D’autre part, l’article L 281 du LPF n’est pas exhaustif en ce qui concerne la compétence du juge judiciaire, car l’article L 283 du LPF délègue aussi compétence au juge de l’exécution en matière de demandes en revendication d’objets saisis, tout comme les privilèges du Trésor ressortissent de la compétence du juge judiciaire.