Le secret bancaire Suisse

Publié le 06/08/2014 Vu 3 699 fois 0
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Le secret bancaire a toujours été un héritage sous la législation Suisse. Poser la question de son avenir avant le 21ème siècle serait même passible de prison ou de radiation de la vie sociale. Mais les exigences internationales font que cette question se pose légitimement de nos jours. c'est le but de ce présent article.

Le secret bancaire a toujours été un héritage sous la législation Suisse. Poser la question de son avenir

Le secret bancaire Suisse

INTRODUCTION 

«  Existe-t-il encore un secret bancaire ? Pendant des décennies, poser cette question en Suisse eut été incongru. La discrétion assurée aux clients des banques étaient considérée comme un pilier immuable de l’ordre juridique helvétique – presque au même titre que la neutralité, la démocratie directe ou le fédéralisme. La défense des patrimoines face à la voracité des fics, notamment étrangers reflétaient les valeurs fondamentales de la Confédération : protection de la vie privée face à l’état, respect de l’argent et de la richesse, souveraineté du pays. Se proclamer l’ennemi du secret bancaire, c’était dans l’Esprit de beaucoup, trahir les intérêts  nationaux, faire preuve d’un manque de patriotisme » ([1]). Mais aujourd’hui, il appert que cette question puisse se poser et ce, malgré le passé assez tranquille que le secret bancaire a bénéficié. Cela est d’autant plus vrai compte tenu de l’ampleur des pressions de la communauté internationale envers la place financière helvétique peut être perçue comme des armes employées pour conduire à la mort inéluctable du secret bancaire. Il est topique de dire que les criminels ont toujours su tirer profit du secret bancaire, pour les vaincre, il est important de l’impérativité de la levée du secret bancaire. En vérité, «  le secret bancaire sous sa forme actuelle ne sera plus tenable à long terme car les intérêts économiques des adversaires sont trop vitaux, la position du défenseur est trop difficile (…) Nous devon tôt ou tard céder du terrain. La question est seulement de savoir où et quand » ([2]). Cette heure semble arriver pour la Suisse « de faire évoluer le secret bancaire. Nous devrons aussi vivre dans l’avenir avec nos voisins. Vouloir seulement conserver ce qui existe n’est pas une stratégie suffisante » ([3]).

   Vouloir maintenir le statu quo ayant prévalu durant de nombreuses années par la Suisse, ne sera pas une attitude judicieuse de sa part. Elle est tenue de faire des compromis, des concessions afin que sa place financière ne puisse pas continuer à être la plaque tournante des capitaux d’origine douteuse. En vérité, elle a bien compris qu’elle ne pouvait plus résister longtemps et a donc procédé à la refonte de son secret bancaire (Section I). L’analyse des discours de l’OCDE et des grandes puissances ne présagent rien de bon pour l’avenir du secret bancaire suisse. Celui-ci n’est t-il pas en train de tendre vers une fin certaine ? (Section II).

Section I : La refonte du secret bancaire suisse.

La refonte du secret bancaire suisse s’est faite sous la forme d’une stratification successive. Elle ne s’est pas produite sponte sua, mais résulte de la combinaison de plusieurs facteurs. Les pressions de la communauté internationale et de certains organismes internationaux (OCDE, FMI ...) y ont certainement joué un rôle de premier plan dans le processus de son érosion. Le paradigme ayant prévalu, durant de longue période, d’après lequel « le secret bancaire est considéré comme un principe absolu, opposable même aux intérêts supérieurs de l’Etat et que le banquier  doit pouvoir défendre par tous les moyens, y compris par la force » ([4]),  a subi des entailles profondes et, ne tient plus debout.

Le processus de la reconfiguration du secret bancaire avait pour point de départ la décision du Conseil Fédéral du 13 mars 2009 (Paragraphe I). Malgré des changements intervenus depuis cette date sur la place financière suisse, la communauté internationale a exprimé un souhait, qu’elle puisse abandonner la distinction qu’elle établit entre la fraude et la soustraction d’impôt (Paragraphe II). Force est de constater, malgré l’amélioration du dialogue entre la Suisse et ses partenaires, qu’une frange de  résistance demeure. En effet, la Suisse accorde une protection particulière à la vie privée du contribuable (Paragraphe III).

Paragraphe I : La portée de la décision du Conseil Fédéral du 13 mars

2009.

  La Suisse a fourni des efforts considérables, pour se voir être retirée de la liste de l’OCDE, avant la rencontre du G20, des paradis fiscaux et des pays non coopératifs en matière d’échange d’information pour des  fins fiscales. La rencontre des pays membres du G20 avait été dictée pour des besoins urgents de trouver des solutions efficaces afin de pouvoir faire aux conséquences dévastatrices de la crise économique. Depuis la décision prise par le Conseil Fédéral, la Suisse s’était engagée de signer de nouvelles conventions, ou en procédant simplement à des modifications des conventions antérieures pour les adapter au standard international de l’article 26 du MC-OCDE. Cette disposition a pour but de faciliter  ainsi l’échange de renseignements avec l’étranger. Cette concession faite par la Suisse était inimaginable de part le passé. «  Le terrain concédé par la Suisse depuis le fameux 13 mars 2009 est considérable » estime Pascal SAINT AMANS, directeur du centre politique et d’administration fiscale de l’OCDE. Elle a pu monter par la suite à ses partenaires que les accords qu’ils avaient signé devraient s’appliquer. Depuis lors, il a été possible, sur la base de l’entraide ou de l’assistance administrative en matière fiscale, d’accéder aux informations sur l’identité des détenteurs de comptes, de société, de trust, qui sont sur son territoire et même des institutions financières suisses basées  à l’étranger.

  A la vérité, les gages politiques donnés par la Suisse se sont traduites en acte. Le scandale récent de fraude fiscale impliquant la banque suisse UBS aux USA a été un levier important afin que la Suisse parvienne à assister les autres Etats en matières fiscale. La banque UBS avait été soupçonnée d’avoir aidé des clients étrangers, notamment ses clients américains et français, à frauder le fisc de leur pays, a marqué les esprits. Elle avait victime des pressions très fortes de la part du fisc américain à livrer les noms de ses évadés fiscaux américains au risque, de perdre sa licence d’exercice sur le sol américain, mais aussi sous le coup d’une lourde sanction économique. Cette situation d’une extrême particularité avait égratigné le secret bancaire suisse, puisque le Conseil Fédéral avait accepté les exigences américaines en leur livrant tous les noms de leurs contribuables ayant fraudé le fisc par le biais de la banque suisse UBS. Cela étant, la Suisse se trouve aujourd’hui entre le marteau et l’enclume. Contrainte d’avancer au milieu du gué, elle doit faire face à des pressions qui s’accroissent constamment, tant de la part de l’OCDE que des Etats-Unis, mais aussi des grands pays de l’Union européenne à l’instar de la France et de l’Allemagne.

