En l’espèce, le Conseil d’Etat a retenu que le mandat délivré au syndic par l’assemblée générale des copropriétaires pour l’autoriser à agir en justice dans l’hypothèse d’un permis de construire déposé par le propriétaire d’une maison voisine qui ne respecterait pas les règles d’urbanisme ou les servitudes légales et conventionnelles, ne peut être regardé comme précisant suffisamment l’objet de l’action contentieuse à engager pour habiliter valablement le syndic à agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires.
Il résulte en effet des dispositions de l’article 55 du décret du 17 mars 1967 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, que dans le cas où une autorisation pour agir en justice est requise, le syndic agissant au nom du syndicat des copropriétaires est tenu de disposer, sous peine d’irrecevabilité de sa demande, d’une autorisation formelle de l’Assemblée générale. Il est reconnu que dès lors que le syndic dispose d’une telle autorisation pour engager une procédure contentieuse, ces dispositions n’exigent pas qu’il sollicite une nouvelle autorisation pour interjeter appel et le cas échéant, se pourvoir en cassation (CE, 9 juillet 2008, n°297370 ; CE, 3 juillet 2015, n°371433).
Or, l’article 55 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, lequel énonce :
« Le syndic ne peut intenter une action en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale, sauf lorsqu'il s'agit d'une action en recouvrement de créance même par voie d'exécution forcée, d'une procédure engagée conformément à l'article 54 du décret du 30 mars 1808, et en cas d'urgence, notamment d'une procédure engagée conformément aux articles 806 et suivants du code de procédure civile. Dans tous les cas, le syndic doit rendre compte des actions qu'il a introduites, à la prochaine assemblée générale ».
est ainsi modifié par l’article 12 du décret n° 2019-650 du 27 juin 2019[2] portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles :
« 1° Après le premier alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les copropriétaires peuvent se prévaloir de l'absence d'autorisation du syndic à agir en justice. » ;
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « les mesures conservatoires », sont insérés les mots :
« , l'opposition aux travaux permettant la recharge normale des véhicules électriques prévue à l'article R. 136-2 du code de la construction et de l'habitation ».
Le décret du 27 juin 2019 réserve donc la possibilité de soulever en justice l’absence d’habilitation du syndic aux seuls copropriétaires.
Cette modification, loin d’être anodine, constituera désormais une entrave pour les parties défenderesses, qui fréquemment soulevaient, dans le cadre de procédures contentieuses, par voie d’incident, le défaut d’habilitation à agir en justice du syndic, en vue d’une éventuelle prescription de l’action du syndicat des copropriétaires.
La Cour de cassation avait déjà considéré que s’il est nécessaire que l’autorisation d’agir en justice donnée par le syndicat des copropriétaires au syndic le soit à l’intérieur du délai d’action et que la procédure soit introduite par le syndicat des copropriétaires à l’intérieur de ce délai (Cass, 3ème Civ., 13 janvier 2010), le justificatif de l’habilitation donnée au syndic pour engager la procédure pouvait être néanmoins communiqué postérieurement à l’expiration du délai d’action, en cours de procédure, à la condition toutefois qu’il soit produit avant que la juridiction ne statue.
La Cour de cassation avait ainsi retenu dans un arrêt du 16 décembre 2014 (C. Cass., 3ème Chambre civile, 16 décembre 2014, n°13-24230) que la prescription décennale avait été interrompue par la saisine de la juridiction intervenue avant l’expiration du délai de prescription et que la demande du Syndicat des copropriétaires était recevable dès lors que le syndic avait été habilité par l’Assemblée générale, à l’intérieur du délai d’action, à introduire la procédure.
Les dispositions originelles du décret du 17 mars 1967 ont été inspirées par la nécessité de la connaissance par les copropriétaires de l’action en justice, et de leur consentement à ce qu’elle soit exercée.
C’est en effet le syndicat qui est titulaire de l’action et qui supporte les conséquences de son issue.
Le défaut d’autorisation du syndic est sanctionné par la nullité de l’acte de procédure, en particulier de l’assignation, qui peut être soulevée par toute partie à l’instance (la nullité de l’acte ne bénéficiant toutefois qu’à la partie qui l’a invoquée). Ainsi, dans le cadre de litiges de construction, la fin de non-recevoir tirée de l’absence d’autorisation du syndic est usuellement soulevée par les constructeurs ou leurs assureurs, défendeurs à l’action.
Dans ce contexte, la disposition initialement destinée à protéger le syndicat contre les initiatives du syndic est devenue un moyen mis à la disposition des tiers à la copropriété, leur permettant de différer l’issue du procès, voire même, dans certains cas, de bénéficier de la prescription de l’action en l’absence d’autorisation donnée avant l’expiration du délai pour agir.
Certaines parties défenderesses pouvaient ainsi être accusées de manœuvres dilatoires, soulevant plusieurs années après la délivrance de l’assignation initiale en référé expertise, devant le Juge de la mise en état (saisi en ouverture du rapport d’expertise judiciaire) une telle fin de non-recevoir.
Le rapport annuel de la Cour de cassation de 2015 a donc suggéré que seuls les copropriétaires puissent se prévaloir de l’absence d’habilitation du syndic pour agir en justice.
C’est chose faite.
Cette nouvelle disposition destinée à la modernisation de la copropriété, mise en place en vue d’une meilleure sécurité juridique (et vraisemblablement aux fins d’accélération des procédures et subséquemment, de désengorgement des juridictions), aura donc un impact certain sur les pratiques judiciaires.
Le texte est entré en vigueur le 29 juin 2019.
[2] Décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2019/6/27/JUSC1908985D/jo/texte