Sur l’importance de la délimitation (et de l’exercice effectif) des activités déclarées par l’assuré auprès de son assureur en responsabilité civile décennale (Cass. 3ème Civ., 18 avril 2019, pourvoi n°18-14028).
La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler les grands principes attachés aux limites de garantie des contrats d’assurance de responsabilité civile décennale, au sein de son arrêt rendu le 18 avril 2019 (Pourvoi n°18-14028, non publié au Bulletin).
En l’espèce, une entreprise s’est vue confier des travaux d’aménagement d’une boulangerie. Se plaignant de malfaçons, le maître d’ouvrage a classiquement sollicité une mesure d’instruction judiciaire. A l’issue du dépôt du rapport d’expertise, celui-ci a assigné en indemnisation de ses préjudices le constructeur lequel a lui-même assigné en garantie et en paiement de dommages intérêts son assureur.
La Cour d’appel saisie du litige a rejeté la demande en garantie du locateur d’ouvrage, fondant son pourvoi en cassation aux motifs que la Cour aurait privé sa décision de base légale au regard des articles L. 241-1, L. 243-8 et A. 243-1 du Code des assurances.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, aux motifs « qu’ayant relevé qu’il résultait des conditions particulières du contrat d’assurance de responsabilité décennale que l’assureur garantissait l’assuré en sa qualité d’entrepreneur général titulaire d’un contrat de louage d’ouvrage pour l’exécution de travaux du bâtiment qu’il sous-traitait en partie et que cette garantie s’appliquait pour l’activité d’entrepreneur général dès lors que les travaux n’étaient pas sous-traités en totalité et que l’activité de conception n’était pas garantie, la cour d’appel, qui a retenu, sans modifier l’objet du litige, que la société X., était intervenue en qualité d’entrepreneur général, avait assuré une mission de maîtrise d’œuvre et ne contestait pas avoir sous-traité la totalité des travaux, en a exactement déduit que la garantie de la société Y., n’était pas due et a légalement justifié sa décision de ce chef ».
Il ressort de cette motivation qu’aux termes des conditions particulières de la police, l’assureur garantissait l’assuré en qualité d’entrepreneur général qui, s’il pouvait sous-traiter les travaux confiés, ne le pouvait que partiellement.
Le constructeur avait donc contrevenu sur ce point aux termes du contrat le liant avec son assureur en responsabilité civile décennale.
En outre, l’entrepreneur avait assuré une mission de maîtrise d’œuvre laquelle ne faisait nullement partie des activités déclarées par ce dernier auprès de la compagnie lors de la souscription du contrat d’assurance.
Contrairement à ce qu’il tentait de soutenir, l’activité d’entrepreneur général n’intègre pas « nécessairement » la conception de l’ouvrage.
Le moyen soulevé selon lequel « la conception de l’ouvrage ne constitue pas un secteur du bâtiment devant faire l’objet d’une garantie spécifique », ne pouvait raisonnablement prospérer.
La Cour d’appel avait donc, à bon droit, statué.
La garantie de l’assureur n’était pas mobilisable en l’espèce, fondant le rejet du pourvoi de son assuré.
Une telle décision peut être lourde de conséquences financières pour l’entrepreneur qui se voit dénier toute garantie.
La jurisprudence est particulièrement claire et foisonnante sur ce point.
Si le contrat d’assurance de responsabilité obligatoire (décennal), que doit souscrire tout constructeur, ne peut comporter les clauses d’exclusion autres que celles prévues à l’article A. 243-1 du Code des assurances, la garantie de l’assureur ne concerne néanmoins que le secteur d’activité professionnelle déclaré par ledit professionnel (Cass. 1ère Civ., 29 avril 1997, n°95-10.187 ; Cass. 1ère Civ., 28 octobre 1997, n°95-19.416).
Les juges du fond appliquent, depuis ces deux arrêts de principe, la règle dont s’agit.
Il appartient donc à l’assuré de déclarer avec précision l’étendue de l’activité pour laquelle il pourrait être tenu au titre de sa responsabilité décennale (CA GRENOBLE, 2ème Chambre, 3 juillet 2006, SMABTP/SNC EIFFAGE).
Il est tout à fait logique que nonobstant le caractère obligatoire de l’assurance, celle-ci soit néanmoins limitée au secteur d’activité déclaré par le constructeur : il s’agit là d’un principe général du droit de l’assurance.
Les clauses du contrat relatives aux activités déclarées ont donc pour objet et pour portée de limiter le champ d’application de la police d’assurance responsabilité décennale.
Elles sont à ce titre opposables aux bénéficiaires de l’assurance responsabilité décennale (CA NANCY, 1ère Ch., 16 novembre 2004, CAMBTP/VILLETTE).
Ce principe rappelé par la Cour de cassation ne peut qu’inciter les constructeurs à la plus grande prudence dans la déclaration des activités exercées auprès de leur assureur, lors de la souscription d’une police de responsabilité obligatoire, et a fortiori dans leur exercice effectif, sous peine de s’exposer à la non assurance de leur ouvrage.
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