   Ce mélange d’agressivité dirigée vers la place financière helvétique a incité cette dernière a modifié profondément sa législation afin d’accorder une assistance administrative en matière fiscale à tous les Etats requérant sur la base d’une CDI, mais aussi en fonction de sa LAAF. L’événement le plus marquant a été, sans aucun doute,  le retrait de sa réserve sur l’article 26 du MC-OCDE, qui entrainé une modification significative du droit interne suisse. Mais, pour certains Etats, tous ces efforts accomplis par la Suisse semblent insignifiants ; ils veulent que la Suisse puisse opérer une refonte importante de son droit pénal, en abandonnant la distinction entre fraude et soustraction.

Paragraphe II : La suppression souhaitée de la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt.

 «  le système fiscal suisse, notamment en matière d’impôt direct, repose depuis toujours sur la trilogie  qui tend à distinguer l’évasion fiscale, la soustraction d’impôt et la fraude fiscale » ([5]). Cette trilogie est essentielle au fondement même du droit fiscal suisse, constitue néanmoins un obstacle avéré pour l’administration de pouvoir prélever l’impôt normalement, mais aussi d’avoir accès à certaines informations pour des besoins de transparence et d’équité devant les charges fiscales. Comme nous l’avions déjà présenté, l’évasion fiscale n’est pas qualifiée en droit interne suisse en une infraction pénale mais, simplement le fait pour le contribuable d’utiliser une structure insolite, critère retenu par la jurisprudence, dans le but d’économiser l’impôt. L’administration fiscale utilise la théorie de la réalité économique pour encadrer la situation particulière du contribuable et de parvenir à une taxation de l’impôt éludé.

  Mais, le nœud gordien, en matière d’infraction, a pour point focal, la recherche d’une délimitation entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt. Le maintien de cette distinction a entrainé de vives controverses et critiques tant sur le plan interne qu’international. A cet effet, « des voix se sont fait entendre dans certains milieux politiques pour proposer d’abroger purement et simplement cette distinction. En d’autres termes, l’idée serait de transformer la soustraction fiscale simple en délit fiscal. Cette proposition de prime abord, a le mérite de simplicité. En réalité une analyse un peu  plus poussée conduit à montrer qu’elle remettrait en cause, de façon approfondie, l’ensemble du système fiscal suisse. A terme, on peut même se demander si la justification de certains impôts ne devrait perdre de son importance avec, comme corollaire, des pressions accrues en vue de leur modification, voire leur suppression » ([6]) ; cette analyse pertinente du Pr. Xavier OBERSON, nous pousse à nous interroger sur la portée actuelle de la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt ? (A). Aussi, il importe d’analyser par la suite, les incidences éventuelles de la suppression entre ces deux infractions (B).

A-) Quelle est la portée actuelle de la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt en droit interne suisse ?

  Répondre à cette question mérite de procéder par une analyse argumentative évolutive. Il convient de dire que la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt est fondamentale en droit interne suisse.  En effet, le secret bancaire est opposable à l’administration fiscale en cas de soustraction d’impôt ; l’administration fiscale ne pourra obtenir les informations nécessaires qu’auprès du contribuable et non directement auprès la banque. Le secret bancaire est maintenu dans le cadre d’une procédure administrative mais, pourra être levé lors de l’ouverture d’une procédure pénale ([7]). La procédure pénale ne peut être initiée que dans l’hypothèse de la commission d’une infraction pénale, pour illustration en cas de fraude fiscale. Elle aura donc pour conséquence de lever le secret bancaire afin de permettre au fisc de rassembler les preuves de cette infraction. Ce n’est que dans une telle situation que la banque est tenue de répondre directement aux demandes du fisc.

« Cette distinction est une particularité de l’ordre juridique suisse et reste mal compris  et peu accepté par l’étranger » affirme le Pr. Rolf H. WEBER. Pour compenser la difficulté rencontrée par le fisc d’avoir accès aux informations sur le contribuable, protégé par le secret bancaire, la Suisse avait mis en place un système de retenue à la source de 35% sur le montant total des sommes déposées sur la place financière helvétique, pour chaque contribuable étranger. Cette distinction présente un intérêt particulier. Elle «  (…) est également essentielle en droit fiscal international. Elle délimite en particulier les conditions de l’assistance administrative et de l’entraide judiciaire » ([8]). C’est sur ce fondement que la Suisse peut accorder ou non l’entraide à un autre Etat. Comme nous l’avions montré ci-haut, la Suisse n’accordait son entraide  en matière judicaire que dans le cas où l’infraction était sanctionnée dans les deux Etats sur le fondement du principe de la double incrimination. L’acte commis à l’étranger, doit être punissable par une peine privative de liberté. Une seule exception avait été apportée à ce principe, c’est celle relative à la convention signée par la Suisse avec les U.S.A. L’objectif poursuivi par cette convention était que la Suisse puisse accorder son entraide en matière d’escroquerie, laquelle est assimilée à la fraude fiscale. A l’évidence « (…) les autorités fiscales ne peuvent exiger des banques, en cas de soustraction d’impôt, qu’elles leur fournissent des renseignements sur leurs clients : le secret bancaire interdit en effet de fournir des renseignements à des tiers. Il en va tout autrement dans le cadre d’une procédure pénale : en effet le banquier ne peut alors refuser de fournir les renseignements demandés (art.47 chap.4 de la loi sur les banques » ([9]). Il est topique de constater que cette entraide est assez restrictive ([10]), puisqu’elle est accordée qu’en cas d’escroquerie fiscale, conformément à l’article 3 al.3 EIMP ([11]).

   Aussi, il convient à relever que la décision du Conseil Fédéral du 13 septembre 2009, la Suisse avait entamé de nombreuses négociations des CDI qu’elle avait conclues avec les autres Etats ; cette décision a conduit à l’étiolement de la distinction entre fraude fiscale et soustraction d’impôt.

B-) Les incidences de la disparition de la distinction entre la fraude fiscale et soustraction d’impôt.

 La suppression de la distinction entre la fraude fiscale et la soustraction d’impôt, selon le Pr. Xavier OBERSON, aura des répercussions tant en droit interne suisse qu’en droit international ([12]). Le souhait de nombreux Etats se verra ainsi se réaliser. Ils pourront  facilement obtenir l’assistance puisque l’une des barrières importantes pour la coopération internationale est cette particularité du droit interne suisse. Le maintien de cette distinction n’est plus « absolument tenable » ([13]). L’une des conséquences que l’on doit envisager en cas de la disparition de cette distinction, serait de voir la retenue à la source devenir obsolète. Le système de la retenue à la source  avait été adopté par la Suisse, pour atténuer l’opposabilité du secret bancaire au fisc, sans pourtant que ce dernier puisse être levée. «  Le système suisse de la retenue à la source (…) fonctionne correctement puisque la Suisse connait l’un des taux les plus bas de fraude fiscale dans le monde » ([14]).Force est, cependant, de dire qu’en levant cette distinction, cela affecterait le bien fondé de l’impôt anticipé ([15]). « L’impôt perdrait en effet son rôle de garantie, pour le moins lorsque le bénéficiaires sont des résidents suisses, dans la mesure où les autorités fiscales auraient accès aux comptes bancaires des contribuables (…) » ([16]).

 Ce problème de la suppression est d’une grande délicatesse. En effet,  l’idée de cette suppression de la distinction n’est pas à prendre à la légère ; cela serait assimilé à l’ouverture de la « boite de Pandore » ([17]), à la recherche de la capture  «  du monstre du Loch Ness ». La conséquence envisagée par le Pr. Xavier OBERSON, serait qu’ « on peut tabler sur le fait que la Suisse, en remaniant son propre modèle, renoncerait du même coup au système actuel de retenue à la source au profit de l’échange automatique d’informations » ([18]). De même, les différents accords passés entre la Suisse et l’U.E, notamment en matière de l’harmonisation de la fiscalité de l’épargne, n’auront plus d’importance, puisqu’elle-va se livrer maintenant à l’échange automatique d’informations. Or, il sied de notifier que la Suisse a toujours été hostile à l’échange automatique d’informations afin, de protéger son secret bancaire lequel a déjà «  (…) été égratigné par la procédure UBS et par l’adoption du code de l’OCDE en matière d’échange d’informations. Nous ne pouvons pas aller plus loin. Ce serait de la déloyauté » ([19]). La suppression de cette distinction affecterait l’ossature de tout le système juridique helvétique. Elle entraine, donc à proprement parler, une refonte considérable du droit fiscal suisse.

 En vérité, le maintien de cette distinction traditionnelle « est au cœur d’un savant compromis entre la protection de la sphère privée, d’un coté et le droit de contrôle de l’administration fiscale de l’autre. Remettre en question ce compromis aboutit à ouvrir une véritable boite de Pandore. Le système fiscal suisse que nous connaissons aujourd’hui, ne serait assurément plus le même. Dès l’instant où le fisc dispose du pouvoir de contraintes similaires à ceux des délits fiscaux, l’idée, au cœur même de l’édifice, selon laquelle l’imposition (le cas échéant à la source) remplace ou au mieux incite le contribuable à déclarer ses avoirs n’a plus de raison d’être »[20]. Il est évident que la protection de la sphère privée de l’individu constitue, somme toute, un obstacle pour la refonte du secret bancaire.

Paragraphe III : Un îlot de résistance pour la refonte du secret bancaire : la protection de la sphère privée du contribuable.

      La refonte du secret bancaire doit prendre en considération la sphère privée du citoyen ou du contribuable. Elle doit être la plus restrictive possible ([21]), tout  en garantissant la protection de la sphère privée de l’individu. La sphère privée ou vie privé est appréhendée de différente dans les pays de l’Europe. «  L’analyse comparée dévoile l’extraordinaire variété des facettes de la vie privée. Il s’agit à n’en pas douter d’une notion dont le caractère protéiforme explique la difficulté méthodologique auquel est confronté tout chercheur qui s’aventure dans cet univers. Nonobstant cette complexité, il ressort que la notion, dans tous les systèmes, est marquées par une évolutivité certaine. Un tel constat n’étonne guère. La vie privée est éminemment reliée à des considérations d’ordre culturel, immanquablement liées à des valeurs changeantes contingentes » ([22]). Malgré les spécificités de chaque législation, certains éléments sont à prendre ensembles. La vie privée recouvre l’intimité de la personne qui ne peut pas être exposée au public sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’intéressé. Ce bastion inviolable de l’individu comprend certains droits de la personnalité (l’image, le domicile, la vie familiale) mais aussi aux privilèges que le droit objectif lui reconnait (secret de la correspondance, secret médical).

    Mais ce qui est étonnant,  c’est que l’argent, en Suisse,  rentre dans la sphère privée de l’individu cela, n’est pas le cas en France. C’est ainsi qu’en Suisse l’administration n’a pas le droit de s’immiscer dans la gestion de fortune de l’individu, ni d’en connaitre l’utilisation, toutefois, dans la limite de la légalité. Il est important dans cette rubrique de présenter les fondements de la protection de la vie privée d’après une analyse comparative des différents textes des pays européens (A), puis par la suite démontrer que le maintien de la protection de la sphère privée du contribuable, est l’une des caractéristiques d’un Etat de droit ou démocratique (B)

A-) Les fondements de la protection de la vie privée du contribuable.

      L’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) consacre le respect de la vie privée et familiale, cette disposition est d’une portée considérable. A la vérité, cet article prévoit en effet que : « 1. Toute personne a droit au respect de sa privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue dans la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sureté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou la protection des droit et libertés d’autrui ». Le fondement communautaire de la protection de la vie privée a été ressenti pour mieux protéger le citoyen contre les immixtions, parfois, illégales de l’état  ou bien de ses  différents services administratifs. Il ne serait pas inintéressant de dire que «  le but du droit considéré est de prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics » ([23]). Cette consécration au niveau de l’U.E n’est pas restée sans incidence dans le droit interne de certain pays européens. A titre d’illustration, on peut se référer à l’Espagne, dans sa constitution du 21 octobre 1978, consacre à l’article 18, la vie privée à travers la notion générique d’intimité ([24]). En France, elle se fondait essentiellement sur l’article 9 du C.civ, d’après lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée » ; mais il fallait attendre jusqu’à la décision du conseil constitutionnel relative à la Vidéosurveillance du 18 janvier 1995 ([25]) pour qu’elle puisse, indirectement, avoir une base constitutionnelle.

    En Suisse, la vie privée a un ancrage constitutionnel ([26]).  Il est prévu par l’article 13 de la constitution fédérale qui dispose, à cet effet, que «  1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile, de sa correspondance et des relations qu’elle établit par la poste et les télécommunications. 2. Toute personne a le droit d’être protégé contre l’emploi abusif des données qui la concernent ». Dès lors on peut se demander quel lien existe-t-il en droit interne suisse entre le secret bancaire et la vie privée ? La thésaurisation de l’argent doit-elle être considérée comme un élément de la vie privée ? En Suisse, la gestion des fonds déposé par le contribuable est un élément de la vie privée, voila pourquoi le secret bancaire suisse fait l’objet d’une protection particulière. Ces questions nous poussent à considérer la protection de la vie privée comme un élément important caractérisant un Etat démocratique. En effet, il existe a n’en point douter un lien étroit entre le secret bancaire et la sphère privée de l’individu.

B-) Les justifications de la protection de la sphère privée du contribuable.

   Le patrimoine du contribuable est considéré comme une composante de la vie privée en Suisse, ce qui ne semble pas être le cas, par exemple, en France où celui-ci est exclu de la sphère privée. Il est remarquable de dire que « dans un Etat démocratique, chacun a droit au respect de sa personnalité car elle représente l’une des garanties fondamentales de la liberté individuelle telle que reconnue par les droit de l’homme. L’obligation de discrétion du banquier garantit dans le domaine financier le droit au respect de la vie privée » ([27]). Le maintien du secret bancaire trouve donc sa justification dans la protection de la sphère privée  de l’individu, mais aussi par le souci de protéger les libertés individuelles car, l’homme serait un être bien malheureux s’il ne pouvait se sentir en sécurité même pour ses finances.

     S’il faudrait le reconfigurer, il sera nécessaire pour les dirigeants, de prendre en considération de ne pas trop écorner la liberté du citoyen en levant le secret bancaire soit,  partiellement ou totalement. C’est en ce sens, qu’un auteur a suggéré que cette reconfiguration puisse être la plus restrictive possible ([28]). Le caractère restrictif de la refonte se justifie par le fait que «  le secret bancaire en Suisse n’est pas une sorte d’institution offshore créée pour attirer des riches étrangers, mais le reflet de la conception que nous avons de la protection de la sphère privée » ([29]).

  Le secret bancaire a été protégé pendant longtemps des menaces étrangères, parce qu’il est considéré comme un élément d’identité culturelle nationale. Il a permis d’établir « une culture de confiance entre citoyen et l’Etat » ([30]). Il n’est pas inintéressant de dire que c’est pour tempérer la toute puissance de l’Etat, particulièrement à travers ses différents services (l’administration fiscale par exemple), qu’il s’est avéré utile que l’individu puisse se sentir en sécurité pour ses fonds déposés en banque. Ce souci de « la justice requiert ainsi que la confidentialité financière, qui découle directement du droit de la personne et du droit de la propriété, doit être protégée contre l’immixtion indue de l’Etat : ce n’est qu’en cas de soupçon grave d’activité illicite que le secret bancaire devrait pouvoir être levé. Sinon, l’Etat viole l’équilibre nécessaire entre les sphères publiques et privées, il ne s’agit plus en tant qu’instrument subsidiaire pour garder la paix dans une société civilisée, mais se mue pour une menace pour cette dernière » ([31]). De même, le champ de protection du secret bancaire ne peut faire l’objet d’un empiètement délibéré, il s’agit là d’une idée importante du libéralisme ([32]).  En effet, «  le libéralisme est un monde de murs, et chacun d’entre eux engendre une liberté nouvelle » écrit le philosophe américain Michael WALZER dans son ouvrage Pluralisme et démocratie ([33]). Cette protection de la sphère privée a favorisé le développement de bon nombre des Etats européens.

     Point n’est besoin de rappeler ici que l’Etat, doit donc protéger cette sphère privée contre les multiples atteintes. Lorsqu’on porte atteinte à la confidentialité financière, en l’absence de motif légal,  l’on peut être amené à qualifier l’Etat qui encourage ces atteintes, d’autoritaires. Qui plus est, «  réclamer la transparence des patrimoines individuels à l’égard de l’Etat : c’est agir comme si l’Etat avait un droit de regard sur l’usage que  les citoyens font de leurs biens, comme si a priori, et comme s’était le cas sous les régimes communistes tout appartenait d’abord à l’Etat, qui consentait ensuite aux citoyens la propriété de certain bien – pour autant qu’ils puissent justifier de leur usage. Exiger la transparence des citoyens envers l’autorité, c’est revenir à des notions absolutistes de la nation et du pouvoir en général. Du point de vue des libertés fondamentales, c’est un retour de plusieurs siècles en arrière » ([34]). 

    Il est topique de préciser qu’en Suisse, et ce même récemment, le secret bancaire s’appliquait de manière  égalitaire tant à l’égard des étrangers que des nationaux. Il est donc logique d’affirmer que «  si un pays considère ses propres citoyens, qu’il n’y a rien de faire prévaloir leur sphère privée sur ses propres intérêts fiscaux, il doit aussi pouvoir tenir le même raisonnement pour les étrangers qui veulent bien confier leur épargne à ses banques » ([35]).

   Malgré toute cette analyse, il sied de dire que la Suisse considère la protection du secret bancaire  comme « un droit de l’homme » ([36]), « il ferait partie de notre système de vie car il contribue à la lutte de l’individu contre les tendances de la société à l’enfermer dans des normes qui brident ses libertés essentielles » ([37]). Nonobstant la protection que la Suisse accorde à tous les déposants, l’ampleur des pressions ne laissent rien présager de bon pour la Suisse. Il y a lieu de s’interroger sur la mort prochaine de cette institution qu’est le secret bancaire.

Section II : Vers la délitescence du secret bancaire ?

«  Avec la signature du 15 octobre 2013 d’une convention de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle  en matière fiscale, la Suisse poursuit inexorablement sa marche vers l’échange automatique des données, affirmant sa volonté de mettre fin au secret bancaire, qui semblait pourtant indissociable de son paysage culturel et de la pratique bancaire suisse » déclare l’avocat Enzo MESCOLA. En effet, si elle a signé cette convention, c’était dans le souci de coopérer avec les autres Etats. La Suisse a fait de nombreuses concessions pour protéger non seulement ses intérêts mais aussi et surtout ceux de ses partenaires. Ces concessions faites par la Suisse sur son secret bancaire, ont inexorablement entrainé à son érosion. Il ne cesse de recevoir des coups d’estoc qui l’écorchent davantage. On peut, à juste titre se demander si le secret bancaire ne serait-il pas t-il moribond ?  N’est-il pas victime de son époque ? A la vérité, « le secret bancaire est déjà en état de mort clinique » ([38]).

   Il est évident que dans une période où les économies sont affectées par la crise, les Etats ne veulent plus perdre un seul centime de leurs contribuables. «  La situation des budgets des Etats s’est tellement détérioré que la perspective des recettes supplémentaires serait un argument de poids dans les négociations » ([39]). Ces négociations ayant conduit à une refonte du secret bancaire suisse. Mais quand on observe les changements rapides qui se produisent au niveau international pour parvenir à la  « moralisation » des flux de capitaux, il y a lieu de se dire que  le secret bancaire pourra disparaitre dans un avenir proche. « L’ère du secret bancaire est révolu » semble t-il. Il ne serait pas inintéressant de présenter les causes de la mort du secret bancaire (Paragraphe I), et examiner par la suite quelles pourront être les conséquences de la disparition de cette institution (Paragraphe II).

Paragraphe I : Les causes de la mort prochaine du secret bancaire.

   Le facteur le plus important conduisant à la mort du secret bancaire semble, à notre avis, la crise économique de 2008. Elle est donc venue aiguillonnée et renforcée le combat mené contre les paradis fiscaux ; d’une manière générale contre  tout système ayant adopté un système économique dénué de toute transparence. Ce besoin de transparence semble être fondé, augmentant ainsi les pressions dirigées contre le secret bancaire (A). Aussi, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux U.S.A, un certain rapprochement a pu être établi entre secret et finalement du terrorisme (B). Mais l’accord FACTA que la Suisse a signé avec les U.S .A sonnera certainement le décès du secret bancaire (C).

A-) Des pressions fortes justifiant l’assainissement des finances internationales.

    «  Une partie de l’instabilité financière est attribuée aux flux croissants qui transitent par les paradis fiscaux et les places bancaires faiblement régulées » ([40]). Cette situation a attiré l’attention des grandes puissances économiques, lesquelles veulent, voire même cherchent, à imposer à ces territoires leur désir de coopération afin de réduire de manière significative l’instabilité que connait, à l’heure actuelle, l’économie mondiale. Il est donc patent de dire que ce marasme économique mondial a aiguillonné le combat contre les paradis fiscaux et bancaires. Il est donc fondamental, que tous les flux qui transitent dans ces territoires puissent être traçables depuis leur origine jusqu’à leur destination. Pour atteindre cet objectif, il est obligatoire que tous les Etats puissent participer dans cette action commune. En cela, il est primordial, pour réguler les flux internationaux de capitaux, que les Etats observent les standards  internationaux élaborés par les différents organismes, pour lutter contre la criminalité financière transnationale. En effet, la criminalité financière a, longtemps été favorisé par l’absence de transparence dans les transactions bancaires. Et ces flux de capitaux illicites sont un poison pour l’économie. Ces flux de capitaux circulaient avec beaucoup de facilité, en profitant de l’opacité que leur offraient certains territoires, notamment la Suisse.

     Il aurait donc facilité l’expansion de la criminalité financière. En effet, plusieurs groupes de trafiquants de drogues, de la mafia ont su tirer profit du secret bancaire suisse, en blanchissant ainsi leur argent sale. Et la circulation de tels capitaux, ayant une origine douteuse, dans le circuit économique, comme étant des capitaux sains, sera comparable à de la gangrène. L’économie se trouve ainsi fragilisé car, ces fonds ne font pas l’objet d’aucune imposition, leurs bénéficiaires cherchant à maximiser leur profit tout en les dissimulant correctement. L’argent du crime circulait sur plusieurs places financières sans pourtant que des contrôles puissent avoir lieu.

   Vue l’ampleur que prenait le phénomène de cette criminalité financière, l’ONU s’était attelé, à prendre des mesures pour le combattre. C’est ainsi, en 1988  sous ses auspices, avait été signé à Vienne, une convention ayant entrainé un assouplissement notable du secret bancaire. Cette convention laisse une part importante à la coopération internationale, recommandée par les banques centrales ([41]). Depuis cette date, la question de la sécurisation des finances  internationales se posaient  déjà avec une acuité particulière. Mais la solution la plus importante, serait d’empêcher la libre circulation de ces capitaux illicites, et de restreindre l’accès des banques aux criminels. Le GAFI, joue dans ce cadre un rôle de premier plan. En effet, les recommandations prises par le GAFI deviennent de plus en plus contraignante pour les Etats.

   Mais aujourd’hui, l’ampleur des pressions a revêtu ou a atteint son paroxysme, à tel point que la mort programmée du secret semble être annoncée. Malgré ces pressions, le secret bancaire doit faire face à l’épineux problème du terrorisme.

B-) Le secret bancaire face à un nouveau défi : le terrorisme.

243. Il est sortable de définir d’abord ce que l’on entend par terrorisme (1) puis envisager le rapport qu’il entretient avec le secret bancaire (2).

1-) La notion de terrorisme.

    Les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain ont changé la configuration du monde. L’on a assisté à une prolifération des textes internationaux ou nationaux condamnant le terrorisme. Toutefois, malgré la grande diversité des textes sur le terrorisme, il n’existe pas une définition qui puisse être universellement accepté ou admis. «  La doctrine met en effet traditionnellement en exergue l’impossibilité ou à tout le moins les difficultés considérable – qui pèsent sur la tentative de trouver une définition universelle légale du terrorisme. En ce sens, certains n’ont pas hésité à comparer la recherche d’une telle définition à la quête du Saint Graal ou à considérer que, si le terrorisme est un problème sérieux, il n’est pas une notion juridiquement utile. D’autres estiment en revanche que les problèmes apparemment juridiques rencontrés dans les tentatives de définitions du terrorisme sont, à la vérité, avant tout des problèmes politiques et que, quels que puissent être les intérêts stratégiques d’une définition légale universelle, l’arsenal du droit positif contemporain est suffisant pour circonscrire la notion (…) » ([42]). Cette absence d’uniformité dans la recherche de la définition du terrorisme constitue un obstacle à n’en point douter et, ce, malgré le nombre des conventions et des protocoles signés sous l’égide de l’ONU.

Il convient, malgré cette difficulté définitionnelle, de se référer à la définition que nous propose l’OTAN. A cet effet, le terrorisme est définit comme «  l’utilisation ou la menace de l’utilisation illicite de la force ou la violence contre des personnes ou des biens dans une tentative de contraindre ou d’intimider les gouvernements ou les sociétés à atteindre leur objectif politique, religieux ou idéologique ». L’U.E, de sa part, ne donne aucune définition du terrorisme. Mais va plutôt dans le sens de l’acte terroriste, comme étant « l’acte intentionnel, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale établie comme un crime en vertu du droit international, commis dans le but d’intimider une population, de contraindre indirectement un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire, ou gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques , constitutionnelles, économiques, sociales d’un pays ou une organisation ».

2-) Le rapport entre secret bancaire et terrorisme.

   Les terroristes pour réaliser leur dessein ont besoin des fonds et, cet argent, ils peuvent l’obtenir de manière légale ou illégale. Le procédé légal de l’obtention de ces fonds peut résulter des dons personnels et des profits provenant d’entreprise ou d’organismes caritatifs. En ce qui concerne la voie illégale, les terroristes peuvent obtenir ces fonds par le trafic de stupéfiant, de la vente d’armes, de la fraude, les enlèvements ou l’extorsion.

Pour dissimuler l’origine de ces fonds, les terroristes ont recours à des techniques semblables à celles du blanchiment d’argent, afin  d’éviter d’attirer l’attention des autorités de poursuite et de protéger l’identité de leur commanditaire, mais aussi des bénéficiaires de ces fonds. Et pour minimiser les risques, ils font de plus en plus usage du système bancaire pour atteindre cet objectif. C’est ainsi, que l’on a constaté que ces fonds transitaient dans des territoires ayant une pratique du secret bancaire strict, au point même où il est difficile de déterminer les véritables bénéficiaires de ces fonds.

Mais, une précision mérite d’être faite. A ce jour, aucune étude empirique n’a été faite pour démontrer l’usage du système bancaire suisse par des terroristes. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il n’existe pas de connexité entre le secret bancaire et le financement du terrorisme, surtout après les attentats du 11 septembre 2001 il était devenu urgent pour les Etats d’empêcher les terroristes d’avoir accès au système bancaire international. La lutte contre le terrorisme a, changé la nomenclature des actes répréhensibles du GAFI en matière économique. Son champ s’étant élargi. En effet, il ne s’intéresse plus seulement à la lutte contre le blanchiment mais aussi à combattre le financement du terrorisme. Il a ainsi pris de nombreuses recommandations pour essayer de juguler les fonds servants pour des activités des groupes terroristes. L’OCDE, de son coté, n’est pas restée inactive. Elle a créé le Financial Action Task Force pour analyser le problème du financement du terrorisme

C-) FACTA : un accord mortel pour le secret bancaire suisse.

Les Etats-Unis ont adopté le 18 mars 2010 le Foreign Account Tax Compliance Act, qui vise à assurer l’imposition des avoirs détenus à l’étranger par des contribuables américains. Cet accord oblige les instituts étrangers de s’enregistrer  auprès de l’IRS, et doivent rendre périodiquement des rapports sur les comptes détenus par les contribuables américains. Mais il est nécessaire au préalable de recevoir l’accord du détenteur du compte. Les établissements bancaires qui refuseraient de participer à cette mesure seront considérés comme non coopératifs et doivent ainsi prélevé pour le compte du fisc américain un impôt à la source de 30%  même si le paiement est encaissé pour des clients qui ne sont pas de personnes américaines. «  Les instituts financiers suisses sont contraints de participer au FATCA, car ils ne peuvent pas se permettre de subir la déduction d’un tel impôt à la source » ([43]). La Suisse s’est opposée vivement à cette retenue à la source.

   Pour faciliter la mise en œuvre du FATCA, les USA ont proposé deux modèles d’accord bilatéraux aussi appelés Intergovernemental Agreements (IGA). Selon Le modèle 1, dont il existe deux variantes, l’une avec réciprocité et l’autre sans réciprocité, est fondé sur l’échange automatique de renseignements: les instituts financiers des Etats qui ont conclu un accord selon le modèle 1 avec les Etats-Unis communiquent les renseignements sur les comptes détenus par des personnes américaines à leurs propres autorités fiscales, qui transmettent ensuite automatiquement ces renseignements à l’IRS. Le modèle 2, qui ne comprend pas de réciprocité, prévoit en revanche des communications directes des instituts financiers à l’IRS. Ce système de communication est complété par un échange de renseignements sur demande relatifs aux comptes des personnes américaines pour lesquels l’institut financier n’a pas reçu de consentement pour leur communication. Cela permet aux Etats-Unis de déposer des demandes groupées et d’obtenir, par la voie de l’assistance administrative, les renseignements sur les comptes de ces personnes que l’institut financier aurait dû livrer à l’IRS s’il avait obtenu le consentement nécessaire.

   La Suisse a adopté le modèle 2. Cet accord avait été signé le 14 février 2013 et, est en cour de ratification. En principe il devrait s’appliquer dès le 1er janvier 2014 mais il a été retardé de six mois[44]. Les établissements suisses vont conclure un contrat FFI (Forgien Financial Institutions) avec l’IRS aux termes duquel, ces établissements vont s’engager ([45]) :

- identifier les comptes américains ;

- à communiquer à l’IRS, sur la base d’une déclaration de consentement du titulaire du compte, les renseignements sur ce compte ;

- à n’ouvrir de nouveaux compte pour les contribuables américains que si celle-ci lui ont remis une déclaration de consentement ;

- à donner suite aux demandes de renseignements complémentaires déposés par l’IRS dans le cadre d’une procédure vérification et d’application.

   Le modèle d’accord choisi par la Suisse ne repose pas, en tant que tel, sur l’échange automatique d’informations mais semble s’en rapprocher ([46]). L’IRS pourra demander sur cette base des renseignements précis sur les comptes concernant les demandes groupées (Accord FACTA art.5) ([47]). Il convient à signifier que la Suisse n’est pas le seul à avoir signé cet accord. Il y a aussi la France, l’Italie, la Grande Bretagne. La portée cet accord que la Suisse a conclu avec les USA pour prélever l’impôt sur le compte des contribuables américains ouvert sur la place financière suisse, a davantage affecté « le mur du secret » et de la confidentialité financière. Le secret bancaire se réduit désormais à « peau de chagrin ».

Actuellement, au sein de l’U.E, des initiatives allant dans le sens du FACTA ont été envisagé. On pourra assister dans quelles années à la signature du même type d’accord entre l’U.E et la Suisse. La Suisse serait amenée à livrer toutes les informations nécessaires des comptes de tous les contribuables européens ayant effectué des dépôts dans des banques helvétiques. On peut donc en tirer la conclusion que le secret bancaire est condamné à disparaitre dans un futur proche. Sa mort n’affecterait-elle pas la place financière Suisse ?

Paragraphe II : Les conséquences de la disparition du secret bancaire suisse.

  Si le secret bancaire venait à disparaitre, l’attractivité de la place financière suisse pour les capitaux étrangers va diminuer. En effet, ce dernier avait été conçu pour favoriser l’évasion fiscale attirant ainsi un flux important des capitaux étrangers sur son territoire. La fin de cette institution va entrainer irrémédiablement une fuite importante des capitaux jusque là gérés par les grandes banques helvétiques vers des places financières plus attractive et moins coopérative que la Suisse (A). Et cette délocalisation des capitaux fragilisera certainement l’économie suisse vue l’importance du secteur bancaire dans la production de la richesse nationale (B). Chercher à « assassiner » le secret bancaire n’est ce pas là, une manière pour les grandes puissances économiques de combattre la concurrence fiscale (C).

A-) La délocalisation des capitaux vers des havres fiscaux plus attractifs.

   « Haut lieu de la gestion de fortune privée, la Suisse va sans doute subir en profondeur les conséquences du changement de règles qui s’est imposé dans le domaine de l’échange international d’informations fiscales. Le scénario tablant sur l’imminence d’un exode massif de capitaux est invraisemblable. À long terme, il s’agit cependant d’appliquer une stratégie qui vise le respect de toutes les normes internationales en matière de taxation et qui ne tolère aucune transgression ni zone grise » ([48]). Mais pourtant présentement l’on assiste à la régression de confiance accordée  aux banques suisses.

C’est à partir du scandale de l’affaire UBS que les banques suisses ont vu leur clientèle craindre que la confidentialité qui leur était offerte autrefois puisse disparaitre. Cette discrétion que faisait montre le banquier était un facteur important d’attraction pour la place financière suisse. Mais aujourd’hui, avec les nombreuses concessions faites par la Suisse, l’on peut s’interroger si la part importante  des fonds qu’elle a longtemps géré pour le compte des déposants étrangers ne va pas subir une régression. L’on assiste depuis les démêlés de l’affaire UBS une perte progressive des banques helvétiques de leur clientèle étrangère ([49]), affectant la gestion offshore des fortunes, domaine dans lequel les banques suisses détienne une part importante du marché mondial de l’ordre de 30% à 40% ([50]). Il convient cependant à préciser que cette délocalisation ne pourra pas se faire si rapidement car les clients doivent être renseignés sur les conséquences de la politique Suisse en l’état actuel en matière d’échange d’information. Aussi, l’OCDE milite grandement à ce que les grandes places financières et les paradis fiscaux puissent adopter les standards internationaux en matière fiscale. Cette uniformisation des règles internationales ne serait pas en soi une mauvaise nouvelle pour la Suisse.

  Cependant, certaines places financières asiatiques (Hong-Kong, Singapour) rechignent à adopter ces standards. Elles pourront devenir, à la longue, des places privilégiées pour la fuite des capitaux.  Il est, dès lors, de la plus haute importance  que l’OCDE entre en négociation avec ces territoires afin d’éviter des distorsions dans la concurrence fiscale internationale. Cette délocalisation affectera inéluctablement l’économie helvétique.

B-) Une économie suisse fragilisée.

« La Suisse est une économie ouverte, fortement intégrée dans l’économie mondiale, et ce non seulement au niveau des échanges commerciaux de marchandises, mais également au niveau des échanges internationaux des services, qui sont en pleine expansion. La Suisse compte d’ailleurs parmi les principaux exportateurs de services financiers » ([51]). Ce rôle croissant que la Suisse a joué durant ces dernières années n’a plus la même configuration qu’autrefois. Aujourd’hui, il est évident de dire que « le secteur financier fait en règle générale partie des secteurs économiques très réglementés. Plusieurs comités internationaux veillent au respect  de toute une série de normes minimales acceptées sur le plan international pour réglementer les places financières. Les défis à relever sont d’autant plus grands pour les autorités ; en particulier pour celles d’une petite économie comme la Suisse, dont le secteur financier est comparativement très important » ([52]). La recherche de cette application minimale des règles internationales a fortement égratigné le secret bancaire suisse. Ce statu quo produit inéluctablement des effets sur l’économie suisse.

  Le secteur financier est cardinal pour l’économie helvétique. Le domaine dans lequel la Suisse a excellé est, sans l’ombre d’un doute, le secteur de la gestion des fortunes. D’après les estimations de la banque UBS, en 1998, avaient montré que les plus-values dans le domaine de la gestion des fortunes s’élevaient à près de 22 milliards de franc suisse, soit près de 60% des plus values créées dans l’ensemble du secteur financier et près de 43.000 emplois y était rattachée ([53]). L’on remarque que ce secteur peut être considéré comme l’un des poumons de l’économie helvétique. En 2001, les estimations du montant de la fortune gérée par la Suisse était de près de 4000 milliard de FS, et 58% de ce montant, soit 2300 milliards de FS proviendraient des déposants étrangers ([54]). Et le secteur bancaire en Suisse aurait crée plus de 100 milles emplois. Si le secret venait à disparaitre cela affecterait l’économie toute entière de la Suisse, sa survie est donc une question importante pour la préservation des emplois que le secteur bancaire a généré. Il faut donc le protéger car la suppression du secret bancaire «  serait une catastrophe pour la place financière, qui se paierait par des pertes massives d’emplois » et pour la Suisse, elle « (…) aura donc à  terme des conséquences dramatiques » ([55]).  Somme toute, si la mort du secret bancaire semble être programmée, il sied de dire que l’on pourra assister à la fin éventuellement de la concurrence fiscale.

C-) La fin de la concurrence fiscale.

  La mort du secret pourrait avoir pour signification que la concurrence fiscale à laquelle se livraient les Etats tend vers sa fin. Or, la concurrence est un élément important du développement des marchés économiques. Le combat mené contre les paradis bancaires malgré leur fondement justifié, aggravera certainement l’instabilité économie. En effet, le maintien d’une telle concurrence fiscale  « décourage notamment les gouvernements d’adopter des régimes confiscatoires freinant l’esprit d’entreprise et pénalisant l’économie, et évite un nivellement vers le haut de la pression fiscale » ([56]). Si cette institution importante de la concurrence disparaissait, l’équilibre qui existait jusque là vacillera.

   Aussi, les discours que les grandes puissances tiennent sont teintés parfois d’hypocrisie. En effet, dire qu’ «  il n’y plus de paradis fiscaux et laisser croire que l’économie mondiale sortie de la crise pourra se dispenser de cette précieuse ressource, ce n’est qu’un propos d’estrade » ([57]). Il sera difficile de combattre les paradis bancaires ou même les refuges fiscaux. Car, leur rôle dans l’économie mondiale est salutaire. De même, ils permettent de tempérer la hausse de la charge fiscale et cet ingrédient est indispensable. A la vérité, « les paradis fiscaux augmentent ainsi l’efficacité des marchés internationaux des capitaux et, partant, l’efficacité de l’allocation de capital vers les investissements les plus productifs. Ils encouragent par là même l’augmentation du niveau de vie. Les paradis fiscaux profitent donc à tous les résidents, qu’ils en fassent directement ou non. Ils servent à canaliser les capitaux en évitant une double, voire triple imposition dans les pays fortement imposés et mènent à une prospérité supérieure dans ces pays là. Ils servent en quelque sorte à limiter l’assujettissement excessif des ressources productives à l’impôt et à atténuer le gaspillage et la dissipation qui caractérisent en grande partie la gestion publique, en particulier dans les grands Etats centralisés » ([58]). Cela dit, l’on peut comprendre que le maintien de certaine institution est utile et leur fin serait désastreuse. Pourtant, il est important de limiter parfois les abus que l’on constate dans ces territoires. La méthode de la « carotte et du bâton » semble être la voie de l’équilibre, de la justice, de l’équité même.

Il est, donc, inadéquat de chercher à faire mourir le secret bancaire. Mais plutôt, le maintenir avec des adaptions importantes tout en prenant en compte l’environne économique du monde. La mondialisation en tirera davantage profit, et sans la concurrence l’on assisterait à la stagnation des marchés des capitaux. L’ombre tout comme la lumière, doit pouvoir jouer son rôle. Trop d’ombre serait un danger.

Conclusion :

    Les pressions de la communauté internationales, ont conduit la place financière à changer son discours, sa législation et de faire un certain nombre compromis. C’est ainsi, que nous avions vu la Suisse levée sa réserve qui faisait obstacle à l’échange de renseignements en matière fiscale, et de prendre les mesures nécessaires pour coopérer avec ses partenaires. Malgré que certain obstacles demeurent encore, l’évolution des rapports de la Suisse avec ses partenaires est passée, à un véritable dialogue constructif. Le secret bancaire, autrefois « intouchable » tend certainement vers un simple devoir de discrétion susceptible d’être levée en cas de fraude fiscale ou lors de la commission d’une infraction pénale. L’administration fiscale de l’Etat requérant peut, sous le respect de certaines conditions, être aidé et même assistée par les autorités compétentes suisses. « L’alternative réside dans  La coopération internationale face au détricotage des systèmes de redistribution d’impôt » ([59]).

   Il est remarquable de constater que tous ces progrès ont fini par édulcorer le secret bancaire suisse. Il semble avoir de sa superbe d’antan. Le contexte actuel de l’économie mondial ne saurait tolérer le maintien des systèmes opaques favorisant le crime. Ce combat s’internationalisant, justifie donc les agressions dont a été victime la place financière suisse. L’assainissement des flux des capitaux est devenu une exigence afin d’empêcher les criminels d’avoir accès aux services bancaires. Toutes ces raisons ne laissent rien présager de bon pour la place financière suisse, et du secret bancaire en général. L’avenir du secret semble empreint de nombreuses zones d’ombre, d’incertitude. Pourrait t-il résister aux pressions actuelles avec la ténacité d’autrefois ?

NOTES

[1] S. BESSONLe secret bancaire : la place financière suisse sous pressions, 2e éd.Presses Polytechniques et universitaires romandes, p.9.

[2] Ibid., p.117, l’auteur cite l’économiste Saint-Gallois.

[3] Ibid., p.30.

[4] Ibid., p.28.

[5] X. OBERSONRefonte de la fiscalité Une boite de Pandore, La Lettre(Groupement  des banques privées Genevois), n°34, mai 2008, p.2.

[6]Ibid.

[7]R.H. WEBBERLe secret bancaire face à l’administration fiscale en droit suisse,RLDA, n°49, mai 2010, p.77.

[8] X. OBERSONop.cit, p.3.

[9]S. GUEXQuelques réflexions historiques sur le secret bancaire suisse, in Place financière suisse, évasion fiscale et intégration européenne, (sous la dir.) R.SCHOWK, Euryopa, 2002, p.26.

[10]G. PERROULAZ, Place financière suisse, l’Annuaire Suisse de politique de développement [en ligne], vol. 22, n°1, 2003, p.137.

[11]X. OBERSONop.cit, p.4.

[12]Ibid.

[13]G. PERROULAZop.cit, p.139.

[14]H. SCHAWMMPourquoi l’Union européenne mise-t--elle sur l’échange automatique d’information ?Euryopa, 2002, p.72.

[15]X. OBERSONop.cit, p.5.

[16]Ibid.

[17] Ibid, p.1.

[18] Ibid, p.6.

[19]K. HUMMLERL’impôt à la source, une solution d’avenir pour la Suisse, Horizons et Débats, n°36, 21 septembre 2009, p.1.

[20]X. OBERSONop.cit, p.8.

[21]O. LONGCHAMPLa reconfiguration du secret bancaire suisse, l’Economie politique, avril 2010, p.25.

[22]L. BURGORGUE-LARSENL’appréhension constitutionnelle de la vie privée en Europe (Analyse croisée ses

[23]I. ROAGNALa protection au respect de la vie privée et familiale par la convention européenne de droits de l’’homme, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2012, p.11.

[24]L. BURGORGUE-LARSENop.cit, p.1.

[25] Ibid.

[26]P.G. MORCOSop.cit, p.220.

[27]M. AUBERTLe secret bancaire suisse, Genève, 1995, p.2.

[28]O. LONGCHAMPLa reconfiguration du secret bancaire Suisse, l’Economie politique, avril 2010, p.25.

[29]J. WATTEVILLE cité par S. GUEX, in Développement de la place financière helvétique et secret bancaire au 20e siècle : la Suisse comme paradis fiscal,Solidarités-Bimensuel, n°125, p.4. lien direct : http :www.solidarités.ch./journal/d/article/84 pdf.

[30]P. BESSARDLes droits individuels et le combat contre « l’évasion fiscale »,Institut Libéral, Février 2013, p.27.

[31]Ibid, p. 24.

[32]Il a été  cité par F. DERMANGE, in L’Ethique de l’abolition du secret bancaire,Euryopa, 2002, p.125.

[33]F. DERMANGEop.cit, p.126. L’auteur affirme que «  la thèse de l’Etat libéral est simple : Our homes are Our castles. Nous n’attendons pas que l’Etat se prononce, sur la forme de notre sexualité, sur les livres que nous aimons ou sur nos conversations avec nos amis. Le même principe vaut en matière bancaire : la tâche de l’Etat n’est pas de dicter quelles activités les individus doivent entreprendre, comment gérer leur argent, s’il est loisible ou non qu’ils s’enrichissent. Ce que nous attendons de l’Etat est qu’il  protège les frontière étanches et laisse chacun de développer à sa guise ses propres visées du bien ».

[34]T. AFSCHRIFTRéflexions sur l’avenir du secret bancaire, Institut Libéral, Rapport, mars 2009, p.4.

[35] Ibid, p.5.

[36]S. BESSONLe secret bancaire : la place financière sous pressions, 2e éd  actualisée PPUR, p.110.

[37]Ibid.

[38]C. WILHELMLe secret bancaire déjà en état de mort clinique, Le Temps, 04 janvier 2010.

[39]K. HUMMLERL’impôt à la source, une solution d’avenir pour la Suisse, Horizons et Débats, n°36 , 21 septembre 2009, p.1.

[40]T. GODEFROYP. LASCOUMES,

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